Page images
PDF
EPUB

commerce. Joignons-y un avantage encore plus grand, celui de la population, qui ne peut être que le fruit de l'aifance et de la fureté de chaque citoyen, dans fa petite poffeffion en temps de paix; les mendians ne fe marient en aucun lieu du monde. La polygamie ne peut être regardée comme contraire à la population; puifque, par le fait, les Indes, la Chine, le Japon, où la polygamie fut toujours reçue, font les pays les plus peuplés de l'univers. S'il eft permis de citer ici nos livres facrés, nous dirons que DIEU même, en permettant aux Juifs la pluralité des femmes, leur promit que leur race ferait multipliée comme les fables de la mer.

On allègue que la nature fait naître à-peuprès autant de femelles que de mâles, et que par conféquent, fi un homme prend quatre femmes, il y a trois hommes qui en manquent. Mais il eft avéré aujourd'hui que dans l'Europe, s'il naît un dix - feptième de plus d'hommes que de femmes, il en meurt auffi beaucoup plus avant l'âge de trente ans, par la guerre, par la multitude des profeffions pénibles, plus meurtrières encore que la guerre, et par les débauches non moins funeftes. Il en eft probablement de même en Afie. Tout Etat, au bout de trente ans, aura donc moins de mâles que de femelles. Comptez encore les

eunuques et les bonzes, il reftera peu d'hommes. Enfin, observez qu'il n'y a que les premiers d'un Etat, presque toujours très-opulens, qui puiffent entretenir plufieurs femmes, et vous verrez que la polygamie peut être, non-feulement utile à un empire, mais nécessaire aux grands de cet empire.

[ocr errors]

Confidérez furtout que l'adultère eft trèsrare dans l'Orient, et que dans les harem, gardés par des eunuques, il est impossible.' Voyez, au contraire, comme l'adultère marche la tête levée dans notre Europe; quel honneur chacun fe fait de corrompre la femme d'autrui; quelle gloire fe font les femmes d'être corrompues; que d'enfans n'appartiennent pas à leurs pères; combien les races les plus nobles font mêlées et dégénérées. Jugez après cela lequel vaut le mieux, ou d'une polygamie permise par les lois, ou d'une corruption générale autorisée par les mœurs.

Si, dans la Chine, plusieurs femmes de la lie du peuple exposent leurs enfans, dans la crainte de ne pouvoir les nourrir, c'eft peutêtre encore une preuve en faveur de la polygamie car fi ces femmes avaient été belles, fi elles avaient pu entrer dans quelque férail, leurs enfans auraient été élevés avec des foins paternels.

Nous fommes loin d'infinuer qu'on doive établir la polygamie dans notre Europe chrétienne. Le pape Grégoire II, dans fa décrétale adreffée à St Boniface, permit qu'un mari prìt une feconde femme, quand la fienne était infirme. Luther et Mélancton permirent au landgrave de Heffe deux femmes, parce qu'il avait au nombre de trois ce qui chez les autres fe borne à deux. Le chancelier d'Angleterre Couper, qui était dans le cas ordinaire, épousa cependant deux femmes, fans demander permiffion à personne; et ces deux femmes vécurent ensemble dans l'union la plus édifiante: mais ces exemples font rares.

Quant aux autres lois de la Chine, nous avons toujours penfé qu'elles étaient imparfaites, puifqu'elles font l'ouvrage des hommes qui les exécutent. Mais qu'on nous montre un autre pays où les bonnes actions foient récompensées par la loi, où le laboureur le plus vertueux et le plus diligent foit élevé à la dignité de mandarin, fans abandonner fa charrue : par-tout on punit le crime; il eft plus beau fans doute d'encourager à la vertu.

A l'égard du caractère général des nations, la nature l'a formé. Le fang des Chinois et des Indiens eft peut-être moins âcre que le nôtre, leurs mœurs plus tranquilles. Le bœuf

eft plus lent que le cheval, et la laitue diffère de l'abfinthe.

Le fait eft qu'à notre Orient et à notre Occident, la nature a de tout temps placé des multitudes d'êtres de notre espèce, que nous ne connaiffons que d'hier. Nous fommes fur ce globe comme des infectes dans un jardin : ceux qui vivent fur un chêne rencontrent rarement ceux qui paffent leur courte vie fur

un orme.

Rendons justice à ceux que notre induftrie et notre avarice ont été chercher par-delà le Gange; ils ne font jamais venus dans notre Europe pour gagner quelque argent; ils n'ont jamais eu la moindre pensée de fubjuguer notre entendement; et nous avons paffé des mers inconnues pour nous rendre maîtres de leurs trésors, fous prétexte de leur rendre le service de gouverner leurs ames.

Quand les Albuquerques vinrent ravager les côtes de Malabar, ils menaient avec eux des marchands, des miffionnaires, et des foldats. Les miffionnaires baptifaient les enfans que les foldats égorgeaient; les marchands partageaient le gain avec les capitaines; le ministère portugais les rançonnait tous; et des auteurs moines, traduits enfuite par d'autres moines, transmettaient à la postérité tous les

miracles que fit la Ste Vierge dans l'Inde pour enrichir des marchands portugais.

Les Européans entraient alors dans deux mondes nouveaux; celui de l'Occident a été prefque tout entier noyé dans fon fang. Si des fanatiques d'Europe ne font pas venus à bout d'exterminer l'Orient, c'est qu'ils n'en ont pas eu la force, car le défir ne leur a pas manqué; et ce qu'ils ont fait au Japon ne l'a prouvė que trop à leur honte éternelle.

Ce n'eft pas ici le lieu de retracer aux yeux épouvantés des lecteurs judicieux ces portraits que nous avons déjà expofés, de la fubverfion de tant d'Etats facrifiés aux fureurs de l'avarice, et de la fuperftition, plus cruelle encore que la foif des richeffes. Contenonsnous dans les bornes des recherches historiques.

ARTICLE IV.

Si les Egyptiens ont peuplé la Chine, et fi les Chinois ont mangé des hommes.

Nous avons toujours foupçonné que les grands peuples des deux continens ont été autoctones, indigènes; c'est-à-dire originaires des contrées qu'ils habitent, comme leurs quadrupèdes, leurs finges, leurs oifeaux,

leurs

« PreviousContinue »