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Le crédit, vulgairement dit, peut se distinguer en crédit de commandite et crédit de circulation le premier ayant pour objet de fournir les instruments de production même, ou les capitaux; le second ayant pour fin spéciale de faciliter la vente des produits, et de permettre d'en attendre l'écoulement, sans arrêter le travail de l'atelier.

Le caractère onéreux du crédit n'est point essentiel à la définition générale de ce mot : le crédit peut être, a été longtemps gratuit; et même du point de vue idéal et scientifique, le crédit devrait s'accorder gratuitement partout, à tous et toujours. Mais le crédit sous toutes ses formes est essentiellement basé sur la créance ou confiance, sur la foi du créditeur envers le crédité; car l'acte de crédi ter est une avance à découvert, faite dans l'hy. pothèse que l'emprunteur usera honnêtement de la chose. Le prêteur, en effet, n'est pas, en général, garanti par un gage équivalent ou une hypothèque sur les biens du crédité; souvent même celui-ci n'a d'autre bien que son honneur ou sa moralité : c'est donc avec raison que cet acte a été appelé crédit, de credere, croire, avoir confiance.

Le crédit, quels que soient d'ailleurs ses résultats, aboutit toujours à faire passer les instruments de travail des mains de celui qui en dispose aux mains de celui qui en manque; de celui qui ne les utilise point, aux mains de celui qui veut les faire valoir; c'est là son plus important caractère, et sa véritable signification économique ou sociale.

Tous les modes ou systèmes de crédit jus-qu'ici connus ou pratiqués, peuvent se ramener aux trois combinaisons, aux trois formes suivantes : le crédit public ou social, unitaire, gratuit, exclusif; le crédit privé ou individuel, multiple et onéreux, également exclusif; et un état ou combinaison mixte, qui comporte l'existence simultanée du crédit public et du crédit particulier.

Dans le système du crédit social, l'État retenaut seul et toujours la haute disposition des instruments de travail, dont la propriété absolue est alors tenue pour inaliénable, indivise, nationale, crédite tout le monde, directement ou indirectement, d'une manière sommaire et une fois pour longtemps, ou individuellement et sans cesse, par une action continue et permanente ce système, pratiqué dans quelques petits États de l'antiquité, à Sparte, par exemple, est celui que préconisent la plupart des socialistes modernes, notamment les communistes.

Dans le système du crédit particulier, la société, au contraire, aliène la propriété collective; elle abandonne aux capitalistes le soin de fournir des instruments de travail à ceux qui n'en ont pas en quantité suffisante; ENCYCL. MOD.

T. XI.

elle tolère, permet et protége même le crédit onéreux, sous toutes ses formes le crédit foncier, ou immobilier, moyennant la redevance ou le prélèvement d'une dime qu'on appelle fermage, loyer, rente, revenu; le crédit industriel et commercial, moyennant la redevance qu'on appelle intérêt; enfin le crédit accordé, sous forme de salaire, à l'ouvrier, en retour du travail opéré pour le compte du capitaliste : c'est le système de crédit en vigueur en France, en Angleterre, aux États-Unis, et dans la plupart des sociétés modernes.

Dans le système de crédit mixte, à côté de ce dernier état de choses qui caractérise le régime pur de crédit privé, l'État consacre une partie de la richesse publique, sous forme de domaine national ou de budget fourni par l'impôt, à la création d'une institution nationale de crédit, chargée d'accorder, à titre gratuit ou légèrement onéreux, des instruments de travail à ceux qui en manquent, et qui, lui offrant de suffisantes garanties de mo⚫ ralité et d'aptitude, consentent à s'associer, à des conditions données, sous ses auspices directs ou indirects. Cette combinaison, que beau⚫ coup d'économistes ont proposée dans ces derniers temps, avec des voies et moyens divers, auxquels on a voulu donner pour auxiliaires financiers les ressources disponibles des caisses d'épargnes, les biens communaux, etc., etc., n'a jamais reçu la sanction d'une application réelle. Voyez CAPITAL, ÉCONOMIE POLITIQUE, PROPRIÉTÉ, etc.

:

E.

