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les plus sévères

considérant avec la plus grande attention, y dit-il, que le sentiment repréhensible (anima deformis), qui anime l'Université d'Orléans dont l'expansion des enseignements, entr'autres de celui du « droit civil, se perd dans la nuit des temps, et qui est <connue pour avoir éclairé presque toutes les parties du « monde civilisé et s'être illustré par l'éclat de sa science, « est aujourd'hui nuisible, non-seulement au royaume de « France, mais encore à l'intérêt général de notre siècle; » nos considerantes attentius quam deformis anima aurelianensis studii sero tempore inter cætera juris civilis studia pollens, noscitur claruisse et pene cuncta summi urbis climata, suæ doctrinæ, radiis illustrasse, non solum regno Franciæ, sed totius hujus mundi Reipublicæ sit damnosa. Les choses restèrent dans l'état où elles étaient; et la lutte continuant entre les habitants et les membres du corps Universitaire, ceux-ci, fatigués de la soutenir, usèrent d'un droit très-contestable, même en admettant la conservation, dans une certaine mesure, de quelques dispositions de la bulle de Clément V. Ils crurent pouvoir, ainsi que nous l'avons dit, non-seulement suspendre leurs cours, mais même quitter la ville et se retirer dans celle de Nevers.

A ce sujet Choppin s'exprime en ces termes :

Dès le commencement de la fondation de l'Université « d'Orléans, les écoliers furent si mal reçus et si maltraités qu'ils furent contraints de se retirer et de s'aller rendre « en la ville de Nevers, sans qu'il en restat pas un à « Orléans, l'an 1316 (1.) »

Cependant, quoi qu'en dise ce grave publiciste, la querelle élevée entre le corps enseignant et les habitants de la ville élue pour suppléer à l'absence de l'enseignement du

(1) Du domaine de la Couronne, tome II, titre 27, page 581.

droit à l'Université de Paris, ne peut être exclusivement imputée à ces derniers; il est certain qu'indépendamment de l'aggravation des charges urbaines, conséquence des franchises excessives dont jouissaient tous les membres de l'Université, il existait dans la présence des docteurs et des écoliers et dans celle de leurs nombreux familiers, des éléments de contestations qui devraient, le plus ordinairement, aller jusqu'aux rixes les plus violentes et les plus regrettables, et nous pouvons, dès à présent, dire avec Lemaire, que la morgue des docteurs, la turbulence des « écoliers, l'insolence de quelques-uns appartenant aux

plus hautes familles de l'aristocratie, l'impunité dont <tous jouissaient ne furent pas une des moindres causes <de cet état de choses, devenu intolérable pour l'un ou l'autre des partis en présence (1). »

Il faut bien qu'il en ait été ainsi, l'Université ne put se maintenir bien longtemps à Nevers; à peine quatre ans s'étaient-ils écoulés qu'après des scènes semblables à celles qui s'étaient passées à Orléans, elle était obligée de quitter la première de ces villes et de revenir dans celle qu'elle avait quittée.

Et cependant, par un concordat passé entre elle et le prieur de l'église de Saint-Etienne de Nevers, ac frater Petrus, humilis prior sancti Stephani Niversensis, président de l'Assemblée générale des habitants: inter nos unanimiter vocatis per præconem ipsis civitalis habitatoribus, elle avait renoncé à l'exercice de tous les privilèges dont elle jouissait à Orléans (2).

Nous avons sous les yeux ce concordat, et sans vouloir le rapporter dans son entier, nous pouvons donner une idée de l'étendue de l'abandon consenti, par l'Université,

(1) LEMAIRE, au chapitre de l'Université, page 14. (2) CHOPPIN, eod. loc.

des droits qu'elle avait si vivement soutenus dans la ville dont elle venait de s'éloigner.

Renonçant à ce privilége qui lui était accordé par la bulle de Clément V, elle disait nous n'aurons pas de taxateurs des loyers des maisons ou quoi que ce soit des vivres, en vertu de nos privilèges, dans la ville et ses faubourgs, mais chacun de nous y pourvoira pour son plus grand avantage, tout ainsi et de même que les autres habitants de la ville: non habebimus taxatores domorum nec quarumlibet victualium, virtute privilegiorum nostrorum in civitate prædicta et suburbiis ejusdem, sed quilibet nostrum sibi providerit prout melius poterit, sicut alii incolæ dictæ civitatis (1).

