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QUAND

IAMBES

UAND au mouton bêlant la sombre boucherie Ouvre ses cavernes de mort;

Pauvres chiens et moutons, toute la bergerie

Ne s'informe plus de son sort!

Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine,
Les vierges aux belles couleurs

Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine
Entrelaçaient rubans et fleurs,

Sans plus penser à lui, le mangent s'il est tendre.
Dans cet abîme enseveli,

J'ai le même destin. Je m'y devais attendre.
Accoutumons-nous à l'oubli.

Oubliés comme moi dans cet affreux repaire,
Mille autres moutons, comme moi

Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire,
Seront servis au peuple-roi.

Que pouvaient mes amis? Oui, de leur main chérie
Un mot, à travers ces barreaux,

A versé quelque baume en mon âme flétrie ;
De l'or peut-être à mes bourreaux........

Mais tout est précipice. Ils ont eu droit de vivre.
Vivez, amis, vivez contents!

En dépit de Bavus, soyez lents à me suivre;
Peut-être en de plus heureux temps

J'ai moi-même, à l'aspect des pleurs de l'infortune,
Détourné mes regards distraits;

A mon tour, aujourd'hui, mon ma'heur importune; Vivez, amis, vivez en paix.

LA

MARIE-JOSEPH CHENIER

LE CHANT DU DÉPART

UN DÉPUTÉ DU PEUPLE.

A victoire en chantant nous ouvre la barrière;
La liberté guide nos pas,

Et du nord au midi la trompette guerrière
A sonné l'heure des combats.
Tremblez, ennemis de la France,
Rois ivres de sang et d'orgueil !
Le peuple souverain s'avance;
Tyrans, descendez au cercueil.

Chœur des guerriers.

La république nous appelle,
Sachons vaincre ou sachons périr;
Un Français doit vivre pour elle,
Pour elle un Français doit mourir.

UNE MÈRE DE FAMILLE.

De nos yeux maternels ne craignez pas les larmes :
Loin de nous de lâches douleurs !

Nous devons triompher quand vous prenez les armes;
C'est aux rois à verser des pleurs.
Nous vous avons donné la vie,
Guerriers, elle n'est plus à vous;
Tous vos jours sont à la patrie;
Elle est votre mère avant nous.

Chœur des mères de famille-La république, etc.

DEUX VIEILLARDS.

Que le fer paternel arme la main des braves;
Songez à nous au champ de Mars;
Consacrez dans le sang des rois et des esclaves
Le fer béni par vos vieillards;
Et, rapportant sous la chaumière
Des blessures et des vertus,
Venez fermer notre paupière

Quand les tyrans ne seront plus.

Chœurs des vieillards-La république, etc.

UN ENFANT.

De Barra, de Viala le sort nous fait envie ;
Ils sont morts, mais ils ont vaincu !
Le lâche accablé d'ans n'a point connu la vie !
Qui meurt pour le peuple a vécu.
Vous êtes vaillants, nous le sommes:
Guidez-nous contre les tyrans;

Les républicains sont des hommes,

Les esclaves sont des enfants!

Chœur des enfants—La république, etc.

UNE ÉPOUSE.

Partez, vaillants époux, les combats sont vos fêtes; Partez, modèles des guerriers;

Nous cueillerons des fleurs pour en ceindre vos têtes,
Nos mains tresseront vos lauriers!

Et si le temple de Mémoire
S'ouvrait à vos mânes vainqueurs,
Nos voix chanteront votre gloire,

Nos flancs porteront vos vengeurs.

Chœur des épouses-La république, etc.

UNE JEUNE FILLE.

Et nous, sœurs des héros, nous qui de l'hyménée
Ignorons les aimables noeuds,

Si, pour s'unir un jour à notre destinée,
Les citoyens forment des vœux,
Qu'ils reviennent dans nos murailles,
Beaux de gloire et de liberté,

Et que leur sang dans les batailles

Ait coulé pour l'égalité.

Chœur des jeunes filles-La république, etc.

TROIS GUERRIERS.

Sur le fer, devant Dieu, nous jurons à nos pères,
A nos épouses, à nos sœurs,

A nos représentants, à nos fils, à nos mères,
D'anéantir les oppresseurs:

En tous lieux, dans la nuit profonde
Plongeant l'infâme royauté,

Les Français donneront au monde
Et la paix et la liberté !

Chœur général-La république, etc.

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Depuis ce jour me promène
De la forêt à la plaine,
De la montagne au vallon.
Je vais où le vent me mène,
Sans me plaindre ou m'effrayer;
Je vais où va toute chose,
Où va la feuille de rose

Et la feuille de laurier!

CHATEAUBRIAND

LE MONTAGNARD EXILÉ

COMBIEN j'ai douce souvenance

Du joli lieu de ma naissance!

Ma sœur, qu'ils étaient beaux les jours
De France!

O mon pays, sois mes amours
Toujours!

Te souvient-il que notre mère
Au foyer de notre chaumière

Nous pressait sur son cœur joyeux,
Ma chère !

Et nous baisions ses blancs cheveux
Tous deux.

Ma sœur, te souvient-il encore
Du château que baignait la Dore?

Et de cette tant vieille tour

Du Maure,

Où l'airain sonnait le retour
Du jour ?

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