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X L I.

Des pygmées et des géans.

DISONS un petit mot des pygmées et des géans. Quant aux races des géans, vous ne prouvez leur exiftence, conftatée dans l'Ecriture, que par les Patagons; et vous niez celle des pygmées, quoiqu'elle foit énoncée dans Ezechiel. Cependant vous avouez fans difficulté que les anciens pygmées qui combattirent contre les grues, avaient un pied et demi de roi de hauteur. Et vous ne voulez pas que les gamadim, les pygmées d'Ezechiel qui combattirent à Tyr, comme tout le monde le fait, fussent de la même taille! N'eft-ce pas avoir deux poids et deux mefures? Il y a des gens qui prétendent que lorsqu'on dispute sur un peuple d'un pied et demi de haut, on pourrait bien avoir un pied de nez.

XLII.

Des types et des paraboles.

Vous répétez ce que mon ami a dit cent fois, que les anciens s'expliquaient non-feulement en paraboles, (ƒ) mais auffi en actions,

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(ƒ) Voyez le chap. XLIII de la Philofophie de l'hiftoire, si vous voulez.

en types figuratifs; vous répétez précisément les exemples qu'il en rapporte; les pavots dont Tarquin abattit la tête, pour fignifier qu'il fallait détruire les grands feigneurs gabiens; le préfent de cinq flèches, d'une fouris, d'un moineau et d'une grenouille, fait par un roi de Scythie aupremier des Darius, pour l'avertir de craindre les flèches des Scythes, et de s'enfuir, comme une fouris ou un moineau, au plus vîte; et les chaînes dont le prophète Jérémie fe lie, pour engager les Ifraélites à fe laiffer lier par Nabuchodonofor; la proftituée à laquelle le prophète Ozée fait trois enfans, et la femme adultère à laquelle il en fait d'autres, pour reprocher aux Ifraélites qu'ils ont forniqué avec les nations; Ezechiel couché trois cents quatre-vingt-dix jours fur le côté gauche, et mangeant fon pain couvert d'excrémens, exprès pour avertir ses compatriotes qu'ils mangeront leur pain fouillé parmi les nations, &c.

Il y a chez tous les peuples mille exemples de ces emblèmes, de ces figures, de ces allégories, de ce langage typique. (g) Il ne faut pas l'outrer; Cicéron nous en avertit: Verecunda debet effe tranflatio.

(g) Vous êtes de bien mauvaise humeur, Meffieurs, et votre indignor eft bien mal appliqué. Lifez feulement le Commentaire de Calmet, vous verrez que tout cela fut fait réellement; que c'était à la fois un fait et un type, et qu'il fallait bien que le pain d'Ezechiel fût fouillé pour être la figure d'un pain fouillé. C'est à moi de dire indignor.

Mon ami a remarqué que des moines languedociens avaient écrit fous le portrait du pape-Innocent III, qui avait maudit les sujets du comte de Touloufe: Tu es innocent de la malédiction.

Il obferve auffi qu'on trouva les minimes prédits dans la Genèfe: Frater nofter minimus, notre frère le minime.

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De grands-hommes même ont abufé quelquefois de ce langage tropologique-mystiquetypique. St Auguflin, dans fon fermon 41, s'exprime ainfi Le nombre dix fignifie " justice et béatitude résultante de la créature " qui eft fept avec la Trinité qui fait trois: " c'eft pourquoi les commandemens de DIEU " font dix. (h) Le nombre onze eft le péché, " parce qu'il tranfgreffe dix. Le nombre foi

xante-dix-fept eft le produit du péché qui " multiplie dix par fept; car le nombre fept " est le symbole de la créature. '9

C'eft ainfi que St Auguftin, daignant employer ces idées pythagoriciennes pour combattre les gentils avec leurs propres armes,

(h) Dans le Shafta, ancien ouvrage des anciens brachmanes, qui, felon M. Holwell et Dow fut écrit il y a près de cinquante fiècles, ce font les péchés mortels qui font au nombre de dix, et la veru eft peinte avec dix bras pour les combattre. C'est cette image de la vertu que les miffionnaires ont prise pour l'image du diable.

dit dans fon fermon 53,,, que les trois dimen,,fions de la matière font, la largeur qui eft la ,, dilatation du cœur, la longueur qui eft la "perfévérance, et la hauteur qui est l'espoir ,, de la félicité. "

Mon ami obferve encore (obfervez bien ceci vous-même, Monfieur ou Meffieurs,) que ce mauvais goût auquel St Augustin s'abandonna quelquefois, ne déroba rien à son éloquence, à fon jugement folide, et furtout à sa piété. Oui, mes chers juifs, tout a été type, emblême, figure, prédiction dans vos aventures, vous êtes types vous-mêmes. Vous êtes nos précurfeurs; mais le ferviteur qui porte le flambeau, et qui marche devant fon maître, ne doit pas fe croire fupérieur à lui.

XLIII.

Des gens qui vont tout nus.

Vous revenez encore à nous dire qu'un voyant, (*) un nabi très-recommandable, ne prêcha point tout nu, mais qu'il était en vefte. Et je reviens à vous dire qu'il prêcha tout nu, que c'était un prodige, un type: Comme mon ferviteur a marché tout nu et fans fouliers pour un type et un prodige fur l'Egypte et fur l'Ethiopie, (*) Ifaïe.

ainfi le roi des Affyriens emmenera captifs d'Egypte et d'Ethiopie, jeunes et vieux, nus, déchaux, feffes découvertes. En effet fi le voyant avait marché et prêché en vefte, où aurait été le prodige extraordinaire, le type?

que

Vous ajoutez que l'anglais Tyndal a prétendu David avait danfé tout nu devant l'arche. Je n'ai point lu Tyndal ; je le condamne s'il l'a dit; car David en danfant portait un ephod de lin, une espèce de camifole de linge; il est vrai qu'il n'avait point de culottes : les Juifs n'en portaient point. Il eft vrai auffi que Michol fa femme lui reprocha d'avoir, en danfant, montré tout ce qu'il portait aux fervantes, en fe mettant tout nu comme un bouffon; et que David lui répondit: Oui, je danferai, et j'en ferai plus glorieux devant les fervantes. II. Rois, chap. VI. Cela peut faire croire qu'il relevait trop haut fa tunique en danfant, mais non pas qu'il s'était mis abfolument nu. C'est fur quoi, Monfieur, je vous demande la permiffion de répéter ce que j'ai dit fouvent d'après mon ami; car vous favez que j'aime à me répéter: faut-il fe harpailler, fe quereller, s'injurier, fe poursuivre pour décider fi un certain homme avait des culottes il y a deux mille huit cents vingt-cinq années, felon Denys le petit ?

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