CREDO. (Histoire religieuse.) Ce mot désigne, chez les chrétiens, l'ensemble des articles de foi admis par leur croyance. L'élaboration des dogmes a été l'ouvrage des temps à mesure qu'ils ont été discutés, il a fallu les rédiger et les' réduire en formules destinées à les rappeler à l'esprit des fidèles. A diverses époques, la communauté religieuse ou l'Église a senti le besoin de proclamer ses croyances et de les fixer dans des confessions de foi officielles. De là plusieurs credo qui varient selon les époques. Les plus célèbres sont connus sous les noms de Symbole des Apôtres et Symbole de Nicée. Le premier article du Symbole des Apôtres établit le théisme, c'est-à-dire la croyance en Dieu, avec ses deux principaux attributs, la toute-puissance, qui s'est manifestée par la création du monde : à ce double attribut il joint une appellation qu'on peut considérer comme le nom chrétien de Dieu, le nom de Père. Le second article concerne la croyance en Jésus-Christ, comme fils de Dieu : c'est un résumé exact des Évangiles et des Actes des Apôtres, touchant sa conception, sa naissance, sa passion, sa mort, sa résurrection et son ascension au ciel. Il est à remarquer 10

toutefois que les termes de cet article se bornent, ainsi que les Évangiles, à montrer JésusChrist comme le fils de Dieu, sans s'exprimer explicitement sur sa divinité. Le troisième paragraphe comprend à la fois plusieurs objets très-divers, parmi lesquels nous nous bornerons pour le moment à mentionner le premier et le dernier, la croyance au Saint-Esprit, et la croyance à une autre vie. Sur ce dernier point, il est à remarquer que les esprits grossiers auxquels s'adressait la religion naissante, et surtout l'esprit charnel de la société judaïque, ne pouvaient encore comprendre l'autre vie que sous une forme matérielle; c'est pourquoi elle est caractérisée par la résurrection de la chair. Voici donc les deux points fondamentaux de cette profession de foi, le théisme, et une autre vie, qui devaient être en effet comme les deux pivots de la révolution chrétienne. D'autres dogmes, sans y être formellement exprimés, s'y montrent du moins comme en ébauche. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont sans doute les éléments de la Trinité; mais l'identification des trois personnes en un seul Dieu n'est encore nullement indiquée. Ces caractères, joints à la brièveté relative de ce symbole, comparé à celui de Nicée, suffisent pour établir son antériorité. La mention de l'Église catholique ou universelle, qui suppose déjà une certaine organisation de la société chrétienne, l'article qui dit que Jésus descendit aux enfers, l'article qui parle de la communion des saints, supposent que la rédaction de ce credo ne saurait guère être antérieure au troisième siècle. Ces deux derniers articles même, qui ne se retrouvent pas dans le symbole de Nicée, pourraient bien être des interpolations postérieures.

Quant au Symbole de Nicée, sa date est bien connue ce fut l'œuvre du concile tenu dans cette ville, en 325, pour combattre la doctrine d'Arius, qui attaquait la divinité de Jésus-Christ. C'est là que fut élaboré, débattu el formulé le dogme de la Trinité. Ce nouveau credo, après avoir confirmé la croyance en Dieu, en insistant sur son unité et sur son attribut de créateur qui s'étend aux choses invisibles comme aux choses visibles, s'arrête longuement à expliquer la divinité de JésusChrist, et sa consubstantialité avec le Père; le mystère de l'Incarnation et celui de la Rédemption y sont consignés en termes explicites. Il en est de même du Saint-Esprit, qui procède du Père (on sait que les mots filioque, indiquant qu'il procède également du Fils, ont été ajoutés longtemps après le concile), et qui partage l'adoration due au Père et au Fils.

C'est ainsi qu'on voit chaque credo prendre plus d'extension, et ajouter de nouveaux articles, à mesure que les dogmes se formulent, et que les hérésies se multiplient. Nous

croyons superflu d'analyser de même le symbole d'Athanase, attribué à cet évêque d'Alexandrie, et dirigé de même contre l'arianisme, mais encore plus développé que le précédent, qui d'ailleurs a prévalu dans la liturgie.

ARTAUD.

CRÉPITATION. (Médecine.) On désigne sous ce nom un bruit analogue à celui que produisent quelques sels quand on les projette sur des charbons ardents, ou qu'on les expose dans un bassin à une chaleur intense. La cré pitation est produite dans plusieurs organes et par des causes différentes; ainsi, elle résulte de la pénétration de l'air dans les cellules pulmonaires. Quand le tissu du poumon est enflammé, on dit alors qu'il y a crépitation ou râle crépitant; c'est un des signes caractéristiques de la pneumonie. On perçoit le même bruit, lorsque sur le cadavre on presse entre les doigts une portion de poumon sain; celto crépitation n'a pas lieu chez l'enfant mort avant d'avoir respiré.

