NOUS PROSPERONS NOUS prospérons! Qu'importe aux anciens malheu reux, Aux hommes nés trop tôt, à qui le sort fut traître, La tâche humaine est longue et sa fin décevante: Seule aura sans tourment tous ses greniers comblés, Et les premiers auteurs de la glèbe féconde LE COMPLICE 'AI bon cœur, je ne veux à nul être aucun mal, J'AI Mais je retiens ma part des bœufs qu'un autre assomme, Et, malgré ma douceur, je suis bien aise en somme Je suis juste, et je sens qu'un pauvre est mon égal, Je suis probe, mon bien ne doit rien à personne, Ainsi dans le massacre incessant qui m'engraisse, ALPHONSE DAUDET AUX PETITS ENFANTS ENFANTS d'un jour, ô nouveau-nés, Petites lèvres demi-closes, Membres tremblants, Si frais, si blancs, Enfants d'un jour, ô nouveau-nés, Chers anges! Pour vos grands yeux effarouchés Êtres si doux, On aime; Pour tout ce que vous gazouillez, Que d'amoureux Et que d'heureux Vous faites! Lorsque sur vos chauds oreillers, Près de vous, tout bas, ô merveille! "Dors, beau petit; C'est la voix de l'ange gardien; Dormez, dormez, ne craignez rien; Vous berce et vous Enfants d'un jour, ô nouveau-nés, Tient l'âme encor Sans tache. Vous êtes à toute maison Ce que la fleur est au gazon, Ce qu'au ciel est l'étoile blanche, Ce qu'un peu d'eau Est au roseau Qui penche. Mais vous avez de plus encor Ce que n'a pas l'étoile d'or Ce qui manque aux fleurs les plus belles: Malheur à nous ! Vous avez tous Des ailes. L'OISEAU BLEU 'AI dans mon cœur un oiseau bleu, J'Une charmante créature, Si mignonne que sa ceinture Il lui faut du sang pour pâture. Mais, sans en rien laisser paraître, Et son bec fin comme une lame, En continuant son chemin, M'est entré jusqu'au fond de l'âme !... HENRI CAZALIS LA BÊTE UI donc t'a pu créer, Sphinx étrange, ô Nature! QUI Et d'où t'ont pu venir tes sanglants appétits? C'est pour les dévorer que tu fais tes petits, Et c'est nous, tes enfants, qui sommes ta pâture: Que t'importent nos cris, nos larmes et nos fièvres? Toujours du sang aux pieds et le sourire aux lèvres! JE RÉMINISCENCES A DARWIN. E sens un monde en moi de confuses pensées, Je sens obscurément que j'ai vécu toujours, Que j'ai longtemps erré dans les forêts passées, Et que la bête encor garde en moi ses amours. Je sens confusément, l'hiver, quand le soir tombe, Certains jours, en errant dans les forêts natales, Dans le sol primitif nos racines sont prises; Quand mon esprit aspire à la pleine lumière, Mon âme a trop dormi dans la nuit maternelle : |