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NOTES.

LIVRE PREMIER.

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Maintenant, me dit Eugène, en m'entraînant << dans les détours sinueux de rues étroites, je vais vous <«< conduire devant le monument le plus honorable et le «< plus glorieux pour la ville de Rouen. Regardez >> continua-t-il en me plaçant devant une maison de fort médiocre apparence, et dont le rez-de-chaussée est occupé par la boutique d'un serrurier. Je regardai, et je fus effectivement saisi d'un sentiment voisin de l'adoration, en lisant sur un marbre placé au-dessus de la porte de ce modeste asile, ces seuls mots :

PIERRE CORNEILLE

EST NÉ DANS CETTE MAISON
EN 1606.

« J'ai vu la chambre où retentirent les premiers vagissemens de cet homme qui devait faire entendre sur la scène française de si mâles et de si nobles accens. La cheminée, les croisées, les portes, tout a été religieusement conservé. Seulement on remarque çà et là quelques légères traces des enlèvemens que des pèlerins enthousiastes ont faits aux lieux qui ont vu naître Corneille. M. Lefoyer, qui occupe cette

maison ou plutôt ce temple, se montre digne de veiller sur un aussi précieux héritage. Il a plusieurs fois résisté aux offres les plus séduisantes plutôt que de se laisser dépouiller de rien de ce qui pouvait rappeler Corneille. C'est à ses frais qu'a été placé sur la porte le buste en plâtre de l'auteur du CID. A Rome, à Athènes, on lui eût élevé, aux frais de l'État, une statue de marbre de Paros : autre temps, autres peuples, autres statues.

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« Il paraît que l'on a pensé à Rouen que la gloire de Corneille n'avait pas besoin d'être consacrée par des monumens plus périssablés qu'elle; aussi en chercherait-on vainement un seul dans son enceinte qui rappelât le père de la scène française. C'est une omission que j'engage les Rouennais à réparer plutôt dans l'intérêt de leur propre gloire que de celle de leur immortel compatriote 1.

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« Pour arrêter ou pour cacher les ravages du temps, poursuivit Eugène, il a fallu recrépir l'extérieur de cette maison, ce qui lui a donné une apparence moderne qui <«< ôte quelque charme à mes yeux. Je l'ai vue telle qu'elle «< était du temps de Corneille, avec ses colombes en croix, «<et cet aspect de vétusté ajoutait encore quelque chose à « ma vénération. »

« Heureusement qu'avant d'entreprendre ces indispensables réparations, on a eu soin d'en faire faire un dessin que M. Lefoyer nous a communiqué avec la plus complaisante prévenance... Quant à l'intérieur de la maison, surtout à la chambre où est né Corneille, qui est située au

1. Nous lisons avec plaisir l'article suivant dans l'Observateur des BeauxArts du 26 avril 1829: « La Société libre d'Émulation de Rouen a entendu récemment un rapport où une commission nommée ad hoc a proposé les moyens à employer pour parvenir à ériger un monument à Corneille dans le lieu de la naissance de ce grand homme. Ce projet trouvera, sans doute, beaucoup de partisans chez les Rouennais. >>

second étage, on y retrouve encore cette empreinte du vieux temps si propre à réveiller les souvenirs.

« On prétend que c'est dans la maison voisine qu'est né Thomas Corneilie; mais aucune inscription ne l'annonce, soit que l'on n'ait pas regardé ce fait comme suffisamment prouvé, soit, plus vraisemblablement, que l'on n'ait pas trouvé Thomas digne de cette distinction.

<< Corneille est né rue de la Pie : l'occasion de changer ce nom ridicule était belle, on n'en a pas profité. Un marbre semblable à celui qui est placé sur la maison du père de la scène française décore celle où est né Fontenelle dans la rue des Bons-Enfans, no 134. On y lit également le nom de l'auteur des Mondes, et la date de sa naissance. » (Extrait de l'Hermite en Province, par M. de Jouy, tome vii, page 214 et suiv.; Paris, Pillet, 1824.)

M. P.-A. Corneille a démontré d'une manière irrécusable dans son Rapport sur le jour de la naissance de Pierre Corneille, et sur la maison où il est né (Rouen, Baudry, 1829, in-8°), que Pierre Corneille était né dans cette maison, et son frère Thomas dans la maison contiguë. Cette dernière, qui est demeurée à peu près intacte, fut vendue par contrat passé le 30 octobre 1686, où figurait Le Bouyer de Fontenelle, comme mandataire de son beaufrère, moyennant 7750 livres '.

