Il gronde l'aube paresseuse Il voit le jour derrière l'ombre; A la nature il se confie, Car son instinct pressent la loi. Beau merle, est moins sage que toi! Et la médaille austère Que trouve un laboureur Révèle un empereur. Les dieux eux-mêmes meurent. Mais les vers souverains Plus forts que les airains. Sculpte, lime, cisèle; Que ton rêve flottant Se scelle Dans le bloc résistant! L' VICTOR DE LAPRADE A UN GRAND ARBRE 'ESPRIT calme des dieux habite dans les plantes. Heureux est le grand arbre aux feuillages épais; Dans son corps large et sain la sève coule en paix, Mais le sang se consume en nos veines brûlantes. A la croupe du mont tu sièges comme un roi; Le vent n'effleure pas le sol où tu m'accueilles; L'aube, un instant, les touche avec son doigt vermeil ; La lune aux pieds d'argent descend de branche en branche, Et midi baigne en plein ton front dans le soleil. L'éternelle Cybèle embrasse tes pieds fermes; Salut, toi qu'en naissant l'homme aurait adoré ! Ah! moi je sens qu'une âme est là sous ton écorce: Salut! Un charme agit et s'échange entre nous. Me semble aussi puissant que le nôtre, et plus doux. Verse à flots sur mon front ton ombre qui m'apaise; Je souffre du désir, orage intérieur ; Quand un beau jour commence et quand le mal fait trêve, Les promesses du ciel ne valent pas l'oubli; Dieu même ne peut rien sur le temps accompli; Nul songe n'est si doux qu'un long sommeil sans rêve. Le chêne a le repos, l'homme a la liberté... C'est être dieu soi-même, et c'est ta volupté. Verse, ah! verse dans moi tes fraîcheurs printanières, Et le frissonnement des songes infinis; Si j'avais, comme toi, tout un mont pour soutien, Si mes deux pieds trempaient dans la source des choses, Si l'Aurore humectait mes cheveux de ses roses, Si mon cœur recélait toute la paix du tien ; Si j'étais un grand chêne avec ta sève pure, Mes feuilles verseraient l'oubli sacré du mal, Nourri par la nature, au destin résignée, |