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parlé d'aucune éclipfe; et vous voyez que depuis quatre mille ans les Chinois n'ont jamais manqué d'obferver et de rapporter, dans leur hiftoire, toutes les éclipfes qu'ils ont aperçues. Ce n'eft point d'ailleurs infulter une nation que de dire qu'elle n'était point autrefois mathématicienne. Il paraît que le roi Ezechias n'en favait pas tant que vos juifs d'Espagne,qui aidèrent depuis le roi Alfonse Xà conftruire fes fameuses tables aftronomiques.

Le prophète Ifaïe veut faire un prodige qui affure Ezéchias malade, de fa guérison; il lui demande s'il veut que l'ombre de fon cadran au foleil avance ou recule de dix lignes ; ¦le malade répond: il est bien aisé de faire avancer l'ombre, je veux qu'elle recule. Le malade fe trompait; l'un dérangeait autant que l'autre le cours de la nature entière.

Je fuis perfuadé que dans la fuite il y eut de favans juifs, et furtout dans Alexandrie : ils n'auraient pas fait rétrograder le soleil, comme Ifaïe; mais ils l'auraient mieux connu. Il paraît même que vers le temps de la deftruction de Jérufalem, l'hiftorien Flavien Jofephe et le philofophe Philon n'étaient pas abfolument étrangers à l'aftronomie. Flavien Jofephe parle du fare des anciens Chaldéens, compofé de deux cents vingt-trois mois lunaires, qui fervaient à former la période de fix cents ans.

S'il y a quelque chofe de vrai dans l'histoire des fciences et des erreurs, c'eft qu'elles viennent prefque toutes des bords du Gange; et quelque prodigieufe que paraisse leur antiquité, on ne peut guère leur dire : a beau mentir qui vient de loin. Prefque tous les favans de nos jours conviennent que les brachmanes furent les inventeurs de l'aftronomie et de la mythologie.

Après ces Indiens viennent les Perfans, les Chaldéens, les Arabes, les Atlantides. Pour les Egyptiens, ils femblent être plus récens, parce qu'il fallut des fiècles pour dompter le Nil, et pour rendre le meilleur terrain du pays habitable, comme l'a tant dit mon ami, tant honni par vous.

Les Grecs, qui parurent les derniers de tant de peuples antiques, les éclipsèrent tous dans les arts. S'il faut venir aux Juifs, c'était, il faut l'avouer, un chétif peuple arabe fans art et fans fcience, caché dans un petit pays montueux et ignoré, comme Flavien Jofephe l'avoue dans fa réponse à Appion. Ce peuple ne pofféda une capitale, et n'eut un temple qu'environ dix-fept cents ans après que celui de Tyr avait été bâti ; il ne fut connu des Grecs que du temps d'Alexandre, devenu leur dominateur, et ne fut aperçu des Romains que pour être bientôt écrafé par eux dans la foule.

Les Romains créèrent roi de Judée un arabe, fils d'un entrepreneur des vivres ; et bientôt après ces pauvres Juifs furent esclaves, pour la huitième fois, fur les ruines de leur ville fumante de fang, et vendus au marché, chaque tête au prix de l'animal dont ce déplorable peuple n'ofait manger. Je n'accumule pas toutes ces vérités pour offenfer la nation juive, mais pour la plaindre.

I I I.

Si les Juifs écrivirent d'abord fur des cailloux.

LE fecrétaire des fix juifs prétend que leurs pères avaient dans un désert toutes les commodités pour écrire, à peu près comme on les a de nos jours. Il reprend vivement mon ami d'avoir cru qu'on gravait alors fur la pierre. Cependant le livre de Josué est le garant de ce que mon ami a avancé; car il est dit: Jofué brûla la ville de Haï, la réduifit

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en cendres, et en fit un monceau de ruines " éternelles; fit pendre le roi, et éleva un "autel de pierres au Seigneur le Dieu d'Ifraël, " fur le mont Hebal; il fit cet autel de " pierres brutes comme il était écrit dans la " loi de Moïfe, et il y offrit des holocauftes

et des victimes pacifiques; et il écrivit

fur les pierres le Deutéronome. (b) Jofué, " chap. IV. "

I V.

Des gens maffacrés pour avoir graffeye en parlant.

JE fuis obligé de vous fuivre, et de paffer avec vous d'un article de maçonnerie à un objet de morale. Il s'agit de quarante-deux mille de vos frères, les juifs de la tribu d'Ephraïm qui furent tous égorgés par leurs frères des autres tribus, à un des gués de la petite rivière du Jourdain. On leur criait, prononcez shibolet, épi de blé. Ces malheureux qui graffeyaient, et qui ne pouvaient dire shibolet, difaient fiboleth, et on les égorgea comme des moutons... Quelle horreur y a-t-il donc, Monfieur? quelle mauvaise intention? quelle faute à dire qu'ils furent massacrés pour avoir graffeyé? l'horreur, l'abomination n'eft-elle pas que des frères aient maffacré tant de frères pour quelque cause que ce puiffe être ?

(b) Le fecrétaire, qui paraît très-inftruit des anciens ufages et des arts de l'antiquité, aurait bien dû nous inftruire comment on écrivait fur des cailloux non taillés, et comment cette écriture n'était pas effacée par le fang des victimes qui Coulait continuellement fur cet autel de pierres brutes. Cette recherche eût été plus néceffaire que l'affreufe malignité d'imputer à mon ami je ne fais quelles brochures, où il eft dit que Thaut a compofé des livres en caractères alphabétiques, écrits fur autre chofe que fur des tables de pierre et de bois, il y a environ cinq mille ans.

V.

Du veau d'or.

Voici une affaire à peu près auffi massacrante et plus scientifique. Mon ami qui respecte les théologiens, et qui ne l'eft point, a soutenu, d'après plufieurs pères de l'Eglife et d'après la fimple raison, que tout fut miracle dans la manière dont DIE U Conduifit fon peuple dans le désert, et l'en tira; que toutes les voies de DIE U furent autant de miracles ; que la fonte et la fabrication du veau d'or en vingt-quatre heures, cet or jeté dans le feu et réduit en poudre, et avalé par tout le peuple, les vingttrois mille hommes qui fe laissent choisir et égorger fans fe défendre, &c. font d'auffi grands prodiges que tous ceux dont le Pentateuque eft rempli. Sur quoi mon ami a proféré cette exclamation qui me femble fi religieuse et si convenable: L'hiftoire d'un peuple conduit par DIEU même, ne peut être que l'histoire des prodiges.

Commençons par vous prouver, Monfieur, qu'en fuivant exactement l'énoncé de la fainte écriture, le veau d'or fut jeté en fonte en vingtquatre heures, quoique la horde juive n'eût point d'heures encore, et foit qu'on fe ferve

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