D'une Beauté je prenais les couleurs. Je possédais au vent libre des cieux Un banc de mousse où s'élevait mon trône. Je méprisais les rois ambitieux, De rameaux verts j'avais fait ma couronne. J'étais heureux et ravi. Mais un jour J'offris mon cœur, mon royaume et ma cour, Elle s'assit sous les marronniers verts; Or, je crus voir, tant je la trouvais belle, Pourquoi laisser mon rêve et ma gaîté L' L'OISELEUR 'OISELEUR Amour se promène Lorsque les coteaux sont fleuris, Fouillant les buissons et la plaine, Et, chaque soir, sa cage est pleine Des petits oiseaux qu'il a pris. Aussitôt que la nuit s'efface Sous le muguet et la pervenche Parfois d'une souple baguette Étourdi, joyeux et rapide, Et l'oiseleur Amour l'emmène PAUL BOURGET PRÆTERITA NOVEMBRE approche, et c'est le mois charmant Où, devinant ton âme à ton sourire, Je me suis pris à t'aimer vaguement, Sans rien dire. Novembre approche, ah! nous étions enfants, Mais notre amour fut beau comme un poème. Novembre approche, assis au coin du feu, Et je pleure. Novembre approche, et c'est le mois béni Où tous les morts ont des fleurs sur leur pierre, Sa prière. ROMANCE POURQUOI cet amour insensé N'est-il pas mort avec les plantes Qui l'enivraient, l'été passé, Pourquoi la bise, en emportant La feuille jaunie et fanée, N'en a-t-elle pas fait autant De mon amour de l'autre année ? Les roses des rosiers en fleur, L'hiver les cueille et les dessèche; Toujours froissée, est toujours fraîche. Il n'en finit pas de courir, Le ruisseau de pleurs qui l'arrose, N'en finit pas de refleurir. DÉPART ACCOUDÉ sur le bastingage Et regardant la grande mer, Je respire ce que dégage Le large pli des houles bleues, Vains devoirs d'un monde frivole, Tout de ce qui fut moi s'efface Et le libre, l'immense espace, S'ouvre à mon cœur comme à mes yeux. NUIT D'ÉTÉ NUIT, ô douce nuit d'été, qui viens à nous O nuit, ô douce nuit d'été, qui fais fleurir Les fleurs dans les gazons et les fleurs sur les branches, Tu dis aux tendres cœurs des femmes de s'ouvrir, Et sous les blonds tilleuls errent des formes blanches! O nuit, ô douce nuit d'été, qui sur les mers Et la paix de ton ciel descend dans leurs pensées. O nuit, ô douce nuit d'été, qui parles bas, ÉPILOGUE LE Fantôme est venu de la trentième année. Ses doigts vont s'entr'ouvrir pour me prendre la main, La fleur de ma jeunesse est à demi fanée, Et l'ombre du tombeau grandit sur mon chemin. Le Fantôme me dit avec ses lèvres blanches: |