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faîte du temple et fur une montagne par l'ennemi de DIEU et des hommes; JESUS confondant d'un feul mot cet éternel ennemi qui ofait propofer à DIEU même d'adorer le Diable; JESUS, transfiguré sur le Thabor pour manifefter fa gloire à Moïse et à Elie, qui viennent du fein des morts recevoir fes leçons éternelles ; JESU s la fource de la vie, JESUS créateur du genre-humain, mourant pour le genre-humain; les morts reffufcitant quand il expire, et rempliffant les rues de Jérufalem; le foleil s'éclipfant en plein midi et en pleine lune à la confufion de tout toute la terre, par l'empire romain, affez aveugle pour négliger ce grand événement; le St Esprit descendant en langue de feu fur les apôtres, &c... Ces vrais miracles font affez nombreux, affez avérés. Des hommes infpirés les ont écrits; tout lecteur judicieux les apprécie; tout bon chrétien les adore.

Mais, c'était, nous ofons le dire, une impiété et une folie de vouloir foutenir ces prodiges, que DIE U daigna lui-même opérer en Judée, par des fables abfurdes, que des hommes inconnus ont inventées tant de fiècles après.

La perfonne illuftre qui étudia l'histoire avec nous, fut très-fcandalifée qu'un jéfuite, nommé Papebroke, prétendît avoir traduit un

manufcrit grec qui contenait le martyre de St Théodote cabaretier, et de fept vierges, âgées de foixante douze ans chacune, que le gouverneur de la ville d'Ancire condamna à livrer leur pucelage aux jeunes gens de la ville. Cette fentence portée contre ces sept vieilles, ou plutôt contre ces jeunes gens, était encore la plus fimple et la moins merveilleufe anecdote de toute cette aventure. La légende de ce faint cabaretier, et de fon ami le curé Fronton eft affez connue.

On arrache la langue à St Romain, qui était bègue, et auffitôt il parle avec la plus grande volubilité ; l'auteur, grand phyficien, remarque qu'il eft impoffible de vivre fans langue: ce qui rend le miracle plus beau.

Que dire de St Paulin qui, voyant un poffédé se promener la tête en-bas comme une mouche à la voûte d'une églife, envoya vîte chercher les reliques de St Félix de Nole? Dès qu'elles furent arrivées, le poffédé tomba par terre.

Eft-il poffible qu'on ait écrit férieusement que St Denis l'aréopagite, étant venu d'Athènes à Paris, fut pendu à Montmartre; qu'il prêcha du haut de la potence dès qu'il fut étranglé, et qu'enfuite il porta fa tête entre fes bras, dès qu'il eut le cou coupé ?

Nous pourrions citer trois morts, reffuscités en un jour par St Dominique; vingt - huit

aveugles, quatre poffédés, fix lépreux, trois fourds, trois muets guéris, et quatre morts reffuscités, le tout par St Victor.

St Maclou, preflé de reflusciter un mort, répond: Qu'il attende que j'aie dit ma messe. La mefle finie, il le reffufcite: le mort demande à boire; foudain St Maclou change de l'eau en vin, un caillou en gobelet, un balai en ferviette. Le mort boit, et reconnaît que ces trois miracles sont en l'honneur de la Trinité. C'eft-là pourtant ce qu'écrivent les jéfuites Ribadénéira et Antoine Girard dans la vie des faints.

On a écrit, et depuis la renaissance des lettres on a imprimé plus de dix mille contes de cette force. Le bénédictin Ruinard nous en a donné de pareils dans fes prétendus Actes fincères, qui font évidemment du treizième fiècle, et tous écrits du même style. C'est-là qu'il renouvelle l'hiftoire du cabaretier Théodote, et de la langue de Romain.

On rendit à la raison et à la religion, le fervice de détruire ces fables: elles étaient encore fi accréditées qu'un jésuite, nommé Nonotte, prit leur défense, et fut même fecondé par quelques écrivains.

Plufieurs regardaient comme un article de foi l'apparition du labarum dans les nuées. Ils ne favaient fi c'était vers Befançon, ou

vers Troie, ou vers Rome, et fi l'infcription était en latin ou en grec; mais ils étaient sûrs de l'apparition.

Par quel excès de démence a-t-on écrit et répété fi fouvent, que dans l'année 287, au temps même que Dioclétien favorifait le plus notre fainte religion, lorsque les principaux officiers de fon palais étaient chrétiens, lorfque fa femme était chrétienne, cet empereur fit couper la tête à toute une légion, appelée thébaine, compofée de fix mille fept cents hommes, et cela parce qu'elle était chrétienne? Nous avions anéanti cette fable impertinente, attribuée à l'abbé Eucher, depuis évêque de Lyon, mort en 454, cent foixante-sept ans après cette aventure. Nous avions fait voir combien il était ridicule d'attribuer à cet évêque une rapfodie dans laquelle il est parlé, avant l'année quatre cents cinquante-quatre, du roi de Bourgogne Sigifmond, qui mourut en 523. Cette ineptie était affez fenfible. Nous avions prouvé qu'aucun auteur ne parla jamais d'une légion thébaine. Il y avait trois légions en Egypte; mais aucune n'était compofée d'habitans de Thèbes. Cette prétendue légion n'avait pu arriver d'Orient en Occident par le Velais, comme on le dit : elle n'avait pu être entourée de troupes, fupérieures en nombre, qui l'auraient égorgée dans le petit défilé

d'Agaune, où l'on ne peut ranger deux cents hommes en bataille, et où la moitié d'une cohorte aurait aifément arrêté toutes les légions de l'empire romain. Ce monftrueux amas de bêtifes méritait d'être développé; et il s'eft trouvé un Nonotte qui les a défendues comme fon bien propre. Il a intitulé fon livre nos erreurs, et il a trouvé des dévotes qui l'ont cru fur fa parole.

ARTICLE VI I.

De David, de Conftantin, de Théodofe, de Charlemagne, &c.

APRÈS

RÈS les exemples continuels d'injustice, de cruauté, de meurtre, de brigandage, dont l'hiftoire de prefque toutes les nations eft furchargée, il nous parut utile et confolant de ne pas canonifer ces crimes chez les princes, de quelque religion qu'ils fuffent. David était fans doute un bon juif; mais ce n'était pas une chose honnête (humainement parlant) de fe révolter contre fon fouverain, de fe mettre à la tête de quatre cents voleurs, de rançonner, de piller fes compatriotes, de trahir à la fois fa patrie et le roitelet Achis fon bienfaiteur; de massacrer tout dans les

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