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QUATRIEME SOTTISE DE NONOTTE, SUR SAINT ROMAIN.

NOTRE libellifte trouve beaucoup d'impiété à nier l'aventure du jeune St Romain. Voici le paffage de M. de Voltaire.

"Il eft bien vraisemblable que la jufte ,, douleur des chrétiens fe répandit en plain"tes exagérées. Les Actes fincères nous racon"tent que l'empereur étant dans Antioche,` " le préteur condamna un enfant chrétien, " nommé Romain, à être brûlé; que des juifs "préfens à ce fupplice fe mirent méchamment ", à rire, en difant: Nous avons eu autrefois trois " petits garçons, Sidrach, Mifach et Abdenago " qui ne brûlèrent point dans la fournaife, et ", ceux-ci brûlent. Dans l'inftant, pour confon"dre les juifs, une grande pluie éteignit le " bûcher, et le petit garçon en fortit sain " et fauf, en demandant: Où eft donc le feu? "Les Actes fincères ajoutent que l'empereur le ,, fit délivrer, mais que le juge ordonna qu'on " lui coupât la langue. Il n'est guère poffible " qu'un juge ait fait couper la langue à un " petit garçon à qui l'empereur avait par"' donné.

"Ce qui fuit eft plus fingulier. On pré"tend qu'un vieux médecin chrétien, nommé Mélanges hift. Tome II. * O

pour

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" Arifton, qui avait un bistouri tout prêt 99 coupa la langue de cet enfant faire fa "cour au préteur. Le petit Romain fut auffitôt " renvoyé en prifon. Le geolier lui demanda " de fes nouvelles ; l'enfant raconta fort au "long comment un vieux médecin lui avait "coupé la langue. Il faut noter que le petit " enfant, avant cette opération, était extrê,, mement bègue, mais qu'alors il parlait avec " une volubilité merveilleufe. Le geolier ne " manqua pas d'aller raconter ce miracle à

l'empereur. On fit venir le vieux médecin; "il jura que l'opération avait été faite dans ,, toutes les règles de l'art, et montra la langue "de l'enfant, qu'il avait confervée propre ,, ment dans une boîte. Qu'on fasse venir, " dit-il, le premier venu, je m'en vais lui couper la langue en présence de votre

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majefté, et vous verrez s'il pourra parler. "On prit un pauvre homme, à qui le médecin ,, coupa justement autant de langue qu'il en " avait coupé au petit enfant; l'homme " mourut fur le champ. "

Je veux croire que les actes qui rapportent ce fait, font auffi fincères qu'ils en portent le titre; mais ils font encore plus finguliers que fincères.

C'eft maintenant au lecteur judicieux à voir s'il n'eft pas permis de douter un peu

de ce miracle. L'auteur du libelle peut auffi croire, s'il veut, l'apparition du Labarum; mais il ne doit point injurier ceux qui ne font pas de cet avis.

CINQUIEME SOTTISE DE NONOTTE, SUR L'EMPEREUR JULIEN.

On peut s'épuifer en invectives contre l'empereur Julien; on n'empêchera pas que cet empereur n'ait eu des mœurs très-pures: on doit le plaindre de n'avoir pas été chrétien; mais il ne faut pas le calomnier. Voyez ce que Julien écrit aux Alexandrins fur le meurtre de l'évêque George, ce grand perfécuteur des athanafiens...... Au lieu de me réferver la connaissance de vos injures, vous vous êtes livrés à la colère, et vous n'avez pas eu honte de commettre les mêmes excès qui vous rendaient vos adverfaires fi odieux. Julien les reprend en empereur et en père. Qu'on life toutes fes lettres, et qu'on voie s'il y a jamais eu un homme plus fage et plus modéré. Quoi donc! parce qu'il a eu le malheur de n'être pas chrétien, n'aura-t-il eu aucune vertu? Cicéron, Virgile, les Catons, les Antonins, Pythagore, Zaleucus, Socrate, Platon, Epictete, Licurgue, Solon, Ariftide, les plus fages des hommes auront-ils été des monftres, parce qu'ils

auront eu le malheur de n'être pas

religion?

de notre

SIXIEME SOTTISE, SUR LA LEGION

THEBAINE.

L'AUTEUR du libelle fait des efforts affez plaifans, page 28, pour accréditer la fable de la légion thébaine toute compofée de chrétiens, toute entière environnée dans une gorge de montagne, où l'on ne peut pas mettre deux cents hommes en bataillé, aux pieds du grand Saint-Bernard, où cent hommes bien retranchés arrêteraient une armée; voici les preuves que notre critique judicieux donne de l'authenticité de cette aventure; il les a copiées du Pédagogue chrétien.

Eucher, dit-il, qui rapporte cette histoire deux cents ans après l'événement, était riche, donc il difait vrai. Eucher l'avait entendu raconter à Ifac, évêque de Genève, qui fans doute était riche auffi. Ifac disait tenir le tout d'un évêque, nommé Théodore, qui vivait cent ans après ce massacre. Voilà, en vérité, des preuves mathématiques. Je prie le 1. belliste de venir faire un tour au grand SaintBernard; il verra de fes yeux s'il eft aifé d'y entourer et d'y maffacrer une légion toute entière. Ajoutons qu'il eft dit que cette

légion venait d'Orient, et que le mont SaintBernard n'eft pas affurément le chemin en droiture. Ajoutons encore qu'il eft dit que c'était pour la guerre contre les Bagaudes, et que cette guerre alors était finie. Ajoutons. furtout que cette fable, tant chantée par tous les légendaires, fut écrite par Grégoire de Tours qui l'attribua à Eucher, mort en 454; et remarquons que dans cette légende fuppofée écrite en 454, il est beaucoup parlé de la mort d'un Sigifmond, roi de Bourgogne, tué en 523.

Il est de quelque utilité d'apprendre aux ignorans impofteurs de nos jours, que leur temps eft paffé, et qu'on ne croit plus ces miférables fur leur parole.

On propofa à Nonotte de marier les fix mille foldats de la légion thébaine avec les onze mille vierges; mais ce pauvre ex-jésuite n'avait pas les pouvoirs.

SEPTIEME SOTTISE, SUR AMMIEN MARCELLIN, ET SUR UN PASSAGE IMPORTANT.

Le libellifte s'exprime ainfi, page 48:... "Ammien Marcellin ne dit nulle part qu'il " avait vu les chrétiens fe déchirer comme " des bêtes féroces. L'auteur de l'Effai fur

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