Par la chaîne d'or des étoiles vives,
O Lampe du ciel, qui pends de l'azur,
Tombe, plonge aussi dans la mer sans rives! Fais un gouffre noir de l'air tiède et pur Au dernier soupir des houles pensives, O Lampe du ciel, qui pends de l'azur Par la chaîne d'or des étoiles vives!
l'Aurore, toujours, de ses perles arrose
Cannes, gérofliers et maïs onduleux;
Si le vent de la mer, qui monte aux pitons bleus, Fait les bambous géants bruire dans l'air rose; Hors du nid frais blotti parmi les vétivers Si la plume écarlate allume les feuillages; Si l'on entend frémir les abeilles sauvages Sur les cloches de pourpre et les calices verts; Si le roucoulement des blondes tourterelles Et les trilles aigus du cardinal siffleur S'unissent çà et là sur la montagne en fleur Au bruit de l'eau qui va mouvant les herbes grêles; Avec ses bardeaux roux jaspés de mousses d'or Et sa varangue basse aux stores de Manille, A l'ombre des manguiers où grimpe la vanille Si la maison du cher aïeul repose encor;
O doux oiseaux bercés sur l'aigrette des cannes, O lumière, ô jeunesse, arome de nos bois, Noirs ravins, qui, le long de vos âpres parois, Exhalez au soleil vos brumes diaphanes!
Salut! Je vous salue, ô montagnes, ô cieux, Du paradis perdu visions infinies,
Aurores et couchants, astres des nuits bénies, Qui ne resplendirez jamais plus dans mes yeux !
Je vous salue, au bord de la tombe éternelle, Rêve stérile, espoir aveugle, désir vain, Mirages éclatants du mensonge divin Que l'heure irrésistible emporte sur son aile!
Puisqu'il n'est, par delà nos moments révolus, Que l'immuable oubli de nos mille chimères, A quoi bon se troubler des choses éphémères ? A quoi bon le souci d'être ou de n'être plus ?
J'ai goûté peu de joie, et j'ai l'âme assouvie
Des jours nouveaux non moins que des siècles anciens. Dans le sable stérile où dorment tous les miens Que ne puis-je finir le songe de la vie !
Que ne puis-je, couché sous le chiendent amer, Chair inerte, vouée au temps qui la dévore, M'engloutir dans la nuit qui n'aura point d'aurore, Au grondement immense et morne de la mer!
un nuage frais de claire mousseline,
Tous les dimanches au matin,
Tu venais à la ville en manchy de rotin, Par les rampes de la colline.
La cloche de l'église alertement tintait;
Le vent de mer berçait les cannes; Comme une grêle d'or, aux pointes des savanes, Le feu du soleil crépitait.
Le bracelet aux poings, l'anneau sur la cheville, Et le mouchoir jaune aux chignons,
Deux Telingas portaient, assidus compagnons, Ton lit aux nattes de Manille
Ployant leur jarret maigre et nerveux, et chantant, Souples dans leurs tuniques blanches,
Le bambou sur l'épaule et les mains sur les hanches, Ils allaient le long de l'Étang.
On voyait, au travers du rideau de batiste, Tes boucles dorer l'oreiller,
Et, sous leurs cils mi-clos, feignant de sommeiller, Tes beaux yeux de sombre améthyste.
Tu t'en venais ainsi, par ces matins si doux, De la montagne à la grand'messe, Dans ta grâce naïve et ta rose jeunesse, Au pas rhythmé de tes Hindous.
Maintenant, dans le sable aride de nos grèves, Sous les chien dents, au bruit des mers, Tu reposes parmi les morts qui me sont chers, O charme de mes premiers rêves!
LE FRAIS MATIN DORAIT
E frais matin dorait de sa clarté première La cime des bambous et des gérofliers. Oh! les mille chansons des oiseaux familiers Palpitant dans l'air rose et buvant la lumière !
Comme lui tu brillais, ô ma douce lumière,
Et tu chantais comme eux vers les cieux familiers ! A l'ombre des letchis et des gérofliers,
C'était toi que mon cœur contemplait la première.
Telle, au Jardin céleste, à l'aurore première, La jeune Eve, sous les divins gérofliers, Toute pareille encore aux anges familiers, De ses yeux innocents répandait la lumière. Harmonie et parfum, charme, grâce, lumière, Toi, vers qui s'envolaient mes songes familiers, Rayon d'or effleurant les hauts gérofliers, O lys, qui m'as versé mon ivresse première !
La Vierge aux pâles mains t'a prise la première, Chère âme! Et j'ai vécu loin des gérofliers, Loin des sentiers charmants à tes pas familiers, Et loin du ciel natal où fleurit ta lumière.
Des siècles ont passé, dans l'ombre ou la lumière, Et je revois toujours mes astres familiers, Les beaux yeux qu'autrefois, sous nos gérofliers, Le frais matin dorait de sa clarté première !
A-BAS, sur la mer, comme l'hirondelle, Je voudrais m'enfuir, et plus loin encor! Mais j'ai beau vouloir, puisque la cruelle A lié mon cœur avec trois fils d'or.
L'un est son regard, l'autre son sourire, Le troisième, enfin, est sa lèvre en fleur; Mais je l'aime trop, c'est un vrai martyre: Avec trois fils d'or elle a pris mon cœur!
Oh! si je pouvais dénouer ma chaîne ! Adieu, pleurs, tourments; je prendrais l'essor. Mais non, non! mieux vaut mourir à la peine Que de vous briser, ô mes trois fils d'or!
Pour soulever un poids si lourd, Sisyphe, il faudrait ton courage! Bien qu'on ait du cœur à l'ouvrage, L'Art est long et le Temps est court. Loin des sépultures célèbres, Vers un cimetière isolé,
Mon cœur, comme un tambour voilé, Va battant des marches funèbres.
Maint joyau dort enseveli
Dans les ténèbres et l'oubli,
Bien loin des pioches et des sondes;
Mainte fleur épanche à regret
Son parfum doux comme un secret Dans les solitudes profondes.
'AI longtemps habité sous de vastes portiques Que les soleils marins teignaient de mille feux, Et que leurs grands piliers, droits et majestueux, Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques. Les houles, en roulant les images des cieux, Mêlaient d'une façon solennelle et mystique. Les tout-puissants accords de leur riche musique Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.
C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes, Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,
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