Dans les fractures, lorsque l'on imprime des mouvements simultanés et en sens inverse aux fragments osseux, on perçoit, tantôt avec l'oreille, tantôt par la vibration transmise à la main, un bruit de crépitation qui est un des signes pathognomoniques de cette lésion; mais on doit se souvenir qu'il se produit quelquefois de la crépitation dans le frottement des tendons, des surfaces articulaires, dans certains emphysèmes, et qu'il importe de ne pas confondre ce phénomène, dont la cause est souvent inconnue, dont le pronostic n'a rien de grave, avec celui qui résulte du frottement des fragments osseux.

A. L. CRÉPUSCULAIRES. (Histoire naturelle.) L'une des trois grandes divisions des Lépidop tères porte la dénomination de Crépusculaires, tandis que les deux autres ont reçu celles de Diurnes et de Nocturnes: nous parlerons de ces trois divisions ou familles, qu'on peut, en quelque sorte, appeler classiques, au mot LÉPIDOPTÈRES. E. D.

CREPUSCULE. (Astronomie.) Le crépuscule est cette lueur de plus en plus vive qui précède le lever du soleil et qui persiste après le coucher de cet astre, en s'affaiblissant par degrés. Le crépuscule du matin porte aussi le nom d'Aurore. C'est à l'illumination de la masse d'air, qui forme à l'entour de notre globe une couche fluide d'environ 15 lieues ou 60 mille mètres, que l'on doit les deux crépuscules du soir et du matin. Ils augmentent la durée du jour de plus de deux heures; car le plus court de ces phénomènes, qui s'observe à l'équateur au temps des équinoxes, est au moins d'une heure douze minutes.

Nous voyons le matin les rayons du soleil illuminer les nuages, les montagnes, les sommets des édifices avant d'atteindre le sol, et le soir ces mêmes objets sont encore éclairés, quand d'autres, moins saillants, sont déjà dans l'ombre. Le même effet a lieu pour les particules d'air dont se compose l'atmosphère, et dont l'élévation surpasse de beaucoup les plus hautes montagnes. Ces particules aériennes, recevant les rayons du soleil avant qu'il soit visible pour nous, renvoient vers la terre une clarté d'autant plus vive que le soleil est plus près d'apparaître, et qu'il atteint une plus grande partie de la masse d'air qui est au-dessus de l'horizon. On voit donc que la durée de ce phénomène dépend de la hauteur où sont placées les dernières particules d'air qui peuvent nous renvoyer les rayons du soleil.

On sait que l'air est d'autant moins compacte que l'on s'éloigne davantage de la surface de la terre. A une certaine hauteur, il doit donc être tellement subtil et divisé, qu'il ne puisse nous réfléchir aucune lumière sensible. C'est à cette limite que nous devons fixer expérimentalement l'étendue de notre atmosphère. Or, on admet généralement que le crépuscule commence ou finit quand le soleil se trouve abaissé de 18° à l'orient ou à l'occident au-dessous de l'horizon ; à cet instant on peut apercevoir les plus petites étoiles dans les points du ciel les plus voisins de l'astre qui va paraî tre ou qui vient de disparaître. Si l'on calcule d'après cette observation la hauteur qu'il faut assigner aux dernières particules d'air pour nous réfléchir alors la lumière solaire, on trouve pour résultat environ 60 mille mètres; c'est la mesure que nous avons indiquée plus haut. Elle est encore confirmée par la distance à laquelle apparaissent ces météores étrangers à la terre, qui s'enflamment en entrant dans l'atmosphère, et dont l'éloignement, au moment de leur première ignition, est également de 60 mille mètres.

Tous les astronomes ne sont pas d'accord sur l'abaissement du soleil nécessaire pour faire naître ou disparaître entièrement le crépuscule. On devrait même, avec Riccioli, admettre pour le crépuscule du soir un abaissement plus grand que pour l'aurore; car l'atmos phère est dilatée et soulevée par la chaleur du jour. Riccioli donne 16o pour la première époque de la journée, et 20° pour la seconde. Conformément à ce résultat, il trouve encore que la lueur crépusculaire disparaît l'hiver avant que le soleil ait atteint au-dessous de l'horizon l'abaissement nécessaire pour la faire disparaî tre pendant l'été. Enfin, nous ajouterons que tous ces effets sont modifiés par l'inflexion des rayons solaires que la réfraction atmosphérique plie vers la surface de la terre. Cette cause augmente la durée du crépuscule, et, pour les

latitudes très-élevées, dans la saison ou le soleil s'abaisse très-peu la nuit au-dessous de l'horizon, elle en prolonge considérablement la durée.

