» couragea le Luxe le plus destructeur, >> celui de la décoration, et le trafic » de l'Argent qui ruine l'Agriculture » corrompt les Mœurs et échappe à » l'Impôt; qui sans cesse eut recours à >> >> l'Usure, aux mutations dans les Mon» noies, aux réductions forcées d'inté>> rêts, aux aliénations du Domaine, à >> toutes les extorsions imaginables, aux >> engagemens impossibles à tenir, aux » expédiens les plus violens et les plus » ruineux; Dissipateur aveugle, qui » créa pour deux millions d'Offices, impôt terrible et ridiculement dé» guisé, qui laissa plus de quatre mil» liards de Dettes; Roi qui connut si » mal les Hommes, quoi qu'on en ait » pu dire, que lorsqu'il voulut ce qu'il » appeloit les former, il ne recueillit » de sa présomption et de ses efforts, » que des malheurs et de la honte; qui >> ignora tellement la grandeur, qu'il >> provoqua les flatteries les plus basses, » les plus dégoûtantes et les plus folles; » qui porta si loin l'égoïsme, qu'un des >> conseils que, dans sa profonde sagesse, >> il donnoit à l'un de ses Petits-Fils, étoit » de ne s'attacher jamais à personne; qui >> fut si insolemment vain, qui méprisa >> si ouvertement la Nation, alors illus»trée par tant de Grands - Hommes, qu'après l'avoir corrompue par le >> scandale de sa Cour et son propre » exemple, il osa lui désigner pour » Maîtres les fruits de ses débauches; >> Homme enfin en qui tout fut médio» cre, excepté son caractère plus singu»lier que grand, si toutefois il n'y entra » pas encore plus d'affectation que de » singularité, et la fortune qui plaça son règne dans l'époque la plus brillante » peut-être des révolutions de l'esprit » humain.... Voilà le Monarque » que nous appelons encore Louis-le» Grand (1)!» כל Le premier mérite de Louis XIV, aux yeux de quelques autres, est d'avoir soutenu la dignité du rôle de Monarque. Il faut avouer, disoit-on un jour devant le Héros de la Prusse, que Louis XIV fit très-bien le Roi. (C Oui, répondit Frédéric, mais Baron le faisoit encore » mieux (2). › (1) Ceux qui s'occupent des homonymes ont remarqué que deux autres Personnages, fort inconnus aujourd'hui, et qui ont même échappé aux Rédacteurs du Dictionnaire Historique, portèrent le nom de Louis-le-Grand, savoir un roi de Hongrie et un Juris, consulte Français du XVII. Siècle. (2) Mélanges de Champfort. VOYAGES VOYAGES DE CHRISTINE. LIVRE PREMIER. VOYAGE AUX LIGNES D'ARRAS. SOMMAIRE GÉNÉRAL. INTRIGUES, NÉGOCIATIONS, COMBATS, PREMIÈRES ARMES DE LOUIS XIV. Personnages introduits sur la Scène : CHRISTINE, CONDÉ, TURENNE, MAZARIN, FABERT, le chevalier DE GRAMMONT GOURVILLE, SAINT ÉVREMONT, le marquis D'HUMIÈRES, le maréchal D'HOCQUINCOURT, le père CANAYE, jésuite; le petit-fils de PIBRAC, etc. CHAPITRE PREMIER. Christine, le prince de Condé, Gourville, aux Lignes d'Arras (1). (La Conversation a lieu dans la tente du Prince.) Comment Gourville faillit d'être pendu, et devint Négociateur. Mœurs du temps (2). EST-IL vrai, dit Christine, en l'interrompant, que vous avez failli d'être pendu, M. Gourville? Le coquin a mérité vingt fois de l'être, s'écria le prince de Condé, avec cette impétuosité qui, sur le champ de bataille, étoit du génie, et dans la société, de l'im (1) An 1654, 22 août. Dans la Vie de Condé, par Turpin, on lit que Gourville eut effectivement une entrevue avec ce Prince. Cependant, il faut avouer que Gourville, dans ses Mémoires, assure qu'il ne fut pas en son pouvoir de parvenir jusqu'au Prince. Christine a pu se transporter aux lignes d'Arras, puisqu'elle arriva le 12 août 1654 à Anvers, et que la retraite du prince de Condé devant Arras n'eut lieu que le 25 du même mois. (2) Mémoires de Gourville. Mémoires de Grammont. Voltaire, Siècle de Louis XIV. Vies des Hommes illustres de la France. pertinence. Monseigneur, répondit Gourville avec cette finesse et cet à-plomb qui le caractérisoient, rien n'a pu m'effrayer lorsqu'il s'est agi du service de Votre Altesse Sérénissime (1). Ah! dit le Prince, d'un ton chagrin et concentré, j'ai risqué encore plus que toi; emprisonné, fugitif, proscrit..... Cette bouffonnerie de la Fronde a fini par devenir trop sérieuse, du moins pour moi. - Gourville. Son Altesse veut-elle m'entendre? - Le Prince. Non le sort en est jeté; le Rubicon est passé. Le premier courrier qui me fut envoyé par Mazarin, se trompa, tu le sais; il prit la route d'Augerville pour celle d'Angerville; il m'atteignit sur la frontière : il étoit déjà trop tard. Un instant de plus a précipité le poids de la balance. Christine. Ainsi, l'erreur d'un valet vous a fait accepter la partie. La gagnerez-vous ? Le Prince. Allons, Gourville, divertis Sa Majesté, du récit de tes aventures; fais-nous rire. : Gourville. Monseigneur, depuis que je suis dans les affaires, je ne ris plus je vais cependant vous obéir. (Et se tournant vers Christine): «< Vous desiriez, Madame, savoir (1) Voyez ce qu'il fit pour la délivrance des Princes, t. I, pag. 27-36 de ses Mém. |