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J'offre ces violettes,
Ces lis et ces fleurettes,
Et ces roses ici,

Ces merveillettes roses,
Tout freschement ecloses,

Et ces œillets aussi.

De vostre douce haleine
Eventez ceste plaine,
Eventez ce sejour,

Ce pendant que j'ahanne
A mon blé que je vanne
A la chaleur du jour.

D'AUBIGNÉ

L'HYVER

MES volages humeurs, plus sterilles que belles,

S'en vont; et je leur dis: Vous sentez, irondelles, S'esloigner la chaleur et le froid arriver.

Allez nicher ailleurs, pour ne tascher, impures,
Ma couche de babil et ma table d'ordures;
Laissez dormir en paix la nuict de mon hyver.

D'un seul point le soleil n'esloigne l'hemisphere;
Il jette moins d'ardeur, mais autant de lumiere.
Je change sans regrets, lorsque je me repens
Des frivoles amours et de leur artifice.

J'ayme l'hyver qui vient purger mon cœur de vice,
Comme de peste l'air, la terre de serpens.

Mon chef blanchit dessous les neiges entassées,
Le soleil, qui reluit, les eschauffe, glacées,

Mais ne les peut dissoudre, au plus court de ses mois.
Fondez, neiges; venez dessus mon cœur descendre,

Qu'encores il ne puisse allumer de ma cendre
Du brazier, comme il fit des flammes autrefois.

Mais quoi! serai-je esteint devant ma vie esteinte ?
Ne luira plus sur moi la flamme vive et sainte,
Le zele flamboyant de la sainte maison ?

Je fais aux saints autels holocaustes des restes,
De glace aux feux impurs, et de napthe aux celestes:
Clair et sacré flambeau, non funebre tison !

Voici moins de plaisirs, mais voici moins de peines.
Le rossignol se taist, se taisent les sereines:
Nous ne voyons cueillir ni les fruits ni les fleurs;
L'esperance n'est plus bien souvent tromperesse;
L'hyver jouit de tout. Bienheureuse vieillesse,
La saison de l'usage, et non plus des labeurs!
Mais la mort n'est pas loin; cette mort est suivie
D'un vivre sans mourir, fin d'une fausse vie :
Vie de nostre vie, et mort de nostre mort.
Qui hait la seureté pour aimer le naufrage ?
Qui a jamais esté si friand de voyage,

Que la longueur en soit plus douce que le port?

JEAN BERTAUT

CHANSON

LES Cieux inexorables

Me sont si rigoureux,

Que les plus miserables

Se comparans à moy se trouveroient heureux.

Je ne fais à toute heure

Que souhaiter la mort,
Dont la longue demeure

Prolonge dessus moy l'insolence du Sort.

Mon lict est de mes larmes
Trempé toutes les nuits:

Et ne peuvent ses charmes,

Lors mesme que je dors, endormir mes ennuis.

Si je fay quelque songe

J'en suis espouvanté,

Car mesme son mensonge

Exprime de mes maux la triste verité.

Toute paix, toute joye

A pris de moý congé,

Laissant mon ame en proye

A cent mille soucis dont mon cœur est rongé.

La pitié, la justice,

La constance, et la foy,
Cedant à l'artifice,

Dedans les cœurs humains sont esteintes pour moy.

L'ingratitude paye

Ma fidelle amitié :

La calomnie essaye

A rendre mes tourments indignes de pitié.

En un cruel orage

On me laisse perir,

Et courant au naufrage

Je voy chacun me plaindre et nul me secourir.

Et ce qui rend plus dure

La misere où je vy,

C'est, es maux que j'endure,

La memoire de l'heur que le Ciel m'a ravi.

Felicité passée

Qui ne peux revenir:

Tourment de ma pensée,

Que n'ai-je en te perdant perdu le souvenir!

Helas! il ne me reste

De mes contentements

Qu'un souvenir funeste,

Qui me les convertit à toute heure en tourments.
Le sort plein d'injustice
M'ayant en fin rendu

Ce reste un pur supplice,

Je serois plus heureux si j'avois plus perdu.

MATHURIN RÉGNIER

ODE

AMAIS ne pourray-je bannir

JAMAIS

Hors de moy l'ingrat souvenir

De ma gloire si tost passée ?
Toujours pour nourrir mon soucy,
Amour, cet enfant sans mercy,
L'offrira-t-il à ma pensée!

Tyran implacable des cœurs,
De combien d'ameres langueurs
As-tu touché ma fantaisie !

De quels maux m'as-tu tourmenté !
Et dans mon esprit agité

Que n'a point fait la jalousie!

Mes yeux, aux pleurs accoutumez,
Du sommeil n'estoient plus fermez;
Mon cœur fremissoit sous la peine:
A veu d'œil mon teint jaunissoit;
Et ma bouche qui gemissoit,
De soupirs estoit toujours pleine.

Aux caprices abandonné,
J'errois d'un esprit forcené,
La raison cedant à la rage:
Mes sens, des desirs emportez,
Flottoient, confus, de tous costez,
Comme un vaisseau parmy l'orage.

Blasphemant la terre et les cieux,
Mesmes je m'estois odieux,
Tant la fureur troubloit mon ame:
Et bien que mon sang amassé
Autour de mon cœur fust glacé,
Mes propos n'estoient que de flame.

Pensif, frenetique et resvant,
L'esprit troublé, la teste au vent,
L'œil hagard, le visage blesme,
Tu me fis tous maux esprouver;
Et sans jamais me retrouver,
Je m'allois cherchant en moy-mesme.

Cependant lors que je voulois,
Par raison enfraindre tes loix,
Rendant ma flame refroidie,
Pleurant, j'accusay ma raison
Et trouvay que la guerison
Est pire que la maladie.

Un regret pensif et confus
D'avoir esté, et n'estre plus,

Rend mon ame aux douleurs ouverte;
A mes despens, las! je vois bien
Qu'un bonheur comme estoit le mien

Ne se cognoist que par la perte.

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