Cette durée, ainsi qu'on le voit facilement, est donc déterminée par le temps que le soleil emploie à s'abaisser depuis l'horizon jusqu'à un cercle situé à 18° au-dessous de celui-ci, et que l'on appelle cercle crépusculaire. Aussi, quand le soleil ne s'abaisse pas de 18°, le crépuscule dure toute la nuit. C'est ce qui a lieu à Paris vers le solstice d'été, époque du plus long crépuscule pour toutes les latitudes boréales. Mais il n'est pas aussi facile de déterminer le jour de sa plus courte durée, c'est-àdire celui où le soleil franchit, dans le moins de temps possible, l'intervalle de 18° qui sépare l'horizon et le cercle crépusculaire. Le calcul montre que pour Paris cette condition est remplie à deux époques, le 2 mars et le 10 octobre. Le crépuscule le plus court de tous est alors de 1 heure 47'; il est seulement de 1 heure 12' à l'équateur, au temps des équinoxes, comme nous l'avons déjà dit.

La transparence plus ou moins grande de l'air, dans des lieux fort éloignés, influe beaucoup sur l'éclat et sur la durée d'un phénomène qui consiste dans une illumination perceptible des plus hautes parties de l'atmosphère. Une chaîne de montagnes très-élevées, dirigée nord et sud, modifierait évidemment les crépuscules d'une région qui en serait éloignée de plusieurs degrés en longitude; mais, à l'exception du problème du plus court crépuscule, toutes ces conséquences et les faits qui s'y rattachent ont été jusqu'ici très-peu étudiés, soit par la théorie, soit par l'observation.

Les crépuscules du matin et du soir, mais surtout l'aurore, nous offrent, étendues sur une immense toile, des couleurs dont l'éclat égale la variété. Le rouge et les couleurs les moins réfrangibles y sont les plus voisines de l'horizon. L'explication de cette partie du phénomène manque complétement à la science. Quant à la vivacité plus grande des couleurs de l'aurore, on peut remarquer, d'une part, que cette lumière succède à l'obscurité, et doit en conséquence produire plus d'effet sur nos organes; et de l'autre, que l'atmosphère du matin n'est point chargée, comme celle du soir, de toutes les vapeurs que la chaleur du jour y élève constamment, et surtout qu'elle n'est point, comme celle-ci, troublée par le mélange confus de masses d'air d'inégale température et par suite d'inégales densités, qui éteignent ou réfléchissent une grande quantité de la lumière qui les traverse.

Les anciens ont observé avec soin plusieurs effets crépusculaires, sous les noms de lever héliaque des étoiles, arc d'émersion des planètes et des étoiles les plus brillantes.

Nous terminerons en rappelant à ceux qui voudraient se livrer à l'onservation de ces phénomènes, sur lesquels il n'existe presque aucun travail antérieur, que l'instant où le crépuscule atteint ou abandonne un point déterminé est celui où les plus petites étoiles de cette partie du ciel disparaissent ou reparaissent. Alors la lumière de ces astres est environ soixante fois plus faible que la lumière qui l'efface; car un soixantième de plus ou de moins n'est pas sensible à nos yeux. Quant aux diverses couleurs et à leur éclat, on sait encore qu'on ne peut percevoir des rapports d'intensité que pour deux couleurs de même nature. Ici, les expériences et la théorie, tout est à créer.

J. B.

CRESCENDO. (Musique.) Mot italien qui signifie en croissant en augmentant. Le crescendo consiste à attaquer un son très-faiblement d'abord, à le filer un peu plus fort ensuite, et à le graduer jusqu'au point le plus haut; filé de la sorte il est d'un très-bel effet, et souvent employé dans les morceaux d'ensemble, mais plus souvent encore dans les solos, où l'artiste laisse briller son talent. Ce mot, comme tous les autres termes italiens qu'on emploie en musique, s'écrit en abréviation par cres., sous la phrase à laquelle le compositeur veut l'appliquer, pour la graduer comme nous l'avons dit plus haut. Le premier compositeur qui se servit en France de ce moyen fut, en 1752, Pierre Montant Berton, dans la Chaconne, morceau célèbre à cette époque.

