Page images
PDF
EPUB

De cette attraction et de cette répulsion de la matière du feu à quelque distance des corps solides n'est-il pas prouvé qu'il y a une action et une réaction entre tous les corps et le feu, telle qu'il y en a une entre les corps qui s'attirent et qui se repoussent ? La différence est (comme dit à peu près le grand Newton dans son Optique) qu'il ne faut que des yeux pour voir l'attraction et la répulsion de l'électricité, et qu'il faut les yeux de l'esprit pour voir l'attraction et la répulsion du feu et des corps.

Il reste à examiner la figure du feu et sa couleur. La figure de ses parties constituantes doit être ronde; c'est la seule qui s'acoorde avec un mouvement égal en tout sens, et la seule qui puisse produire des angles d'incidence égaux aux angles de réflexion. Il est bien vrai que ces angles d'incidence et de réflexion ne sont pas produits sur la surface des corps solides; mais ils sont produits près de ces surfaces par quelque cause que ce puisse être.

Or cette cause inconnue, et qui peut-être est de la matière électrique, ne peut renvoyer ainsi les rayons, s'ils ne sont pas propres à former toujours ces angles, et il n'y a que la figure ronde qui puisse les former 1. Pour la couleur qui résulte du feu, j'entends du feu

Ces idées sur la forme des éléments des corps sont un reste de cartésianisme dont M. de Voltaire n'avait pu se débarrasser totalement, quoiqu'il en fût alors plus dégagé que la plupart des savants de l'Europe.

La seule manière plausible d'expliquer les phénomènes de la réflexion des surfaces opaques est de les considérer comme formées de corpuscules transparents, dans lesquels la réflexion se fait comme dans les sphères transparentes, comme dans les gouttes de l'arc-en-ciel. Mais il reste à expliquer ce dernier phénomène qui semble dépendre de l'attraction, et dont on n'a point donné d'explication précise et calculée. K.

pur et sans mélange, cette couleur dépend des rayons différents qui composent le feu : l'assemblage des sept rayons primordiaux réfléchis donne du blanc; cependant la couleur de la lumière du soleil tire sur le jaune; et de là on pourrait croire que le soleil est un corps solide dans lequel les rayons jaunes dominent. Il n'est nullement impossible que le feu dans d'autres soleils ait d'autres couleurs; et la quantité des rayons rouges ou jaunes dominant dans ce feu élémentaire pourrait très vraisemblablement opérer de nouvelles propriétés dans la matière.

Voilà donc à peu près un assemblage des propriétés principales qui peuvent servir à donner une faible idée de la nature du feu.

C'est un élément qui a tous les attributs généraux de la matière, et qui a par-dessus encore le pouvoir d'agir sur toute matière, d'être toujours en mouvement, de se répandre en tout sens, d'être élastique, de contribuer à l'élasticité des corps, à leur électricité; d'être attiré et d'être repoussé par les corps; enfin c'est le seul qui puisse nous éclairer et nous échauffer. Et cette propriété de nous donner le sentiment de lumière et de chaleur n'est autre chose qu'une suite de la proportion établie entre ses mouvements et nos organes; et il est très vraisemblable que cette proportion est nécessaire pour nous causer ces sentiments; car l'Auteur de la nature ne fait rien en vain, et ces rapports admirables de la matière du feu avec nos organes seraient un ouvrage vain si, dans la constitution présente des choses, nous pouvions voir sans yeux et sans lumière, et être échauffés sans feu.

SECONDE PARTIE.

DE LA PROPAGATION DU FEU.

On tâchera, dans cette seconde partie, d'expliquer ses doutes en autant d'articles:

1° Sur la manière dont nous produisons du feu; 2° Sur la manière dont le feu agit;

3° Sur les proportions dans lesquelles le feu embrase un corps quelconque ;

4° Sur la manière et les proportions dont le feu se communique d'un corps à un autre ;

5° Sur ce qu'on nomme pabulum ignis, et ce qui est nécessaire pour l'action du feu;

6° Sur ce qui éteint le feu.

ARTICLE I.

Comment produisons-nous le feu ?

Les hommes ne peuvent réellement produire du feu, parcequ'ils ne peuvent rien produire du tout; ils peuvent mêler les espèces des choses, mais non changer une espèce en une autre. On décèle, on manifeste le feu que la nature a mis dans les corps, on lui donne de nouveaux mouvements, mais on ne peut produire réellement une étincelle.

MÉLANGES. I.

29

Nous ne pouvons développer ce feu élémentaire que par l'un des cinq moyens suivants :

1° En rendant les rayons du soleil convergents, et les assemblant en assez grand nombre;

2° En frottant violemment des corps durs;

3o En exposant tous les corps possibles au feu tiré de ces corps durs, comme aux charbons ardents, à la flamme, aux étincelles de l'acier, etc.;

4° En mêlant des matières fluides, comme des espèces d'huiles qui fermentent ensemble avec explosion, et qui s'enflamment;

5° En composant des phosphores avec des matières sulfureuses et salines qui s'enflamment à l'air, comme avec du sang, des excréments, de l'alun, de l'urine, etc., ou bien en fesant de la poudre fulminante, et autres opérations semblables.

Dans toutes ces opérations il est aisé de voir qu'on ne fait autre chose que d'ajouter un feu nouveau aux corps qui n'en ont point assez, ou de mettre en mouvement une quantité de feu suffisante qui était dans ces corps sans mouvement sensible.

ARTICLE II.

Comment le feu agit-il?

Le feu étant une substance élémentaire répandue dans tous les corps, et jusque dans la glace la plus dure, ne peut agir sur ces corps qu'en agitant leurs parties. Si cette agitation est modérée, comme celle qu'un air tempéré communique aux végétaux, leurs pores ouverts reçoivent alors l'eau, l'air, et la terre,

qui les entourent, et les quatre éléments unis ensemble étendent le germe de la plante qu'ils nourrissent. Si l'agitation est trop forte, les parties du végétal désunies sont dispersées, et tout peut en être aisément détruit, jusqu'au germe.

Ce mouvement, qui fait la vie et la destruction de tout, ne peut, ce me semble, être imprimé aux corps par le feu qu'en vertu de ces deux raisons-ci : ou parcequ'ils reçoivent une plus grande quantité de feu qu'ils n'en avaient, ou parceque la même quantité est mise dans un mouvement plus violent; et comme une quantité de feu quelconque appliquée aux corps n'agit que par le mouvement, il est clair que c'est le mouvement seul qui échauffe, consume, et détruit les corps.

Il n'y a aucun corps sur la terre qui ait dans sa masse assez de feu pour faire de soi-même un effet sensible sans fermenter avec d'autres corps: voilà pourquoi du marbre et de la laine, du fer et des plumes, du plomb et du coton, de l'huile et de l'eau, du soufre et du sable, de la poudre à canon, appliqués au thermomètre, ensemble ou séparément, ne le font ni hausser, ni baisser, lorsque ces divers corps ont été exposés long-temps à une égale température d'air, ainsi que le thermomètre.

De grands philosophes infèrent de cette expérience qu'il y a également du feu dans tous les corps; mais on ose être d'une opinion différente,

1° Parceque si cette égale distribution du feu qu'ils supposent était réelle, la glace factice en aurait autant l'alcohol le plus pur;

que

« PreviousContinue »