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néceffaire pour quête.

la confervation de la con

Si la fervitude eft néceffaire, il eft contre la nature de la chofe, qu'elle foit éternelle. Ainfi le Conquérant qui réduit le Peuple en fervitude, doit toujours fe réferver des moyens pour l'en faire fortir.

Une conquête peut détruire les préjugés nuifibles. Quel bien les Efpagnols ne pouvoient-il pas faire aux Méxi cains? Ils avoient à leur donner une Religion douce; ils leur apporterent une fu perftition furieufe: ils auroient pu ren dre libres les efclaves; & ils rendirent efclaves les hommes libres : ils pouvoient les éclairer fur l'abus des facrifi ces humains; au lieu de cela, ils les exterminerent.

Rien ne devroit mieux corriger les Princes de la fureur des conquêtes lointaines, que l'exemple des Portugais & des Efpagnols. Les uns furent auffi tôt chaffés des terres conquifes; les autres en firent des deserts, & rendirent de même leur propre Pays.

Tel Etat conquis tireroit des avantages de la conquête même, fi elle n'étoit pas destructive. Un Gouvernement parvenu au point où il ne pût plus fe réformer lui-même, ne perdroit pas beaucoup à être refondu. Un Conqué

rant, qui entre chez un Peuple, où, par mille rufes & mille artifices, le riche s'eft infenfiblement pratiqué une infinité de moyens d'ufurper; où le mal heureux qui gémit, voyant ce qu'il croyoit des abus devenir des Loix, eft dans l'oppreffion & croit avoir tort de la fen tir; un Conquérant alors peut dérouter tout, & la tyrannie fourde eft la pre miere chofe qui fouffre violence.

Dans les conquêtes, il ne fuffic pas de laiffer à la Nation vaincue fes Loix; il est peut-être plus néceffaire de lui laiffer fes mœurs, parce qu'un Peuple connoît, aime & défend toujours plus fes mœurs que fes Loix.

Les conquêtes font aifées à faire, parce qu'on les fait avec toutes fes forces; elies font difficiles à conferver parce qu'on ne les défend qu'avec une partie de fes forces.

Si une Monarchie en conquiert une autre, plus celle-ci fera petite, mieux on la contiendra par des forreresses ; plus elle fera grande, mieux on la confervera par des colonies.

Tel eft l'état néceffaire d'une Monarchie conquérante: un luxe affreux dans la Capitale, la mifere dans les Provinces qui s'en éloignent, l'abondance aux extrêmités. Il en eft comme de

notre planette; le feu eft au centre, la verdure à la furface, une terre aride, froide & ftérile, entre les deux.

C'eft le deftin des héros, de fe ruiner à conquérir des Pays qu'ils perdent foudain, ou à foumettre des Nations qu'ils font obligés eux-mêmes de détruire; comme cet infenfé, qui fe confumoit a acheter des ftatues qu'il jettoit dans la mer, & des glaces qu'il brifoit auffi-tôt.

On peut définir le droit de conquê te, un droit néceffaire, légitime & malheureux, qui laiffe toujours à payer une dette immense, pour s'acquitter envers la nature humaine.

CHAPITRE XI.

Du Climat.

L'Empire du Climat eft le premier

de tous les Empires.

L'air froid augmente le reffort & la force des fibres. L'air chaud, au contraire, les relâche, & diminue leur ref fort. On a donc plus de vigueur dans · les climats froids. Cette force plus gran de doit produire bien des effets; par exemple, plus de confiance en foi-même, c'est-à-dire, plus de courage; plus de connoiffance de fa fupériorité, c'eft-à-dire, moins de defirs de la vengeance; plus d'opinion de fa sûreté c'est-à-dire, plus de franchise, moins de foupçons, de politiques & de rufes.

Comme on diftingue les climats par les degrés de latitude, on pourroit les diftinguer, pour ainfi dire, par les dégrés de fenfibilité. Dans les pays froids on aura peu de fenfibilité pour les plaifirs; elle fera plus grande dans les pays tempérés ; dans les pays chauds, elle fera extrême.

Dans les climats du Nord, à peine le phyfique de l'amour a-t-il la force de fe rendre bien fenfible; dans les climats tem

pérés, l'amour accompagné de mille acceffoires, fe rend agréable par des chofes qui d'abord femblent être lui-même, & ne font pas encore lui; dans les climats plus chauds, on aime l'amour pour luimême; il eft la caufe unique du bonheur, il eft la vie.

Vous trouverez dans les climats du Nord, des peuples qui ont peu devices', affez de vertu, beaucoup de fincérité & de franchife. Approchez des pays du Midi, vous croirez vous éloigner de la morale même. Dans les pays tempérés, vous verrez des peuples inconftans dans leurs manieres, dans leurs vices mêmes & dans leurs vertus: le climat n'y a pas une qualité affez déterminée pour les fr xer eux-mêmes.

Comme une bonne éducation eft plus néceffaire aux enfans qu'à ceux dont l'efprit eft dans fa maturité, de même les peuples des climats d'Orient ont plus befoin d'un Légiflateur fage, que les peu ples du nôtre. Plus on eft aifément & fortement frappé, plus il importe de l'être d'une maniere convenable, de ne recevoir pas des préjugés, & d'être conduit par la raifon.

Pour vaincre la pareffe du climat, il faudroit que les loix cherchaffent à ôter tous les moyens de vivre fans travail;

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