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PRÉFACE.

Je ne m'excuserai pas de ne donner qu'aujourd'hui la première partie d'un cours, dont la fin a paru depuis long-temps. Si cette fin est oubliée, mes explications seraient fort inutiles; si elle ne l'est pas, je suis encore à temps pour la compléter, et pour y joindre ce qui en fait un ouvrage.

Ces leçons, prononcées avant d'être écrites, ont immédiatement précédé l'épo

que où la présence de deux professeurs célèbres vint tout à coup répandre tant d'éclat sur l'enseignement de la Faculté des lettres de Paris. Je profitai alors de cet éclat, et de la curiosité croissante qu'excitaient deux rares talents, dont l'un marquait déjà le rang élevé qu'il devait prendre dans la politique. A la nombreuse jeunesse qui m'écoutait vint se mêler une foule nouvelle, à la publicité de la parole celle de la presse. Cette publicité, fort redoutable, quand elle est continue, me prit où j'en étais de mon cours; et, pendant deux ans et demi, nos leçons, imprimées chaque semaine, à mesure qu'elles étaient dites, furent connues en France et au dehors.

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On juge bien que cet effort, et toutes les études qu'il exige ne me laissaient guère le loisir de revoir mes travaux précédents, et de les réunir à ma tâche de chaque jour. C'était beaucoup pour moi de suffire à celleci, et de suivre d'un pas inégal mes deux savants collègues.

J'achevai ainsi tout d'une haleine cinq

volumes qu'on a lus, et dans lesquels, après avoir terminé le tableau du dix-huitième siècle, j'entreprenais sur le moyen áge une nouvelle étude de littérature comparée, que j'ai conduite jusqu'au quinzième siècle.

De bien grandes choses survinrent alors, qui dérangeaient les recherches paisibles, et laissaient peu d'attention pour y songer. De graves devoirs me furent imposés, et à plusieurs reprises m'occupèrent tout entier, sans célébrité, mais avec honneur. C'est après ces devoirs publics, et à travers de douloureuses diversions de ma vie, que j'ai pu reprendre un travail qui se liait à ma première carrière, et que j'avais besoin de finir, pour la continuer.

J'avais les matériaux et les essais improvisés de ce travail exactement recueillis : je les ai revus avec soin, corrigés souvent pour le fond, abrégés pour la forme, conservant surtout ce qui, dans ces années de préoccupation studieuse, m'avait été inspiré par mon jeune auditoire. Si quid est in libellis meis quod placeat, dictavit auditor.

La partie du cours de 1828 qui me restait ainsi à publier était précisément la plus importante de mon sujet : c'était la grande moitié littéraire du dix-huitième siècle ; c'était l'époque même de création et de génie, dont plus tard je décrivis le déclin, et la transformation puissante. Cette première époque, qui gardera toujours une si haute place dans les annales de l'intelligence, je devais l'exposer avec étendue. Au point de perspective où les esprits se trouvaient déjà placés, elle n'était plus matière de controverse, mais d'histoire.

Vingt ans auparavant, à l'issue de la révolution, au commencement de l'empire, le débat contradictoire sur la littérature du dix-huitième siècle avait été une dernière arène laissée à demi ouverte par la main qui fermait toutes les autres. Là, s'étaient donné rendez-vous tous les procès d'opinion que traîne à sa suite un grand changement social; et, comme il n'y avait plus de politique ailleurs, il y en avait eu beaucoup dans la critique littéraire. De remar

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