On distingue deux sortes de crescendo: celui qui se produit par l'augmentation des sons, et celui qui est formé par la multiplicité gra duante des voix ou des instruments.

H. BERTON.

CRETACE. (Géologie.) Qui a l'apparence de la craie. On appelle terrain crétacé l'ensemble de toutes les roches comprises entre la partie inférieure du terrain tertiaire et la partie supérieure du terrain jurassique, ou mieux, d'après les récentes observations de M. Leymerie (1), entre le terrain nummulitique, qu'il croit devoir être séparé du terrain tertiaire, et la partie supérieure du terrain jurassique.

Le terrain crétacé est ordinairement caractérisé par ses roches, craie blanche, craie tuffeau, glauconie crayeuse; mais quelquefois cependant, en Italie, au midi de la France, celles-ci sont remplacées par des calcaires compactes, solides, que l'on a confondus pendant longtemps avec les calcaires jurassiques. Ces diverses espèces de roches renferment ordinairement beaucoup de silex pyromaques et

(1) Bulletin de la Société Géologique, 2e série, tome III.

cornés, en nodules, en plaques et en veines; du fer pyriteux, en nodules et en cylindres rayonnés, et une quantité de restes organiques parmi lesquels dominent les échinites et les polypiers.

On peut faire un grand nombre de divisions dans le terrain crétacé d'après la nature des roches qui s'y rencontrent; mais les géologues groupent maintenant ces roches en trois grands étages, supérieur, moyen et inférieur, dont chacun paraît avoir des caractères paléontologiques tranchés. Ces trois étages sont plus ou moins bien développés dans la ceinture crétacée qui entoure le bassin de Paris, et qui s'étend, au nord, jusqu'à SaintQuentin; au sud, jusqu'à Montargis; à l'est, jusqu'à Épernay; et à l'ouest, jusqu'à Louviers.

1o L'étage supérieur commence par une assise peu développée dans le bassin de Paris : c'est un tuffeau jaunâtre dont le type est à Maëstricht, dans les Pays-Bas, où il renferme une quantité de fossiles, dont quelques-uns lui sont propres, tandis que les autres appartiennent également aux étages moyen et inférieur. Dans le Hainaut, le tuffeau repose immédiatement sur la craie blanche, celle qui forme le sol aride de la Champagne, où elle se présente à nu sur une grande étendue de pays. Cette roche tendre et même souvent friable est propre à faire du crayon blanc, du blanc pour la peinture, de la chaux pure, etc.; elle renferme une quantité de silex pyromaque que l'on exploite comme pierres à feu. La craie blanche passe au calcaire cristallin, au calcaire compacte; elle se colore en jaune par son mélange avec l'oxyde de fer; sa stratification est peu régulière. Les couches inférieures de cet étage se chargent ordinairement de grains verts d'argile et de sable, et passent au tuffeau, qui est la roche dominante en Touraine. Sur les deux rives de la Loire, cette roche est si tendre, que les gens du pays y ont creusé leurs habitations, ce qui donne aux berges du fleuve un aspect riant et pittoresque. Le tuffeau de la Touraine renferme beaucoup de silex blonds; quelques couches sont assez solides pour donner de bonnes pierres de construction, du moellon et de la pierre de taille; mais un plus grand nombre sont friables et exploitées pour amender les terres.

Dans le Perche et le Maine, les sables prédominent, contiennent des oxydes de fer, et passent à des macignos ferrugineux, qui englobent des cailloux quartzeux et forment ainsi des poudingues. La position de ces dépôts au-dessous de la craie blanche les avait fait ranger dans les étages suivants; mais d'après leurs caractères paléontologiques, M. d'Orbigny a cru devoir les réunir à l'étage supérieur, en en

faisant une subdivision sous le nom de terrain turonien.

2o L'étage moyen a pour roche dominante une marne argileuse bleuâtre, gault des Anglais, qui a pris un grand développement dans le Boulonnais et dans le pays de Bray, mais qui paraît avoir peu d'importance dans le bassin de Paris. Cette marne est exploitée pour la poterie et la fabrication des tuiles; elle contient des pyrites, du gypse, des oxydes de fer; elle est accompagnée de sables et de grès qui la remplacent quelquefois ces grès, colorés en vert par du fer silicaté, sont connus sous le nom de grès verts. Les grès verts sont bien stratifiés; mais la marne et les sables présentent ordinairement des masses sans structure régulière; cet étage renferme une quantité de restes organiques.

