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musulmane s'étaient partagé le monde depuis le golfe de Perse jusqu'à la mer Atlantique. C'était un grand fpectacle, mais une pénible recherche il fallut preffer cent quintaux de menfonges pour en extraire une once de vérités. La foule des auteurs qui n'ont écrit que pour nous tromper eft effrayante. Qu'on en juge feulement par cinquante évangiles apocryphes, écrits dès le premier fiècle, et fuivis fans interruption de fables abfurdes, jufqu'aux fauffes décrétales forgées au fiècle de Charlemagne, et jusqu'à la donation de Conftantin; et cette donation de Conftantin suivie de la légende dorée; et cette légende dorée renforcée par la fleur des faints; et cette fleur des faints perfectionnée par le pédagogue chrétien : le tout couronné par des miracles de l'abbé Paris dans le faubourg Saint-Médard, au dix-huitième fiècle.

Nous osâmes d'abord douter de ces donations immenses, faites aux évêques de Rome par Charlemagne et par fon fils, et furtout des donations de pays que Charles et Louis le faible ne possėdaient pas mais nous ne prétendîmes point mettre en doute le droit que les papes ont acquis par le temps fur le pays qu'ils possèdent. Ils en font fouverains, comme les évêques d'Allemagne font fouverains dans leurs diocèfes. Leurs droits ne font pas à la vérité écrits dans

l'évangile. Une religion formée par des pauvres, et qui anathématise la richeffe et l'esprit de domination, n'a pas ordonné à ses prêtres de monter fur des trônes, et d'armer leurs mains du glaive; mais rien n'exifte aujourd'hui de ce qu'était l'Eglife dans fon origine; le temps a tout changé, et changera tout encore; il a établi dans notre occident les fouverainetés des barbares vomis de la Scythie, et changé les chaires d'inftructions en trônes.

Nous avons refpecté ces dominations nouvelles dans notre hiftoire, et nous avons même remarqué combien notre antique barbarie les avait rendues néceffaires. Quelques jéfuites, et furtout je ne fais quel Nonotte, écrivirent alors contre nous avec plus d'amertume que de fcience. Ils nous accusèrent d'avoir été peu refpectueux envers St Pierre et St Charlemagne. Ils ne fe doutaient pas alors que les fucceffeurs de Charlemagne et de Pierre aboliraient l'ordre des jéfuites, et que les généraux cafferaient leurs foldats mal payés. Quoique nous euffions parlé de l'établiffement du chriftianisme avec le plus profond refpect, on nous accufa cependant d'en avoir un peu manqué.

On voulut nous écrafer fous foixante volumes de pères de l'Eglife, pour nous prouver que St Pierre avait été à Rome, fans que St Luc et St Paul en euffent jamais parlé ; qu'il avait

été fur le trône épifcopal de Rome, quoiqu'affurément il n'y eût point de trône épiscopal en ce temps-là, ni même d'évêques d'aucun diocèfe. La principale démonftration du voyage de St Pierre à Rome se tirait d'une lettre qu'il avait écrite et datée de Babylone : or Babylone fignifiait évidemment Rome, comme Falaise fignifie Perpignan. Les autres preuves étaient fondées fur certains contes d'un Abdias, d'un Marcel et d'un Egéfippe, qui n'étaient dignes affurément d'être ni pères ni fils de l'Eglife.

Ces fefeurs de mille et une nuits nous contaient donc que Simon Pierre, étant venu à Rome, (quoique fa miffion fût pour les circoncis) y rencontra le magicien Simon, qui fe changeait tantôt en brebis et tantôt en chèvre. Ce Simon d'abord lui envoya faire un compliment par un de fes chiens, auquel Simon Pierre répondit fort poliment. Ils fe brouillèrent enfuite par un cousin de l'empereur Néron qui était mort. Simon, qu'on appelait Vertu dieu défia St Pierre à qui reffufciterait le mort. Simon le fit remuer; mais Pierre le fit marcher, et gagna la gageure. Enfuite ils fe défièrent au vol, en présence de l'empereur. Simon vola dans les airs mieux que Dédale; mais Pierre pria le Seigneur fi ardemment de faire tomber Simon Vertu-dieu comme Icare, qu'il tomba et fe caffa les jambes.

Néron, indigné de voir fon forcier eftropié, fit crucifier Pierre les pieds en haut, et couper la tête à Paul, &c.... &c.... Cela arriva la dernière année de Néron. Pierre avait gouverné l'Eglife vingt-cinq ans fous cet empereur, qui n'en régna que treize.

Ce livre d'Abdias, écrit en fyriaque, fut traduit en grec par fon disciple nommé Eutrope, et nous l'avons en latin de la traduction de Jules africain, homme favant du troisième fiécle, et prefque un père de l'Eglife par fes autres écrits.

Quoi qu'il en foit, que St Pierre eût fait ou non le voyage de Rome, cela était abfolument indifférent pour le gouvernement de l'Eglife. Ce gouvernement fut modelé du temps de Conftantin, fur l'administration politique de l'Empire. Les principaux fiéges, Rome, Conftantinople, Alexandrie, devaient avoir l'autorité principale. Et de même que les rois d'Espagne régnèrent en ce pays, foit que Tubal ou Hercule l'eût peuplé; de même que la race des Francs pofféda les Gaules, foit qu'elle defcendît de Brancus fils d'Hector, foit qu'elle eût une autre origine; ainfi les papes dominèrent bientôt dans la ville impériale, du confentement même des Romains, fans fe mettre en peine fi la première église de cette capitale avait été dédiée à St Jean de Latran,

ou à St Pierre hors des murs. Ainfi les patriarches des grandes villes de Conftantinople et d'Alexandrie eurent plus d'honneurs, de richeffes et d'autorité que des évêques de villages. Les hommes d'Etat n'établissent guère leurs droits fur des difcuffions théologiques : ils vont au folide, et ils laiffent leurs écrivains s'épuifer en citations et en argumens.

ARTICLE

V I.

Fauffes donations. Faux martyrs. Faux miracles.

LA vérité de l'hiftoire, bien plus utile qu'on ne penfe, nous força d'examiner les fauffes légendes auffi attentivement que le voyage de St Pierre. Nous crûmes que le menfonge ne pouvait que déshonorer la religion. Les miracles de JESUS-CHRIST et des apôtres font fi vrais qu'on ne doit pas rifquer d'affaiblir le profond refpect qu'on a pour eux, en leur affociant de faux prodiges. Admirons, célébrons, révérons le Lazare reffufcité; le bienfait des noces de Cana; les démons chaffés du corps des poffédés; ces efprits immondes précipités dans les corps d'animaux immondes comme eux, et noyés avec eux dans le lac de Génézareth; le fils de DIEU enlevé fur le

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