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y mêlèrent, mal à propos, le nom de M. le Coadjuteur; ils furent arrêtés et menés à la Bastille. Étant interrogés, ils dirent ce qu'ils savoient, et peut-être plus. M. le Coadjuteur, sur ces ouï-dire, me fit faire mon procès.

» Je fus condamné par contumace: on afficha mon portrait au grand Mai du Palais, et on promit une récompense à celui qui me découvriroit. Cela ne m'empêcha pas de retourner à Paris, pour le service des Princes; j'y entrai à une heure de nuit; je fus curieux de contempler mon effigie; j'eus peine à la reconnoître; je tirai mon crayon et j'écrivis au bas, en riant: Le portrait n'est pas ressemblant. Je terminai mes affaires et repartis (1).

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Un grand bruit s'éleva en cet instant. Une

(1) On a voulu, par ces premiers récits, donner une idée de la légèreté avec laquelle on traitoit alors en France les affaires, la guerre et même les conspirations. Gourville manqua deux fois d'être pendu et finit par être ministre plénipotentiaire. La dernière anecdote que l'on rapporte ici est, à la vérité, postérieure, puisque ce fut à la suite de l'affaire de Fouquet, en 1663, qu'elle ent lieu. Mais, outre qu'à l'époque dont il s'agit, Gourville ne montra pas moins de gaieté et de présence d'esprit dans des périls extrêmes, on a cru devoir rapprocher

foule d'officiers se portèrent vers les gardes avancées. Le Prince ayant démêlé d'un coupd'œil qu'il n'y avoit rien d'effrayant dans ce tumulte, et cependant, curieux d'en connoître la cause, donna ordre à un aide-de-camp de rappeler les officiers. Gourville s'offrit de l'accompagner, et de revenir instruire le Prince de tout ce qui se passoit.

Pendant qu'il s'éloignoit : Vous voyez, dit le Prince à la reine de Suède, un négociateur secret dans la personne de l'ancien valet-dechambre du duc de la Rochefoucault. Que saisje? il deviendra peut-être ministre comme les autres, et il vaudroit peut-être mieux qu'eux; car il a plus de probité avec autant de finesse. -Vous ne parlez, sans doute, que de sa probité politique; car, après vos exclamations et ce qu'il nous a raconté..... Bagatelles. On en voit

les traits épars qui concouroient à dessiner la physionomie du personnage, sauf à en prévenir le lecteur.

On ne s'est permis ces légères transpositions que dans des circonstances indifférentes, et on a toujours soin alors de rétablir, par des notes, la chronologie : elle est respectée ainsi que le costume, dans tous les objets importans; et par ce caractère de fidélité scrupuleuse, l'Antenor moderne pourra éviter les justes reproches faits à l'Antenor ancien.

bien d'autres à la guerre et dans les temps de partis. Mais Gourville n'en est pas moins, et dans toute la force du mot, un très-honnête homme. — Il vous proposoit...... Une souveraineté de la part du Cardinal, qui, à son ordinaire, se meurt de peur la veille d'une action décisive. Vous refusez? Sans doute. Je serai fidèle à mon parti. — La prise d'Arras releveroit l'honneur des armes espagnoles et flétriroit celles du Roidès sa première campagne voilà ce que craint le Cardinal. Puisqu'il négocie, il est sans ressources. a Turenne. Et les Espagnols ont pour eux Condé. Ah! si je commandois seul...... et à des Français !

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CHAPITRE II.

Il

L'incident. Arrivée du Chevalier de Grammont. Rupture du Prince avec Christine (1).

EN

IN ce moment, Gourville revint essouflé, et leur dit, en riant: Il n'y a que le chevalier de Grammont qui soit capable de ce trait. Il

(1) Voyez Mém. de Grammont. Mém. de Christine.

arrive

arrive de la Cour. Il vous gardoit sa première visite! Mais il rejoint M. de Turenne qui vient de le rappeler.-Partez, Lussan, s'écria M. le Prince, et dites que si M. de Turenne le trouve bon, j'attends demain le Chevalier sous les premiers arbres, à l'entrée du camp. A présent, Gourville, donne-nous quelques détails.—Voici Lamotte qui vous instruira mieux que moi. - Eh bien, Lamotte.... Lamotte. En ma qualité d'ancien serviteur du Chevalier, je tiens de lui-même tout ce que je vais avoir l'honneur de vous raconter.

Le Chevalier accourt de Péronne dans l'intention d'assister à une action, et de partager la fortune de M. de Turenne. Vous savez que le duc d'Yorck et le marquis d'Humières commandoient sous les ordres du Maréchal? Le Marquis étoit de jour, et à peine paroissoit-il quand le Chevalier arriva.

Le duc d'Yorck ne le reconnut pas d'abord; mais le marquis d'Humières, courant à lui les bras ouverts: « Je me doutois bien » que si quelqu'un nous venoit voir de la » Cour, dans une occasion comme celle-ci, » ce seroit le chevalier de Grammont. Eh bien, ajouta-t-il, que fait-on à Péronne? - On y » a grand peur. que croit-on de nous?

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Et

>>

On croit que si vous battez M. le Prince, » vous n'aurez fait que votre devoir : si vous » êtes battus, on croira que vous êtes des fous et >>des ignorans d'avoir tout risqué, sans égard >> aux conséquences. Voilà une nouvelle bien consolante que tu nous apportes.Veux» tu que nous te menions au quartier de M. de » Turenne pour lui en faire part, ou si tu » aimes mieux te reposer dans le mien; car » tu as couru toute la nuit, et peut-être » n'as-tu pas eu plus de repos la précédente? Où prends-tu que le chevalier de Gram>>mont ait jamais eu besoin de dormir? Fais» moi seulement donner un cheval, afin que j'aie l'honneur d'accompagner M. le duc » d'Yorck; car apparemment il n'est en cam» pagne de si bon matin, que pour visiter quelques postes.

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-

La garde avancée est à la portée du canon de la nôtre. Dès qu'ils y furent : « J'aurois > envie, dit le chevalier de Grammont, de » pousser jusqu'à la vedette qu'ils ont avan» cée sur cette hauteur. J'ai des amis et des » connoissances dans leur armée, dont je » voudrois bien demander des nouvelles. M. le ≫ duc d'Yorck voudra bien me le permettre. > A ces mots, il s'avança. La vedette le voyant

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