Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

aujourd'hui expliquer certaines choses contradictoires ne ferait que ridicule.

XI V.

Qui a fait la cour à des boucs et à des chèvres?

PASSONS vîte aux fingularités hiftoriques dont il eft permis de parler. Vous êtes fâché contre mon ami de ce qu'il paffe, felon vous, pour avoir dit que vos grands-pères fefaient autrefois l'amour à des chèvres, et vos grand' mères à des boucs dans les déferts de Pharan, de Sin, d'Oreb, de Cadès-Barné, où l'on était fort défœuvré : la chofe eft très-vraifemblable, puifque cette galanterie est expressément défendue dans vos livres. On ne s'avife guère d'infliger la peine de mort pour une faute dans laquelle perfonne ne tombe; mais fi ces fantaifies ont été communes, il y a plus de trois mille ans, chez quelques-uns de vos ancêtres; il n'en peut rejaillir aucun opprobre fur leurs defcendans. Vous favez qu'on ne punit point les enfans pour les fottifes des pères, paffé la quatrième génération : de plus vous ne descendez point de ces mariages hétéroclites; et quand vous en defcendriez, perfonne ne devrait yous le reprocher.

On ne fe choifit point fon père ;
Par un reproche populaire

Le fage n'eft point abattu.

Songez que fous l'empire floriffant d'Augufte, qui fit régner les lois et les mœurs, à ce que dit Horace, les chèvres ne furent pas abfolument méprifées dans les campagnes : les boucs en étaient jaloux. Souvenez-vous du Novimus et qui te de Virgile; les nymphes en rirent, dit-il, et fi vous m'en croyez, vous en rirez auffi, au lieu de vous fâcher, comme M. Larcher du college Mazarin s'eft fâché contre le neveu de l'abbé Bazin, qui n'y entendait pas fineffe.

Le maréchal de la Feuillade écrivit un jour au prince de Monaco : Lafciamo queste porcherie horrende non ho mai fatto il peccato di beftialità che con la voftra altezza..

X V.

Des forciers.

JE ne fais jamais fi c'eft au juif, ou au fecrétaire de la rue Saint-Jacques, ou au savant d'un village près d'Utrecht, à qui j'ai l'honneur de parler. Quoi qu'il en foit, c'est toujours en général à Ifraël que mes réponses doivent être adreffées.

Ifraël prétend qu'on s'eft contredit quand on a parlé du sabbat des forciers. Il n'y a point de démonographe qui n'ait assuré que les forciers qui allaient au fabbat par les airs, fur un manche à balai, pour adorer le bouc, avaient reçu cette méthode des juifs, et que le mot fabbat en fefait foi.

ne

Vous dites que ceux qui font de cette opinion fe contredifent en ce qu'ils conviennent que les Juifs, avant la tranfmigration, connaissaient pas encore les noms des anges et des diables, et même n'admettaient point de diable; par conféquent ils ne pouvaient se donner au diable comme ont fait les forcières, et baiser le diable au derrière sous la figure du bouc.

Mais auffi, Meffieurs, ce n'eft que depuis votre difperfion que vous avez été accufés d'enfeigner la forcellerie aux vieilles. Ce font les anciens juifs du temps de Nabuchodonofor, du temps de Cyrus; les anciens juifs du temps de Titus, du temps d'Adrien, et non les anciens du temps de la fuite d'Egypte, qui coururent chez les nations vendre des filtres pour fe faire aimer, des paroles pour chaffer les mauvais génies, des onguens pour aller au fabbat en dormant ; et cent autres fciences de cette espèce.

Vous favez combien de livres de magie vos pères ont attribué à Salomon. Votre hiftorien

Flavien Jofephe en cite quelques-uns dans fon livre huitième; et il ajoute qu'il a vu lui-même opérer des guérifons miraculeufes avec ces recettes. Je puis vous affurer, Meffieurs, et tout ce qui m'entoure fait que plus d'un feigneur espagnol m'a écrit et fait écrire, pour céder la clavicule de Salomon, qu'on leur avait dit être en ma poffeffion. Il y a de vieilles erreurs qui durent bien long-temps: le genre-humain a obligation à ceux qui le détrompent.

Au refte, fi quelques pauvres femmes juives ont eu la bêtise de se croire forcières, et fi autrefois il s'en trouva qui eurent la faiblesse d'imiter Phillire et Pafiphaé, et de prodiguer leurs charmes à ceux qui font appelés les velus dans le Lévitique, que vous importe? cela ne doit pas plus vous intéreffer que les forcières des bords du Rhin, qui voulurent immoler les ambaffadeurs de Céfar, n'intéreffent aujourd'hui les très - aimables princeffes qui font l'honneur de ce pays.

X V I.

Silence refpectueux.

Vous exigez, Monfieur, que je vous dise pourquoi DIEU a donné plus de préceptes à Abraham qu'à Noi, et que je vous développe

fi DIEU ne peut pas donner de nouvelles lois fuivant les temps et les befoins. Je vous réponds que je ne suis ni affez fort ni assez hardi pour avoir un sentiment fur une question fi épineuse. Je crois que DIEU peut tout, et mon ami ne vous fera pas d'autre réponse.

Je pense que vous ne me répondriez pas davantage, fije vous demandais pourquoinonfeulement le nom de Noé, mais les noms de tous fes ancêtres ont été ignorés de la terre entière jufqu'à nos pères de l'Eglife. Pourquoi n'y a-t-il pas un feul auteur parmi les gentils qui ait jamais parlé d'Adam, le père du genre-humain, et de Noé fon reftaurateur ? Comment fe peut-il faire que dans une fi nombreuse famille il ne se soit pas trouvé un feul enfant qui fe foit fouvenu de fon grand-père, excepté vous? Pourquoi la Cosmogonie de Sanchoniathon, qui écrivait dans votre voifinage avant Moife, eft-elle absolument différente de celle de ce grand-homme? Vous savez tout ce qu'on peut dire parlez, Monfieur, car pour moi je ne dirai mot.

:

« PreviousContinue »