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Avant l'abbaiffement de la puiffance d'Espagne, les Catholiques étoient beaucoup plus forts que les Proteftans. Ces derniers font peu à-peu parvenus à un équilibre; & aujourd'hui la balance commence à l'emporter de leur côté : cette fupériorité augmentera tous les jours; les Proteftans deviendront plus riches & plus puiffans, & les Catholiques plus foibles.

Les Pays Proteftans doivent être & font réellement plus peuplés que les Catholiques; d'où il fuit que les tributs y font plus confidérables, que les terres y font mieux cultivées, enfin que le commerce y fleurit davantage, parce qu'il y a plus de gens qui ont une fortune à faire, & qu'avec plus de befoins, on y a plus de reffources pour les remplir.

Les Politiques Grecs qui vivoient dans le gouvernement populaire, ne reconnoiffoient d'autre force qui pût les foutenir, que celle de la vertu. Ceux d'aujourd'hui ne nous parlent que de manufactures, de commerce, de finan ces, de richeffes & de luxe même.

Les Loix Grecques & Romaines puniffoient le receleur du vol comme le voleur; la Loi Françoise fait de même. Celles là étoient raisonnables, celle-ci

ne l'eft pas. Chez les Grecs & chez les Romains, le voleur étoit condamné à une peine pécuniaire, il falloit punir le receleur de la même peine; car tout ce qui contribue de quelque façon que ce foit à un dommage, doit le réparer. Mais parmi nous la peine du vol étant capitale, on n'a pas pu, fans outrer les chofes, punir le receleur, comme le voleur.

La loi de Solon, qui déclaroit infâmes tous ceux qui dans une fédition ne prendroient aucun parti, a paru bien extraordinaire. Mais il faut faire attention aux circonftances dans lesquelles la Gréce fe trouvoit pour lors. Elle étoit partagée en de très-petits Etats. Il étoit à craindre que dans une République travaillée par des difcuffions civiles, les gens les plus prudens ne fe miffent à couvert, & que par-là les choses ne fuffent portées à l'extrémité.

Quand la Sageffe divine dit au peuple Juif:» Je vous ai donné des pré»ceptes qui ne font pas bons; « cela fignifie qu'ils n'avoient qu'une bonté relative; ce qui eft l'éponge de toutes les difficultés que l'on peut faire fur les loix de Moïfe.

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» Quand ton frere, ou ton fils, ou ta femme bien-aimée, ou ton mari

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diront en

qui eft comme ton ame, fecret: Allons à d'autres Dieux, tu les lapideras. Cette loi du Lévitique ne peut être une Loi Civile chez la plupart des Peuples que nous connoiffons, parce qu'elle y ouvriroit la porte à tous, les crimes.

La preuve par le combat fingulier, ufitée parmi nos Peres, avoit quelque raifon fondée fur l'expérience. Dans une Nation uniquement guerriere, la poltronerie fuppofe d'autres vices. Elle prouve qu'on a réfifté à l'éducation qu'on a reçue; elle fait voir qu'on ne craint pas le mépris des hommes, & qu'on ne fait point de cas de leur eftime: pour peu qu'on foit bien né, on n'y manquera pas de l'adreffe qui doit s'allier avec la force, ni de la force qui doit concourir avec le courage. Dans une Nation guerriere, où la force, le courage & la proueffe font en honneur, les crimes véritablement odieux font ceux qui naiffent de la fourberie, de la finesse & de la rufe, c'est-à-dire, de la poltronerie.

Quant à la preuve par le feu, après que l'accufé avoit mis la main fur un fer chaud, ou dans l'eau bouillante, on enveloppoit la main dans un fac que l'on cachetoit: fi trois jours après il ne pa roiffoit pas de marque de brûlure, on

étoit déclaré innocent. Qui ne voit que chez un peuple exercé à manier des armes, la peau rude & calleuse ne devoit pas recevoir affez l'impreffion du fer chaud ou de l'eau bouillante, pour qu'il y parût trois jours après ? Et s'il y paroiffoit, c'étoit une marque que celui qui faifoit l'épreuve, étoit efféminé. Or dans les circonftances des temps où ces fortes de preuves étoient en ufage, il y eut un tel accord de ces loix avec les mœurs, que ces loix produifirent moins d'injustices, qu'elles ne furent injuftes.

Il y a à préfent dans le monde une République qui dans le fecret & dans le filence augmente fes forces chaque jour. Si elle parvient jamais à l'état de grandeur où fa fageffe la deftine, elle changera néceffairement fes Loix, & ce ne fera point l'ouvrage d'un Législateur, mais celui de la corruption même.

On dit qu'il y a un Prince dans le monde qui travaille à abolir dans fes Etats le Gouvernement Civil, pour y établir le Gouvernement Militaire. Sans faire des réflexions odieufes fur ce deffein, on peut dire feulement, que par la nature des chofes, deux cent Gardes peuvent mettre la vie d'un Prince en fûreté, & non pas quatre-vingt mille; outre qu'un

Peuple armé est plus dangéreufement opprimé, qu'un Peuple qui ne l'eft pas. Le Roi de France eft le plus puiffant Prince de l'Europe. Il n'a point de mines d'or comme le Roi d'Efpagne fon voifin; mais il a plus de richelles que lui, parce qu'il les tire de la vanité de fes fujets, plus inépuifable que les mines.

Une maladie nouvelle s'eft répandue en Europe. Elle a faifi les Princes & leur fait entretenir un nombre défordonné de troupes. Elle a fes redoublemens, & elle devient néceffairement contagieufe. Car fitôt qu'un Etat augmente ce qu'il appelle fes troupes, les autres foudain augmentent les leurs, de façon qu'on ne gagne rien par-là que la ruine commune; & on nomme paix cet état d'effort de tous contre tous. Nous fommes pauvres avec les richeffes & le commerce de tout l'Univers; & bientôt à force d'avoir des foldats, nous n'aurons plus que des foldats.

Chez les Germains il y avoit des Vaffaux, & non pas des Fiefs. Il n'y avoit point de Fiefs, parce que les Princes n'avoient point de terres à donner. Il y avoit des vaffaux, parce qu'il y avoit des hommes fidèles, liés par leurs parole & engagés pour laguerre

Il n'eft pas vrai que les Francs entrant

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