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la reine est morte samedi. Qu'est-ce que ce monde? et. comme la fortune se raille de nous!..... J'ai perdu tout par la mort de la reine, excepté mon courage. Les Wighs sont un tas de Jacobites; ce sera le cri public dans un mois, si vous le voulez.

Malgré tout ce que Bolingbroke espérait des fascinations de son malicieux ami, celui-ci ne revint pas, et s'enveloppa dans sa riche préhende. Tombé du ministère, Bolingbroke fut alors poursuivi et décrété pour la chose même qu'il avait souhaitée, plutôt qu'entreprise. Sa fuite le sauva, tandis qu'on accusait son rival, Oxford, d'avoir été son complice, et Prior de les avoir servis tous deux. La littérature se tut dans ce conflit.

Georges Ier monta sur le trône; les Wighs s'établirent au pouvoir; et l'auteur de Caton devint ministre d'Etat.

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SEPTIÈME LEÇON.

Résumé sur Addison. Génie de Pope. Retour de Bolingbroke en Angleterre. - Réunion des trois amis.— Nouveaux écrits de Swift.-Séjour prolongé de Voltaire à Londres.-Ses études; impressions qu'il dut recevoir. — Poésie anglaise appliquée aux sciences naturelles et à la métaphysique.-Pompe funèbre de Newton, et hymne à sa louange. Retour de Voltaire en France.

MESSIEURS,

Addison, et j'en ai bien du regret, fut un très-médiocre ministre d'Etat. Cet esprit élégant, qui jugeait si finement les partis, manquait tout-à-fait de force et d'assurance pour les combattre en face, dans une assemblée. Membre de la Chambre des Communes, Addison essaya vainement d'ouvrir la bouche sur un bill en discussion; il ne put jamais achever sa pre

mière période, et resta muet devant une plaisanterie de l'opposition. Il paraît que son goût sévère et circonspect, son purisme de diction ne le servaient pas mieux dans le cabinet qu'au parlement. Il ne pouvait se résoudre à signer, sans les refaire, des lettres de bureau; et quoique les hommes d'Etat anglais en soient moins chargés que les nôtres, rien ne s'expédiait dans son ministère. Ajoutez qu'Addison, homme d'étude avant tout, et ambitieux seulement parce qu'il était vain, manquait de cette déci sion de caractère et d'esprit que demandent surtout les affaires, et sans laquelle un homme ne compte pas en politique. Sa grande réputation littéraire, et sa fidélité à son parti l'avaient porté au gouvernement; mais elles l'y laissèrent incapable.

Il le sentit bientôt lui-même; et au bout d'un an, il se retira du ministère avec une pension de 1600 guinées. Il donna pour motif sa mauvaise santé. Addison, d'un caractère inquiet et jaloux, malgré ses principes sévèrement religieux, paraît avoir été toute sa vie victime de son amour-propre. Pour donner un appui à sa fortune politique, il avait long-temps recherché la main de la comtesse de Warwick, douairière de haute naissance et d'humeur difficile, dont il

avait, dans sa jeunesse, élevé le fils. Cette union inégale ne fut pas heureuse. Humilié dans sa famille, comme au parlement, le philosophe qui avait écrit tant de piquantes et sévères censures des faiblesses humaines, mourut de langueur et de chagrin à quarante-huit ans.

Sa réputation poétique lui a peu survécu; il n'était pas fait pour les grands ouvrages, et n'avait pas les hautes parties du génie littéraire. Mais sa prose vivra dans la langue anglaise, par la correction facile, la pureté, l'élégance. Les peintures générales de mœurs, les caractères originaux, enfin les fragmens de critique jetés par lui dans le Spectateur, n'ont jamais été surpassés, malgré tant d'essais semblables : c'est le style anglais dans sa perfection. Goldsmith en Irlande, Francklin en Amérique l'ont pris pour modèle. Sans doute, depuis Addison, la critique littéraire est devenue plus métaphysique, plus raffinée, plus savante; elle a pris le beau nom d'esthétique. Mais a-t-elle rien fait de préférable aux gracieux et élégans chapitres du Spectateur sur l'imagination? Le style anglais est devenu tour à tour plus méthodique, ou plus hardi. Blair, à la fin du dernier siècle, rapprochant sa phrase de la logique rigoureuse de Con dillac, trouvait beaucoup à reprendre dans la

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