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échappatoire. Je ne me soucie ni de Martin ni de Capelle; je m'en tiens au texte, en qui je crois plus qu'en eux. Jephté lui fit comme il avait voué. Et qu'avait-il voué? la mort.

X X X V.

Le roi Agag coupé en morceaux.

Il y avait donc chez les Juifs des facrifices de fang humain, et celui-là eft bien conftaté. Vous voulez donner un autre nom à la mort du roi Agag; à la bonne heure. Nommez, fi vous voulez, cette aventure une violation exécrable du droit des gens, une action horrible, une action abominable. Elle eft rapportée par l'hiftorien des rois juifs, qui doit faire mention des crimes comme des bonnes actions. Mais remarquez bien en paffant qu'il y a une trèsgrande différence entre un livre qui contient la loi, et une fimple hiftoire. On ne fut pas obligé chez les Juifs de croire les chroniques, comme on fut obligé de croire le Décalogue. C'eft-là que fe font fourvoyés tant de braves commentateurs ; ils n'ont pas diftingué DIE U qui parle, et l'homme qui raconte.

Quoi qu'il en foit, j'avoue que je ne puis m'empêcher de voir un vrai facrifice dans la mort de ce bon roi Agag. Je dis d'abord qu'il

était bon; car il était gras comme un ortolan : et les médecins remarquent que les gens qui ont beaucoup d'embonpoint ont toujours l'humeur douce. Enfuite je dis qu'il fut facrifié, car d'abord il fut dévoué au Seigneur ; or, nous avons vu que ce qui a été dévoué ne peut être racheté, il faut qu'il meure. Je vois là une victime et un prêtre. Je vois Samuel qui fe met en prière avec Saül, qui fait amener entre eux deux le roi captif, et qui le coupe en morceaux, de fes propres mains. Si ce n'eft pas là un facrifice il n'y en a jamais eu. Oui, Monfieur, de fes propres mains: in frufta concidit eum. Le zèle lui mit l'épée à la main, dit le favant dom Calmet; il pouvait ajouter que le zèle donne des forces furnaturelles; car Samuel avait près de cent ans, et à cet âge on n'eft guère capable de mettre un roi en hachis. Il faut un furieux couperet de cuifine et un furieux bras. Je ne vous parle pas de l'insolence d'un aumônier de quartier qui coupe en morceaux un roi prifonnier que fon maître a mis à rançon, et qui allait payer cette rançon à ce maître. On a déjà dit que fi un chapelain de Charles-Quint en avait fait autant à François I, la chofe eût paru rare.

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Vous avez la cruauté, Monfieur ou Meffieurs, de calomnier ce pauvre roi Agag pour juftifier le cuifinier Samuel. Vous affurez

que c'était un tyran fanguinaire, parce que Samuel lui dit en le coupant par morceaux : comme ton épée a ravi des enfans à des mères, ainfi ta mère reftera fans enfans. Hélas! Monfieur, n'eft-ce pas ce que tant de héros de l'Iliade difent aux héros qu'ils tuent dans les combats? Le pieux Hector avait fait pleurer des mères grecques, Achille fit pleurer la mère d'Hector, lequel n'était point un tyran sanguinaire ? Ceffez de remuer la cendre du bon roi Agag, et de flétrir fa mémoire. C'est bien affez qu'il ait été haché menu par Samuel fils d'Elcana.

X X X V I.

Des prophètes.

PASSONS à une autre queftion. C'est une chose respectable fans doute que le don de prophétie; ce n'eft pas affez d'exalter fon ame, il faut une grace particulière. Je ne fais pas fi mon ami a dit que connaître l'avenir c'eft connaître ce qui n'eft pas : mais s'il l'a dit il a dit vrai. Vous répondez qu'on connaît le paffé, et que cependant le passé n'est pas. Voilà un plaifant fophifme; un homme auffi férieux que vous l'êtes peut-il fe jouer ainfi des mots ? faut-il qu'on vous dife que le paffé

eft dans la bouche de ceux qui ont écrit ? encore n'y eft-il guère. Mais où eft l'avenir, où le voit-on ? Mon ami a toujours révéré les prophètes, non pas tous; peut-être a-t-il eu quelque fcrupule fur la vifion qu'eut le prophète Michée quand DIEU, au milieu de tous fes anges, demanda qui d'eux voulait tromper Achab en fon nom, et le faire aller à Ramoth en Galaad, et que le prophète Sédėkia donna un grand foufflet au prophète Michée, en lui difant: Devine comment l'efprit a paffé de ma main fur ta joue? D'ailleurs mon ami croyait fermement aux prophéties, mais peu à Sédékia.

Monfieur, ou Meffieurs, vous écrivez fous le nom de fix juifs, et vous leur faites citer St Paul à propos des prophètes ? cela n'eft pas adroit.

X X X VII.

Des forciers et des poffedés.

Vos Juifs ont eu des magiciens, des poffédés, des exorciftes. Et quel peuple n'en a pas eu? lifez l'âne d'or d'Apulée. Vous voulez faire accroire que mon ami s'eft contredit quand il a prouvé que les Juifs furent longtemps fans connaître les anges et les diables,

de

et qu'ayant été faits enfuite esclaves ils connurent les anges et les diables de leurs maîtres. Ils furent même bientôt endiablés, poffédés, enforcelés. Or, quand on a des enforcelés chez foi, il faut bien qu'on les déforcelle. Lest Français mes voifins ont un joli opéra comique appelé les enforcelés ; il eft, je crois, M. Sedaine. Jeannot et Jeannette y font poffédés du diable, et à la fin ils font exorcifés, comme de raifon, et heureusement guéris. Les Juifs ayant donc fait connaiffance avec les diables, eurent le fecret de les chaffer. Ils firent des livres de Salomon, comme je vous l'ai dit; ils mirent de la racine barat ou barad dans le nez des poffédés, comme je vous l'ai dit encore. Permettez-moi d'ajouter qu'il faut avoir le diable au corps pour trouver de la contradiction dans les laborieufes recherches de mon ami.

Et vous, mes amis les juifs, relisez votre historien Jofephe au livre VII, chapitre XXIII de la guerre contre les Romains: Au nord

de la vallée de Macheron, au champ " nommé Barat, fe trouve une plante du " même nom qui reffemble à une flamme. "Elle jette le foir des rayons brillans, et fe "retire quand on la veut prendre. On ne " peut l'arrêter qu'avec de l'urine de femme, " ou avec fes malfemaines. Qui la touche

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