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L'obscurité couvre le monde,
Mais l'Idée illumine et luit;

De sa clarté blanche elle inonde
Les sombres azurs de la nuit.

Elle est le fanal solitaire,
Le rayon providentiel.

Elle est la lampe de la terre
Qui ne peut s'allumer qu'au ciel.

Elle apaise l'âme qui souffre,
Guide la vie, endort la mort;
Elle montre aux méchants le gouffre,
Elle montre aux justes le port.

En voyant dans la brume obscure
L'Idée, amour des tristes yeux,
Monter calme, sereine et pure,
Sur l'horizon mystérieux,

Les fanatismes et les haines
Rugissent devant chaque seuil
Comme hurlent les chiens obscènes
Quand apparaît la lune en deuil.
Oh! contemplez l'Idée altière,
Nations! son front surhumain
A, dès à présent, la lumière
Qui vous éclairera demain!

QU'ES

LE CHASSEUR NOIR

U'ES-TU, passant? Le bois est sombre,
Les corbeaux volent en grand nombre,
Il va pleuvoir.

Je suis celui qui va dans l'ombre,

Le chasseur noir !

Les feuilles des bois, du vent remuées, Sifflent... on dirait

Qu'un sabbat nocturne emplit de huées
Toute la forêt ;

Dans une clairière, au sein des nuées,
La lune apparaít.

Chasse le daim, chasse la biche,

Cours dans les bois, cours dans la friche, Voici le soir.

Chasse le czar, chasse l'Autriche,

O chasseur noir!

Les feuilles des bois, etc.

Souffle en ton cor, boucle ta guêtre,
Chasse les cerfs qui viennent paître
Près du manoir.

Chasse le roi, chasse le prêtre,
O chasseur noir.

Les feuilles des bois, etc.

Il tonne, il pleut, c'est le déluge.
Le renard fuit, pas de refuge
Et pas d'espoir !

Chasse l'espion, chasse le juge,

O chasseur noir.

Les feuilles des bois, etc.

Tous les démons de saint Antoine
Bondissent dans la folle avoine

Sans t'émouvoir;

Chasse l'abbé, chasse le moine,
O chasseur noir!

Les feuilles des bois, etc.

Chasse les ours! Ta meute jappe.
Que pas un sanglier n'échappe !
Fais ton devoir !

Chasse César, chasse le pape,
O chasseur noir!

Les feuilles des bois, etc.

Le loup de ton sentier s'écarte.
Que ta meute à sa suite parte!
Cours! Fais-le choir !

Chasse le brigand Bonaparte,
O chasseur noir !

Les feuilles des bois, du vent remuées, Tombent... on dirait

Que le sabbat sombre aux rauques huées
A fui la forêt ;

Le clair chant du coq perce les nuées;
Ciel! L'aube apparaît !

Tout reprend sa force première.
Tu redeviens la France altière
Si belle à voir,

L'ange blanc vêtu de lumière,
O chasseur noir!

Les feuilles des bois, du vent remuées, Tombent... on dirait

Que le sabbat sombre aux rauques huées
A fui la forêt !

Le clair chant du coq perce les nuées ;
Ciel! L'aube apparaît !

LUX

'EMPS futurs! vision sublime!

TEMPS

Les peuples sont hors de l'abîme. Le désert morne est traversé.

Après les sables, la pelouse;
Et la terre est comme une épouse,
Et l'homme est comme un fiancé !

Oh! voyez ! la nuit se dissipe.
Sur le monde qui s'émancipe,
Oubliant Césars et Capets,
Et sur les nations nubiles,
S'ouvrent dans l'azur, immobiles,
Les vastes ailes de la paix!

O libre France enfin surgie!
O robe blanche après l'orgie!
O triomphe après les douleurs!
Le travail bruit dans les forges,
Le ciel rit, et les rouges-gorges
Chantent dans l'aubépine en fleurs !

Les rancunes sont effacées;
Tous les cœurs, toutes les pensées,
Qu'anime le même dessin

Ne font plus qu'un faisceau superbe
Dieu prend pour lier cette gerbe
La vieille corde du tocsin.

Au fond des cieux un point scintille.
Regardez, il grandit, il brille,

Il approche, énorme et vermeil.
O République universelle,
Tu n'es encor que l'étincelle,
Demain tu seras le soleil.

OH!

ULTIMA VERBA

H! tant qu'on le verra trôner, ce gueux, ce prince,
Par le pape béni, monarque malandrin,

Dans une main le sceptre et dans l'autre la pince,
Charlemagne taillé par Satan dans Mandrin;

Tant qu'il se vautrera, broyant dans ses mâchoires
Le serment, la vertu, l'honneur religieux,
Ivre, affreux, vomissant sa honte sur nos gloires;
Tant qu'on verra cela sous le soleil des cieux;
Quand même grandirait l'abjection publique
A ce point d'adorer l'exécrable trompeur;
Quand même l'Angleterre et même l'Amérique
Diraient à l'exilé :- Va-t'en! nous avons peur !
Quand même nous serions comme la feuille morte;
Quand, pour plaire à César, on nous renîrait tous;
Quand le proscrit devrait s'enfuir de porte en porte,
Aux hommes déchiré comme un haillon aux clous;
Quand le désert, où Dieu contre l'homme proteste,
Bannirait les bannis, chasserait les chassés ;
Quand même, infâme aussi, lâche comme le reste,
Le tombeau jetterait dehors les trépassés;

Je ne fléchirai pas! Sans plainte dans la bouche,
Calme, le deuil au cœur, dédaignant le troupeau,
Je vous embrasserai dans mon exil farouche,
Patrie, ô mon autel! liberté, mon drapeau!
Mes nobles compagnons, je garde votre culte ;
Bannis, la république est là qui nous unit.
J'attacherai la gloire à tout ce qu'on insulte;
Je jetterai l'opprobre à tout ce qu'on bénit!

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