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N'y a-t-il rien de recherché, rien d'extraordinaire, Meffieurs, dans ces inconcevables horreurs? Vous me direz que l'auteur facré qui les décrit ne les condamne point, et que par conféquent elles pouvaient avoir un bon motif. Mais remarquez auffi, Meffieurs, que l'auteur facré ne les approuve pas ; nous laiffe la liberté d'en dire notre fentiment, liberté fi précieuse aux hommes !

il

Avouez donc que vous fûtes auffi barbares dans les temps de votre politeffe, que nous l'avons été dans les fiècles de notre groffièreté. Nous fûmes long-temps Gog et Magog; tous les peuples l'ont été.

Et documenta damus quâ fimus origine nati.

:

Nos pères furent des fangliers, des ours, jufqu'au feizième siècle; enfuite ils ont joint des grimaces de finges aux boutoirs de fangliers enfin ils font devenus hommes, et hommes aimables. Vous, Meffieurs, vous fâtes autrefois les plus déteftables et les plus fots loups cerviers qui aient fouillé la face de la terre. Vous vivez tranquilles aujourd'hui part l'office de bourreau, où les infortunés qu'on y condamnait étaient expofés à toute la férocité de la populace juive. Ceci eft encore une preuve de barbarie : chez toutes les nations un peu policées, les fupplices font infligés fous une forme régulière, par un homme condamné à faire cet horrible métier, et payé par l'Etat.

dans Rome, dans Livourne, dans Londres, dans Amfterdam. Oublions nos bêtifes et nos abominations paffées; mangeons ensemble, en frères, des perdrix lardées menu; car fans lard elles font un peu fèches vers le carême.

X I X.

Encore un petit mot de Salomon.

VOTRE goût pour les dames, Monfieur et Meffieurs, ainfi que pour l'argent comptant, vous ramène toujours à Salomon ; vous y revenez avec tendreffe à la fin de votre gros ouvrage. Je trouve, en vous feuilletant, que vous ne vous émerveillez pas affez des vingtcinq milliars, en efpèces fonnantes, que Montmartel-David laiffa à Brunoi Salomon grand amateur d'ornemens de chapelle. D'un autre côté, vous me paraiffez trop étonnés qu'un homme qui, en commençant fon commerce d'Ophir, avait d'entrée de jeu, vingt-cinq milliars, fe fit bâtir quarante mille écuries. Il me femble pourtant que ce n'est pas trop d'écuries ou d'étables pour un homme qui fait fervir fur table vingt-deux mille bœufs et cent vingt mille moutons pour un feul repas. (*)

gras,

(*) Rois, liv. III, chap. VIII.

Vous fuppofez que ces quarante mille écuries ne font que dans la Vulgate, dont vous faites très-peu de cas. Permettez-moi d'aimer la Vulgate recommandée par le concile de Trente, et de vous dire que je ne m'en rapporte point du tout à vos Bibles mafforètes qui ont voulu corriger l'ancien texte.

Je conviens que peut-être il y a un peud'exagération, un peu de contradiction dans cet ancien texte; cependant ma remarque fubfifte, comme dit Dacier.

X X.

Des veaux, des cornes et des oreilles d'ânes.

MESSIEURS, il me faut donc vous fuivre encore du férail de votre grand fultan Salomon, fi rempli d'or et de femmes, à l'armée de Titus qui entra le fer et la flamme à la main dans votre petite ville, laquelle n'a jamais pu contenir vingt mille habitans et dans laquelle il en périt plus de onze cents millè pendant le fiége, fi l'on croit votre exact et véridique Flavien Jofephe.

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Dans cette terrible journée on détruifit, non pas votre fecond temple, comme vous le dites, mais votre troisième temple qui était celui d'Hérode. La question importante dont

il s'agit, eft de favoir fi Pompée, en paffant par chez vous, et en fefant pendre un de vos rois, avait vu dans ce temple de vingt coudées de long, un animal doré ou bronzé, qui avait deux petites cornes qu'on prit pour des oreilles, fi les foldats de Titus en virent autant, et enfin fur quoi fut fondée l'opinion courante que vous adoriez un âne.

Mon ami a cru que vous étiez de trèsmauvais sculpteurs ; et que voulant poser des chérubins fur votre arche, ou fur la repréfentation de votre arche, vous taillâtes fi groffièrement les cornes de vos bouvillons chérubins, qu'on les prit pour des oreilles d'âne: cela eft affez vraifemblable.

Vous croyez détruire cette vraisemblance en difant que les Babyloniens de Nabuchodonofor avaient déjà pris votre coffre, votre arche, vos cherubins et vos ânes, il y avait fix cents cinquante-huit ans. Vous prétendez que Titus fut bien attrapé, lorfqu'en entrant dans votre petit temple, il n'y vit point votre coffre, et qu'il fut privé de l'honneur de le porter en triomphe à Rome.

Vous favez pourtant, Monfieur et Meffieurs, que votre arche d'alliance, conftruite dans le défert, prife par les Philiftins, rendue par deux vaches, placée dans Hershalaïm, y était

encore après la captivité en Babylone; l'auteur des Paralipomènes le dit expressément. Fuit arca ibi ufque in præfentem diem.

Vos rabbins, je ne l'ignore pas, ont prétendu que cette arche eft cachée dans le creux d'un rocher du mont Nébo, où eft enterré Moïse, et qu'on ne la découvrira qu'à la fin du monde : mais cela n'empêche pas qu'on ne la montre à Rome parmi les plus belles et les plus anciennes reliques qui décorent cette fainte ville. Les antiquaires, qui ont la vue d'une fineffe extrême, et qui voient ce que les autres hommes ne voient point, emarquent dans l'arc de triomphe érigé à Titus, la figure d'un coffre qui eft fans doute votre arche. Elle nous appartient de droit : nous vous sommes fubftitués; vos dépouilles font nos conquêtes.

Ceffez de vouloir, par vos fubtilités rabbiniques, ébranler la foi d'un chrétien qui vous plaint, qui vous aime, mais qui, ayant l'honneur d'être l'olivier franc, ne fouillera jamais cette gloire en vous accordant la moindre de vos prétentions.

Si vous voulez que je fois de votre avis, Meffieurs, vous n'avez qu'à vous faire baptifer, je m'offre à être votre parrain. A l'égard de monfieur votre fecrétaire, vous pouvez le faire circoncire ; je ne m'y opposerai point.

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