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poftérité, par quiconque a le loifir et la malignité de faire un livre contre nous. Mais heufement un ennemi littéraire vous intente un procès par écrit devant le tribunal de l'univers, foit dans une brochure, foit dans cinq ou fix tomes, cela eft lu par cinq ou fix personnes de l'un ou de l'autre parti, le reste de la terre. l'ignore; fans quoi les accufations graves, les injures mal déguifées fous un air de modération, les calomnies qu'on fe permet si souvent dans les difputes, pourraient avoir des fuites fâcheufes.

C'est donc devant un très-petit nombre de lecteurs oififs que je veux plaider la cause d'un homme horriblement accufé et bafoué, et qui n'a pas la force de fe défendre; et je la plaide aujourd'hui parce qu'elle fera oubliée demain. Je fuis l'ami du prévenu, je fuis avocat.

Voici le fait.

Un ancien profeffeur, dit-on, d'un collége de la rue Saint-Jacques à Paris, écrivit en 1771 une fatire contre un chrétien, fous le nom de trois juifs de Hollande; et il en a fait imprimer une autre à Paris en trois volumes affez épais en 1776, fous le nom de trois juifs de Portugal, demeurant en Hollande auprès d'Utrecht.

Voilà donc un chrétien contre fix juifs. Eft-ce Antiochus d'un côté, et de l'autre les

Machabées? La partie eft d'autant plus inégale que le favant profeffeur fe fert fouvent d'armes facrées, contre lefquelles je n'ai ni ne veux jamais avoir de bouclier.

Je vais répondre auffi difcrétement que je le pourrai aux accufations auxquelles on peut répondre, fans tomber dans le piége que nous a tendu monfieur le profeffeur juif.

Il a la cruauté d'imputer à sa victime je ne fais quelles brochures, les unes judaïques, les autres anti-judaïques, dont ce cher ami eft très-innocent. (a) Il expose un vieillard plus

(a) Vous lui imputez de faire lui-même une édition de fes ouvrages, il n'en a jamais fait aucune, Monfieur; ceux qui ont bien voulu en faire dernièrement, comme MM. Cramer, confeillers de Genève, et M. le bourgmeftre, M. le premier pafteur de Lausanne, fans le confulter, favent avec quelle indignité et quelle bêtife on les a contrefaites; vous avez du goût fans doute, et votre ftyle le prouve affez. La faction dont vous êtes s'eft toujours diftinguée par une manière d'écrire bien fupérieure au ftyle de collége, qui était celui de vos adverfaires. Daignez ouvrir le vingt-troifième tome de l'édition de Londres, imitée de celle de Lausanne, vous verrez plus de cinquante pièces de la bibliothèque bleue et des charniers SS. Innocens, entaffées avec une merveilleuse confiance depuis la page 229 jufqu'à la fin. Un éditeur famélique ramaffe toutes ces ordures pour achever un tome qui n'eft pas affez épais, et il donne hardiment fon édition en trente, en quarante volumes, que des curieux trompés, achètent, et qui pourrit dans leur bibliothèque; c'eft le nom de l'auteur qu'on a acheté, ce n'eft pas l'ouvrage. L'imprimeur, quel qu'il foit, a la hardieffe de mettre à la tête de chaque volume: Oeuvres complètes enrichies de notes, le tout revu et corrigé par l'auteur lui-même. Il y a une édition fous fon nom dans laquelle on a gliffé trois tomes entiers qui ne font pas de lui. Tel eft l'abus qui règne dans la librairie et dans prefque tous les genres de commerce. Il y a des vaiffeaux marchands; il y a des pirates. Le monde ne fubfifte que d'abus.

qu'octogénaire, couché déjà peut-être dans le lit de mort, à la barbarie de quelques perfécuteurs qu'il croit animer par fes délations calomnieuses; et c'eft en feignant de le ménager, en lui prodiguant des louanges ironiques, en l'appelant grand-homme, qu'il lui porte refpectueusement le poignard dans le cœur. Moi qui prends fon parti avec autant de candeur qu'il prit le parti de M. l'abbė Bazin son oncle, je conjure ce juif de ne me point combattre avec ces armes empoifonnées; je fais une guerre honnête : entrons en matière.

JE

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E me range d'abord fous l'étendard de faint Jérôme. J'invoque la lettre que ce grandhomme écrivit à Dardanus du petit village de Bethleem, où il habita fi long-temps; voici comme il parle de la Judée.

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LETTRE

DE SAINT JEROM E.

JE prie ceux qui prétendent que le peuple

›› juif prit poffeffion de ce pays après la fortie " d'Egypte, de nous faire voir ce que ce " peuple en a poffédé. Tout fon domaine ne

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", s'étend que depuis Dan jufqu'à Bersabé, ", c'est-à-dire l'espace de cent foixante milles ,, en longueur (environ cinquante - trois de nos lieues). J'ai honte d'exprimer la largeur de cette terre de promiffion; on ne " compte que quarante-fix milles (environ ,, dix-fept lieues) depuis Joppé jusqu'à Beth,, léem, après quoi on ne trouve plus qu'un ,, affreux défert habité par des barbares....

" Voilà donc, ô Juifs! l'étendue du pays " que vous vous vantez de pofféder, et dont " vous faites vanité parmi les nations qui ,, ne vous connaissent pas. Allez étaler cet orgueil chimérique aux ignorans; pour moi " qui vous connais à fond, je ne donne " point dans vos panneaux; cherchez vos dupes ailleurs.

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"Vous me direz peut-être que par la terre › de promiffion on doit entendre celle dont " Moïfe fait la defcription dans le livre des " Nombres. Il eft vrai que DIEU vous l'a " promise cette terre, mais il eft faux que › vous l'ayez jamais poffédée.... L'évangile " me promet la poffeffion du royaume des " cieux, dont il n'eft pas fait la moindre ,, mention dans vos écritures...

....

"Vous avez commis beaucoup de grands " crimes, ô Juifs! et vous êtes devenus efcla"ves de tous vos voisins, &c. &c. &c.,,

Après ce témoignage, mon ami a pu se permettre quelques petites libertés fur le peuple de DIEU, à l'exemple de St Jérôme. Mais quand il est allé trop loin, ce qu'il ne faut jamais faire, je l'en ai charitablement averti, et il en a demandé pardon à M. Pinto juif de Bordeaux, fort eftimé des chrétiens.

I I.

Du cadran d'Ezechias et de l'ombre qui recule, et de l'aftronomie juive.

la

LE fecrétaire chrétien des fix juifs accufe mon ami d'avoir dit que les anciens Hébreux, les gens d'au-delà, les paffagers (car c'eft ce qu'Hébreux fignifie) n'étaient pas fi favans en aftronomie que MM. Caffini, le Monier, Lande, Bailli, le Gentil, &c. (1) Je tiens qu'il a raifon ce qui m'induit à le croire, c'eft que je ne vois pas feulement le nom d'heure dans les cinq premiers livres confervés par ce peuple; aucune divifion du jour n'y eft jamais marquée. De la Genèfe aux Machabées il n'eft

(1) Le fecrétaire chrétien a cité, en faveur de la science des Juifs, l'autorité de Scaliger; il ignore que Scaliger, fort savant d'ailleurs, a eu le malheur de trouver la quadrature du cercle, qu'il nia la préceffion des équinoxes, et qu'il écrivit beaucoup d'injures contre le père Clavius, et beaucoup de bévues contre la réforme du calendrier.

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