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garde de le briser pendant l'opération, car, dans ce cas, le remède serait pire que le mal; tous ces vers étant des femelles, les petits vivants qu'elles contiennent se répandraient dans la plaie et s'y développeraient ultérieurement. Les vers de Médine mesurent souvent en longueur plus de cinq cents fois leur diamètre, mais ce sont les femelles seules qui atteignent ces dimensions extraordinaires.

Le ver dont nous nous occupons est moins dangereux; c'est la Filaire des Coléoptères. Cette espèce de Filaire ne compromet en rien la vie des hôtes qu'elle a choisis, elle ne leur cause même aucun trouble fonctionnel, malgré sa taille relativement énorme puisqu'elle peut, comme dans l'individu trouvé à Saran, être de 30 à 40 centimètres.

Il est assez facile de se procurer cette Filaire en la cherchant dans les larves du hanneton commun connues de tout le monde sous les dénominations de ver blanc et de tur. Pour peu que l'on puisse surmonter le dégoût que provoque leur peau molle et gonflée par une graisse blanchâtre et qu'on examine avec soin leur extrémité postérieure, là où la peau est légèrement translucide et paraît noirâtre par l'accumulation des excréments, on y apercevra souvent quelques filets blancs qui ne sont autre chose que des Filaires. Il faut alors faire une incision à cet endroit avec un canif à lame effilée et s'aider pour l'extraire de deux fines aiguilles emmanchées dans des tronçons de rotin ou de coudrier, dont l'une servira à démêler le ver qui est enchevêtré sur lui-même comme une fine chanterelle de violon, et l'autre à en dévider les anneaux.

La forme enchevêtrée de ce ver lui avait fait donner par le célèbre Linnée le nom de Gordius, en souvenir sans doute du noeud gordien qu'Alexandre-le-Grand trancha de son épée pour s'assurer l'empire de l'Asie promis par le destin à celui qui viendrait à le délier. Point n'est ici besoin de l'épée d'un conquérant qui, à n'en point douter, tranche

rait notre ver sans difficulté, mais qui ne servirait à rien pour en étudier les caractères. Il vaut mieux s'armer de patience et se servir de fines aiguilles dont il vient d'être parlé; on parviendra bien vite de cette façon à en démêler les anneaux, ce qui permettra de mesurer le rapport de sa longueur à son épaisseur, d'examiner comment se terminent ses extrémités buccale et anale et de compter tous les appendices qui ont déterminé sa classification dans l'ordre des Helminthes.

Mais comment ce parasite des larves des insectes a-t-il été trouvé à Saran dans une tranchée argileuse? La réponse à cette question se trouve dans un récent ouvrage du savant et sagace helminthologiste de Louvain, M. Van Bénéden (1).

M. Van Bénéden nous apprend que les Gordius sont libres dans leur enfance, mais qu'étant encore à l'état de simples vers microscopiques, ils perforent la peau des larves des coléoptères, névroptères et autres insectes qu'ils rencontrent, pour s'introduire dans leurs cavités périgastriques. Ils accomplissent toute leur croissance dans cet asile; puis, devenus vers sexués, ils le quittent en perçant de nouveau la peau et se rendent dans la terre humide pour s'accoupler et y disséminer leurs œufs.

Il se présente parfois un singulier phénomène.

Si, au moment où les Gordius sont arrivés à la fin du terme de leur seconde phase, il se trouve que la terre est trop sèche par suite de chaleurs prolongées, ils ne quittent pas encore leurs hôtes; mais vient-il à tomber une bienfaisante averse qui rende au sol son humidité, sollicités par l'instinct de la propagation, ils abandonnent de tous côtés les larves qui les ont protégés et nourris et couvrent la terre de leurs écheveaux emmêlés. Cette apparition est si

(1) Commensaux et Parasites, Paris, Germer-Baillère.

subite qu'on croit qu'une pluie de vers est tombée du ciel; mais l'examen au microscope donne bien vite le mot de l'énigme et fait connaître la nature intime de cette pluie anormale. Le phénomène est du même ordre que celui des pluies de soufre ou de sang et des colorations soudaines des eaux des fleuves, des mers, des sommets des montagnes couronnées par des neiges éternelles, et qui proviennent, soit du pollen abondant des conifères, soit d'un développement subit d'infusoires, de conferves ou de champignons.

ÉTUDE HISTORIQUE

SUR

L'OPÉRATION DE LA TAILLE A ORLÉANS

Par M. le Docteur CHARPIGNON.

Séances des 1er et 15 décembre 1876.

Notre collègue, M. Desnoyers, ayant bien voulu me communiquer un registre manuscrit intitulé: Rôles des taillés en l'Hôtel-Dieu d'Orléans, j'ai pensé qu'il serait intéressant et utile pour l'histoire de la chirurgie de faire connaître les documents et d'analyser les observations que ce registre renferme.

Par suite de mon examen, j'ai été conduit à diviser l'histoire de la taille à Orléans en quatre périodes:

La première avant 1731;

La deuxième de 1731 à 1773;

La troisième de 1773 à 1789;

Et la quatrième après 1789.

Je vais étudier successivement ces quatre périodes.

I.

Les calculeux à Orléans avant 1731.

La gravelle et surtout la pierre étaient plus fréquentes dans l'Orléanais il y a deux siècles qu'aujourd'hui, et pourtant ces maladies étaient beaucoup moins soulagées et

moins bien guéries que maintenant. Les conditions hygiéniques étaient mauvaises, les moyens thérapeutiques mal connus et difficilement administrés, et l'opération qui seule peut délivrer de la pierre n'était pratiquée que par un trèspetit nombre de chirurgiens. Il en résultait que ceux qui ne pouvaient faire les frais d'un voyage et d'un séjour dans une grande ville, devaient attendre le passage d'un opérateur ambulant. Quant aux pauvres, ils n'avaient même pas la ressource de profiter des secours que ces opérateurs, ordinairement des religieux, comme frère Jacques et frère Côme, apportaient, en taillant ceux qui les appelaient. En effet, l'indigence extrême empêchait le pauvre d'être opéré dans son misérable logement. La ressource d'être opéré à la Maison-Dieu était même illusoire, par suite de l'insuffisance des salles et des lits. Si les écrits du temps ne le constataient, on aurait peine à croire, aujourd'hui, que l'ancien Hôtel-Dieu d'Orléans mettait deux, trois et parfois quatre malades dans le même lit, et que ce fut seulement en 1817 que Mme la comtesse Choiseul-d'Aillecourt parvint à réunir les fonds nécessaires pour assurer un lit à chaque malade. On comprend donc combien il était difficile aux affligés de la pierre de trouver place à l'Hôtel-Dieu, d'y être opérés et d'y recevoir les soins convenables.

Sans aucun doute il y avait des temps où les malades atteints de la pierre entraient à l'Hôtel-Dieu et y étaient opérés, mais cela était rare, et les résultats étaient désastreux.

Le procédé opératoire était celui qu'on appelait le grand appareil; il consistait à pénétrer dans la vessie par une incision faite au périnée sur la ligne médiane. Ce procédé fort bon lorsqu'il s'agit d'extraire une pierre peu volumineuse ne l'est plus quand elle est grosse, et alors les difficultés de l'extraction déterminent des accidents qui compromettent presque toujours les suites de l'opération. Malgré les désavantages du grand appareil, les chirurgiens

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