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I I.

Lois militaires.

Vous vantez, meffieurs les Juifs, l'humanité noble de vos lois militaires; elles étaient dignes d'une nation établie de temps immémorial dans le plus beau climat de la terre. Vous dites d'abord qu'il vous était ordonné de payer vos vivres quand vous paffiez par les terres de vos alliés, et de n'y point faire de dégât.

Je crois bien qu'on fut obligé de vous l'ordonner; supposé encore que vous euffiez des alliés dans des déferts où il n'y eut jamais de peuplade.

Vous ne pouviez, dites-vous, (*) prendre les armes que pour vous défendre; cela eft fi curieux, qu'ayant jufqu'à préfent négligé de citer les pages de votre livre que tout le monde doit favoir par cœur, j'en prends la peine cette fois-ci.

En effet, Meffieurs, lorfque vous allâtes, à ce que vous me dites, faire sept fois le tour de Jéricho dont vous n'aviez jamais entendu parler, faire tomber les murs au fon du cornetà-bouquin, maffacrer, brûler femmes, filles, (*) Page 45, tome III.

enfans,

enfans, vieillards, animaux, c'était pour

vous défendre !

I I I.

Filles prifes en guerre.

MAIS vous étiez fi bons que, quand par hafard il fe trouvait dans le butin une payfanne fraîche et jolie, il vous était permis de coucher avec elle, et même de la joindre au nombre de vos épouses; cela devait faire un excellent ménage. Il eft vrai que votre captive ne pouvait avoir les honneurs d'épouse qu'au bout d'un mois; mais de braves foldats n'attendent pas fi long-temps à jouir du droit de guerre.

la

I V.

Filles égorgées.

JE ne fais qui a dit que votre usage était de tuer tout excepté les filles nubiles. N'est-il pas clair, répondez-vous, que c'eft calomnier groffièrement nos lois, ou montrer évidemment à toute la terre que vous ne les avez jamais lues.

Ah, toute la terre, Monfieur! n'êtes-vous pas comme ce favant qui prenait toujours Mélanges hift. Tome II.

M

l'univerfité pour l'univers? Sans doute celui qui vous a reproché d'épargner toujours les filles s'eft bien trompé : témoin toutes les filles égorgées à Jéricho, au petit village de Haï, traité comme Jéricho, aux trente et un villages dont vous pendîtes les trente et un rois, et qui furent livrés au même anathême. Oui, Meffieurs, il eft clair qu'on vous a calomniés groffièrement. Tout ce que je puis vous dire, c'eft qu'il eft bien étrange qu'on parle encore dans le monde de vous, et qu'on perde fon temps à vous calomnier; mais vous nous le rendez bien.

V.

Mères qui détruifent leur fruit.

LAISSONS-LA votre code militaire; je fuis pacifique: fuivons pied à pied votre police. Vous louez votre légiflation de n'avoir décerné aucune peine pour les mères qui détruifent leurs enfans. Vraiment puisqu'on ne les a pas punies pour les avoir tués et pour les avoir mangés, on ne les aura pas punies pour les avoir empoifonnés ou les avoir fait cuire. On vous a dit que les Juifs mangèrent quelquefois de petits enfans; mais on ne vous a pas dit qu'ils les aient mangés tout crus: un peu d'exactitude, s'il vous plaît.

V I.

De la graiffe.

Vous vous extafiez fur ce que, dans votre Vaïcra, dans votre Lévitique, il vous eft défendu de manger de la graiffe, parce qu'elle eft indigefte; mais, Meffieurs, Aaron et fes fils avaient donc un meilleur eftomac que le refte du peuple; car il y a de la graisse entre l'épaule et la poitrine qui font leur partage. Vous prétendez que vos brebis avaient des queues dont la graiffe pefait cinquante livres : elle était donc pour vos prêtres. Arlequindifait, dans l'ancienne comédie italienne que s'il était roi il fe ferait fervir tous les jours de la foupe à la graisse; c'était apparemment celle de vos queues.

V I I.

Du boudin.

Vous tirez encore un grand avantage de ce que les pigeons au fang et le boudin vous étaient défendus: vous croyez que ce fut un grand médecin qui donna cette ordonnance: vous pensez que le fang eft un poison, et que

Themistocle et d'autres moururent pour avoir bu du fang de taureau.

Je vous confie que, pour me moquer des fables grecques, j'ai fait faigner une fois un de mes jeunes taureaux, et j'ai bu une tasse de fon fang très-impunément. Les paysans de mon canton en font ufage tous les jours, et ils appellent ce déjeûner, la fricaffée.

VIII.

De la propreté.

Vous croyez qu'à Jéfufalem on était plus propre qu'à Paris, parce qu'on avait la lèpre, et qu'on manquait de chemises; et vous regrettez la belle police qui ordonnait de démolir les maifons dont les murailles étaient lépreufes. Vous pouviez pourtant favoir qu'en tout pays les taches qu'on voit fur les murs ne font que l'effet de quelques gouttes de pluie fur lefquelles le foleil a donné ; il s'y forme de petites cavités imperceptibles. La même chofe arrive par-tout aux feuilles d'arbres; le vent porte fouvent dans ces gerfures, des oeufs d'infectes invifibles : c'eft-là ce que vos prêtres appelaient la lèpre des maifons; et comme ils étaient juges fouverains de la lèpre, ils pouvaient déclarer lépreufe la maison de

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