'Est-ce que vous pourrez, sans tristesse et sans plainte, Voir nos ombres flotter où marchèrent nos pas, Et la voir m'entraîner, dans une morne étreinte, "Et s'il est quelque part, dans l'ombre où rien ne veille, Deux amants sous vos fleurs abritant leurs transports, Ne leur irez-vous pas murmurer à l'oreille : Vous qui vivez, donnez une pensée aux morts? "Dieu nous prête un moment les prés et les fontaines, Les grands bois frissonnants, les rocs profonds et sourds, Et les cieux azurés et les lacs et les plaines, Pour y mettre nos cœurs, nos rêves, nos amours; "Puis il nous les retire. Il souffle notre flamme. "Eh bien! oubliez-nous, maison, jardin, ombrages; Car vous êtes pour nous l'ombre de l'amour même, Vous êtes l'oasis qu'on rencontre en chemin ! Vous êtes, ô vallon, la retraite suprême Où nous avons pleuré nous tenant par la main ! "Toutes les passions s'éloignent avec l'âge, L'une emportant son masque et l'autre son couteau, "Mais toi, rien ne t'efface, Amour! toi qui nous charmes ! "Dans ces jours où la tête au poids des ans s'incline, "Quand notre âme en rêvant descend dans nos entrailles, "Comme quelqu'un qui cherche en tenant une lampe, "Et là, dans cette nuit qu'aucun rayon n'étoile, A QUOI BON ENTENDRE A QUOI bon entendre Les oiseaux des bois? L'oiseau le plus tendre Chante dans ta voix. Que Dieu montre ou voile Les astres des cieux ! La plus pure étoile Brille dans tes yeux. Si vous n'avez rien à m'apprendre, Si vous voulez que je m'en aille, QUAND NOUS HABITIONS TOUS ENSEMBLE UAND nous habitions tous ensemble QUAN Sur nos collines d'autrefois, Où l'eau court, où le buisson tremble, Elle avait dix ans, et moi trente; Oh! comme l'herbe est odorante Elle faisait mon sort prospère, A travers mes songes sans nombre, Et mon front s'éclairait dans l'ombre Elle avait l'air d'une princesse Elle donnait comme on dérobe, Le soir, auprès de ma bougie, Elle jasait à petit bruit, Tandis qu'à la vitre rougie Heurtaient les papillons de nuit. Les anges se miraient en elle. Oh! je l'avais, si jeune encore, Quand la lune claire et sereine Brillait aux cieux, dans ces beaux mois, Puis, vers la lumière isolée Nous revenions par la vallée En tournant le coin du vieux mur; Nous revenions, cœurs pleins de flamme, Doux ange aux candides pensées, O SOUVENIRS! PRINTEMPS! AURORE! SOUVENIRS! printemps! aurore! Doux rayon triste et réchauffant ! Lorsqu'elle était petite encore, Que sa sœur était tout enfant... |