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meurt fur le champ, à moins qu'il n'ait " dans fa main une racine de la même plante; " à cette racine on attache un chien, qui, en " voulant fe débarraffer, arrache la plante et ,, meurt auffitôt. Après cela on peut manier

le barat fans péril. C'eft avec cette plante " qu'on chaffe les démons infailliblement.",

Cette recette était fi commune du temps de la personne infiniment respectable, dont il faut bien que je vous parle malgré vous, que cette perfonne convient elle-même de l'efficacité du barat, et avoue que vous avez le pouvoir de chaffer les diables.

Vous devez favoir qu'il y avait beaucoup de maladies diaboliques qu'on appelait facrées chez prefque toutes les nations, et que l'on croyait guérir avec des exorcifmes; telles étaient l'épilepfie, la catalepfie, les écrouelles. L'impuiffance qu'on appelait la maladie des Scythes était furtout caufée par des efprits malins qu'on exorcisait, c'est ce qu'on voit dans Pétrone, dans Apulée. Et il faut vous dire, mes chers juifs, que tous ces faux exorcifmes ont enfin cédé à la puiffance des nôtres qui font les feuls véritables. Je fuis fâché de vous dire des chofes fi dures; mais c'est vous qui m'y forcez.

X X X VII I.

Des ferpens enchantés.

Vous parlez d'enchanter les ferpens. Vraiment, Monfieur, rien n'eft plus commun: mon intime ami rapporte lui-même le certificat d'un fameux chirurgien d'un village assez voisin de fon château. Voici ce certificat: Je certifie que j'ai tué en diverfes fois plufieurs ferpens en mouillant un peu avec ma falive un bâton ou une pierre, en donnant un petit coup fur le milieu du corps du ferpent. 19 janvier 1772.

FIGUIER chirurgien.

Il faut croire que ce chirurgien enchante les ferpens avec fa falive. C'était l'opinion des anciens phyficiens. Lucrèce dit dans fon quatrième livre :

Eft utique ut ferpens hominis contacta falivâ,
Difperit ac fefe mordendo conficit ipfa.

Crachez fur un ferpent, fa force l'abandonne;
Il fe mange lui-même, il fe dévore, il meurt.

Des incrédules foupçonneront que mon chirurgien donnait à ces ferpens de grands coups de pierre ou de bâton, qui avaient plus de part à la mort du reptile que le crachat de

l'homme.

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l'homme. Mais enfin, Virgile, qui paffe encore à Naples pour un grand forcier, dit en termes exprès :

Frigidus in pratis cantando rumpitur anguis.

Ce qui a été ainfi rendu en françois ou en français par M. Perrin:

Chantez dans votre pré, les ferpens crèveront.

Vous êtes perfuadé que les fauvages d'Amérique charment les ferpens. Je le crois bien, Monfieur; les Juifs les charmaient auffi. Vous trouvez, dans le pfaume LVII; le ferpent l'afpic fourd qui se bouche les oreilles pour ne pas entendre la voix de l'enchanteur. Jérémie, dans fon chapitre VIII, menace les Juifs de leur envoyer des ferpens dangereux contre lefquels les enchantémens ne pourront rien. L'Eccléfiafte, l'Eccléfiaftique rendent gloire à la puiffance des fages qui charment des ferpens. Je me joins à eux; j'ai dit à des gens : Je n'afpire pas jufqu'à vous charmer, mais je voudrais vous apaiser.

Mélanges hift. Tome II.

* G

Χ Χ Χ Ι Χ.

D'Edith femme de Loth.

Vous parlez de la femme à Loth transmuée en ftatue de fel; et je ne fais fi c'est pour Vous en moquer ou pour la plaindre. Oh ! que j'aime bien mieux Virgile quand il raconte le malheur d'Euridice!

Illa, quis et me, inquit, miferam et te perdidit, Orpheu!
Quis tantus furor! en iterum crudelia retrò
Fata vocant, conditque natantia lumina fomnus :
Jamque vale; feror ingenti circumdata nocte,
Invalidafque tibi tendens, heu non tua, palmas

Pouvez-vous affaiblir les miracles terribles opérés fur cette femme infortunée, fur tous fes compatriotes jeunes et vieux, enivrés de la fureur de violer deux anges; et quels anges! en nous racontant froidement, d'après je ne fais quel Heidegger, que des paysans furent changés en ftatues eux et leurs vaches, vous ne dites pas en quel pays? J'avoue que le malheur d'Edith femme de Loth excite ma compaffion; mais en vérité, Monfieur, vous me faites compaffion auffi. Vous ne croyez pas à St Irénée qui prétend que la femme à Loth a

confervé fes ordinaires, fes menftrues dans fon fel! vous contredites un faint! Il eft clair pourtant que les menftrues, dont on a tant parlé, ne font pas plus prodigieufes que la métamorphofe en ftatue. Je vous prie de vous fouvenir que mon ami vous a toujours regardé comme un peuple à prodiges, et qu'un miracle ne coûte pas plus qu'un autre au maître de la

nature.

X L.

De Nabuchodonofor.

Vous foutenez que Nabuchodonofor ne fut pas métamorphofé en boeuf, mais en aigle. Cependant il eft dit dans Daniel : Il brouta l'herbe en bœuf. J'avoue que Daniel dit auffi que fes cheveux reffemblèrent à des plumes. d'aigles, encore le mot de plumes n'est pas dans le texte. Hé bien, Monfieur, faut-il fe fâcher pour cela ? concilions-nous, difons qu'il fut changé en aigle-bœuf. C'est un animal auffi rare que le dragon de l'empereur de la Chine, et que l'aigle à deux têtes. Je ne prends la liberté de railler qu'avec vous qui raillez continuellement avec mon ami. Je révère le texte fur lequel vous et moi pourrions nous tromper; et ce n'eft certainement pas avec le texte que nous oferions badiner.

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