3o Dans une grande étendue de la France et dans la Suisse, la partie inférieure du terrain crétacé, celle qui recouvre immédiatement le terrain jurassique, présente quatre systèmes particuliers: 1° d'argiles et de sables bigarrés; 2° d'argiles à huîtres et lumachelles; 3o des calcaires à spatangues; 4° des sables ferrugineux très-développés aux environs de Vassy.

Cette masse, qui a été signalée pour la première fois dans les environs de Neuchâtel, en Suisse, et qui est parfaitement développée dans toute la chaîne du Jura, porte le nom de terrains néocomiens.

Les argiles et les sables bigarrés, qui présentent un singulier mélange de couleurs, sont accompagnés de grès, d'ocres, de limonites, de sanguine, de jaspe et de minéraux de fer oolithiques. Toutes ces substances passent les unes aux autres, et plusieurs sont assez abondantes pour être exploitées. Les ar giles ostréennes sont reconnaissables à leur couleur grise, et aux plaques de lumachelle disséminées dans leur intérieur et à de grandes hauteurs. Les calcaires à spatangues sont ainsi nommés parce qu'ils renferment une quantité de spatangus retusus. La roche est souvent jaunâtre, mélangée de sables et d'argile, et d'une texture lâche; mais souvent aussi c'est un calcaire compacte très-solide, exploité pour les constructions et la fabrication de la chaux ; il donne quelquefois de la chaux hydraulique. Les argiles ou marnes qui accompagnent les calcaires reposent sur des sables souvent ferrugineux, accompagnés de grès, et qui contiennent des géodes de limonite, assez abondantes pour être exploitées comme minerais de fer. Les sables ferrugineux sont ordinairement séparés du calcaire jurassique par un lit de marne noirâtre.

Dans le Boulonnais et dans les îles Britanniques, le terrain néocomien paraît être représenté par une masse weald composée de

marnes argileuses, de sables ferrugineux et de calcaires remplis de coquilles d'eau douce, avec de puissants et nombreux débris de végétaux. Les marnes sont grises ou bleuâtres, schistoïdes, et deviennent sableuses dans les parties inférieures, où elles renferment des lits de calcaire lumachesse; les sables ferrugineux passent au grès et au macigno, et renferment égale. ment des lits de lumachesse. Le calcaire est ordinairement assez solide pour être employé comme marbre et comme pierre à bâtir, et en partie composé de fragments de coquilles de mêmes espèces que celles des argiles; c'est la pierre de pierbeck, Purbecklimestone: c'est sensiblement la même roche que celle des lits intercalés dans le Weald clay et les Hastings sand.

Les restes organiques du terrain crétacé sont tellement nombreux, que nous ne pouvons citer ici que les plus caractéristiques de chaque étage. Ceux qui voudront en connaître un plus grand nombre doivent recourir à la Paléontologie française de M. d'Orbigny. Nous citerons les espèces suivantes :

Dans le tuffeau de Maëstricht:

Baculites anceps, Dentalium crassum, Lima obliqua, Exogira auricularis, Gryphæa cymbiola, Ostrea carinata, Cidarites coronatus, Nucleolites carinata, Ananchites conoïdeus;

Dans la craie blanche:

Belemnitella mucronata, Hamites simplex, Catillus Cuvieri, Ostrea vesicularis, Ananchites ovata, Spatangus caranguiпит, Apiocrinites ellipticus, etc.;

Dans le tuffeau de la Touraine :

Belemnitella Galliennei, Nautilus levigatus, Ananchites beaumontianus, Nerinea monolifera, Rotella archiacana, Turbo bicultratus, Cerithium gallicum, Gryphæa columba, Crania parisiensis, Radiolites cornupastoris, Nucleolites carinatus, Apiocrinites ellipticus, etc.;

Dans l'étage moyen, ou Gault :

Belemnites minus, Nautilites Clementi, Ammonites Beudanti, Hamites punctatus, Scalaria clementina, Solarium albense, Dentalium decussatum, Cyrena cardiformis, Venericardia Constanti.

Le terrain néocomien est caractérisé par les fossiles suivants :

Spatangus retusus, Nucleolites Alfersii, Discoidea macropiga, Exogira Couloni, Ostrea Leymerii, Ammonites radiatus, Belemnites Baudouini, Turritella angulata, etc.; avec ces coquilles on y rencontre des débris de sauriens, de poissons et de crustacés.

Les coquilles du terrain wealdien sont: Paludina fluviorum, Unio porrectus, Cyclas media;

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