(2) Une ordonnance de 1539 voulait que l'on énonçât sur les actes de baptême, le jour précis de la naissance, en mettant: né d'avant-hier, né d'hier, né d'aujourd'hui. Mais elle n'était pas toujours observée ; il paraît même qu'à cette époque, à Rouen, elle ne l'était presque jamais. Voici l'acte de baptême de Corneille, inscrit sur les registres de la paroisse de Saint-Sauveur, de Rouen, pour l'an 1606:

1. Ce dernier renseignement nous a été fourni par M. P. A. Corneille.

« Le neuvième jour de juin 1606, Pierre, fils de « M. Pierre Corneille, a été baptisé; le parrain, mon<«<sieur Pierre Le Pesant, secrétaire du roi, et Barbe « Houel. >>

Plusieurs écrivains ont donc pensé que Corneille avait vu le jour le 9 juin. Mais quelque nombreux qu'ils soient, leur opinion ou plutôt leur conjecture ne saurait être opposée à l'autorité de la notice nécrologique qui lui est consacrée dans le Mercure galant d'octobre 1684, journal à la rédaction duquel Thomas Corneille prenait part, et surtout au témoignage formel de celui-ci qui avait plus d'une fois sans doute fèté l'anniversaire de son frère, et qui dit dans son Dictionnaire universel, géographique et historique, au mot ROUEN : « La même ville a été la patrie du fameux Pierre Corneille qu'on nomme ordinairement le grand Corneille, né le 6 juin 1606. Il mourut le dimanche

tobre 1684. >>

1er jour d'oc

La Société d'Émulation et l'Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen ont, l'une en 1826, l'autre en 1827, nommé une commission pour résoudre cette question de date. M. P.-A. Corneille, membre de la première, en fut, par un sentiment qu'on appréciera, nommé rapporteur. M, Hoüel fut chargé par la seconde des mêmes fonctions. Après des investigations scrupuleuses, les deux commissions se sont prononcées pour la date du 6 juin. (Dissertation sur la date de la naissance du grand Corneille, signée P. Corneille, in-8°, (Rouen, 1826), et Rapport sur la date de la naissance de P. Corneille, par M. Hoüel, Rouen, 1828, in-8°.)

Pierre Le Pesant, secrétaire du roi, parrain de Corneille, était son grand-père maternel.

Barbe Hoüel, sa marraine, était fille de Jean Hoüel, sieur

de Vatteville (près de Caudebec), et avait épousé Pierre Corneille, conseiller référendaire à la chancellerie de Normandie, qui vendit sa charge en 1587, et mourut vers 1 De leur mariage étaient nés :

1588.

1° Jeanne, baptisée le 16 septembre 1571, religieuse. 2o Pierre, l'aîné, père de notre auteur, présumé né en 1572 ou 1574; anobli par lettres du mois de janvier 1637, enregistrées le 24 mars de la même année, mort le 12 février 1639. Sa veuve, Marthe Le Pesant de Boisguilbert', mère du grand Corneille, vivait encore, d'après des actes de famille, en 1646, mais, selon la même autorité, elle était morte en 1658.

3o Antoine, présumé né en 1577, curé de Sainte-Mariedes-Champs, près d'Yvetot.

4° Barbe, baptisée le 16 mars 1578.

5° Richard, baptisé le 2 février 1580; mort jeune.

6o Guillaume, baptisé le 5 mars 1581.

7° Françoise, baptisée le 23 juillet 1583, morte le 6 novembre 1601.

8 François, baptisé le 19 janvier 1585. C'est de lui que descendait mademoiselle Corneille mariée par Voltaire.

Pierre Corneille l'aîné et Marthe Le Pesant de Boisguilbert, père et mère de Corneille, eurent de leur mariage : 1° Pierre Corneille (le grand), baptisé le 6 juin 1606.

1. On trouve souvent le nom de cette famille écrit d'une manière peu uniforme. On voit tantôt Le Pesant, tantôt Le Paysant, tantôt de Bois-Guilbert, tantôt de Bois-Guillebert.

Pierre Le Pesant de Bois-Guilbert, lieutenant-général au bailliage de Rouen, mort en 1714, est auteur de plusieurs ouvrages historiques.

Bois-Guilbert (Jean-Pierre-Adrien-Augustin Le Pesant de), qu'on regarde comme petit-neveu de la mère de Corneille, est auteur d'un Poème sur la sédition d'Antioche, couronné par l'académie de l'Immaculée Conception de Rouen, en 1769; imprimé en 1770, in-8.

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