Cependant, malgré ces larges concessions intêressant tous les droits qui avaient irrité les habitants d'Orléans, l'Université ne put se maintenir dans la ville de Nevers; et, comme ledit Guy Coquille, son historien: « les habitants recueillirent l'Université d'Orléans et les suppôts « d'icelle qui, pour quelque temps, y demeurèrent; mais comme le peuple de Nevers était assez mal endurant et • qu'entre les escoliers plusieurs se trouvaient mal com< plectionnez, ils n'arrêterent guere d'avoir débats. »

Ces débats presque continuels excitèrent une telle irritation chez des habitants de Nevers qu'un beau jour ils prirent la chaire où les docteurs enseignaient et la jetèrent par dessus le pont, dans la Loire, chargeant le diable de la reporter à Orléans (2).

On dit bien qu'une poursuite fut diligée contre les auteurs de ces violences, que de grosses amendes leur ont été infligées, car ils avaient méconnu la sauvegarde du roi en laquelle étaient les docteurs et écoliers, mais on ajoute que le corps de la ville ne fut frappé d'aucune

(1) CHOPPIN, mêmes chapitre et page.

(3) LEMAIRE, page 11, chapitre de l'Université.

condamnation, parce qu'il n'avait pris aucune part à ce qui s'était passé.

L'Université, de retour à Orléans, semblait ne pas avoir besoin d'une nouvelle charte de fondation, mais l'autorité royale qui, sous le règne de Philippe-le-Bel, avait cru pouvoir se soustraire et soustraire les institutions de la monarchie à l'autorité pontificale n'avait pas absolument réussi; Philippe-le-Long était loin de posséder la tenacité de son devancier; et, d'ailleurs, le clergé était encore en possession d'une incontestable prédominance.

Au lieu d'user de son droit et de reconstituer l'Université d'Orléans et pendant qu'elle était encore à Nevers, le roi envoya au Pape, habitant Avignon, Amisius son secrétaire qui, à cette qualité, réunissait celle d'archidiacre de l'église d'Orléans, en le priant de rétablir l'Université dans cette dernière ville et de la réformer en lui enlevant le titre, les réglements et les priviléges qui lui avaient été accordés (1).

Mais le roi exprimait le désir que le pape relevât docteurs et écoliers du serment qu'ils s'étaient imposé, au moment de la désertion de la ville d'Orléans, de s'en tenir aux privilèges accordés à l'Université par son fondateur Clément V, par suite duquel serment cette institution avait été transportée d'une ville dans une autre : ut ejusdem studii universitate sublata super juramentis quæ dicti studentes tempore intercisionis et studii memorati, præstiterant (2).

Ce serment était conçu en ces termes et prêté entre les mains des docteurs :

Je jure que, à moins que justice vous soit rendue par < une enquête devant le roi sur les articles y contenus et < proposés. Item, à moins que le prévôt et le bailly, au

(1) LEMAIRE, p. 10.

(2) Bulle de Jean XXII, LEMAIRE, p. 30.

jourd'hui en exercice, ne soient destitués; à moins que < les bourgeois ne consentent et que le roi ne promette de « délivrer l'Université, c'est-à-dire que le roi ne lève tous < les empêchements apportés fréquemment par lui et son

prédécesseur, à l'exécution des privilèges accordés à << notre institution par le Souverain-Pontife, particulière<ment celui concédé après Pâques, je n'exercerai jamais <aucun acte scholastique dans la ville d'Orléans ou dans « ses faubourgs, en lisant ou en écoutant lire en qualité de « docteur, bachelier ou écolier publiquement ou en secret, « jusqu'à ce que les conditions qui viennent d'être dites ne soient remplies.

« Bien plus, autant que je le pourrai, selon ma conscience, ◄ j'empêcherai tous ceux se disposant à venir étudier dans « la ville, de le faire ; je les exhorterai à ne pas y venir et « je ne leur donnerai ni secours, ni conseil, ni aucune faci<lité à ce sujet ; et je leur dirai que s'ils viennent, non-seu«lement je ne ferai rien pour qu'ils soient admis mais en<core je m'opposerai à ce qu'ils le soient.

« De même que si quelques-uns se portaient contradic<teurs de cette règle ou voulaient se refuser à l'observer « sous la forme dans laquelle je jure, dès à présent, à tou

jours et à bon escient, je leur refuserai toute marque de <considération ici ou ailleurs pendant l'enseignement, à « moins que ce ne soit celui qui me fait vivre de sa table < ou me fournit des vêtements continuellement et sans « fraude (1). »

(1) Lemaire rapporte textuellement le rescrit de Jean XXII envoyé au cardinal Jean Gancelin, sur la réformation de l'Université d'Orléans, l'an 1320. Rescriptum Papæ Johannis XXII, missum domino Gancelino Joanni cardinali super reformatione studii universitatis 1320.

Ce serment commence par ces mots : Ego juro quod nisi vobis fiat justicia super articulis inquesta contentis et propositis coram rege;

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