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connaissait qu'imparfaitement le fameux manuscrit dont M. de la Rochette va se servir pour nous donner l'Anthologie en son entier; celui-ci, plus important peut-être, était encore plus ignoré. Mais à peine entre nos mains, ces trésors de l'Italie sont aussitôt répandus dans tout le monde savant, et l'Italie elle-même jouit des dons qu'elle nous a faits.

Au reste, l'éditeur prévient qu'il n'a pas eu, comme beaucoup d'autres, l'avantage de se préparer pendant long-temps à un travail aussi difficile que le sien, et de rassembler à son aise tous les matériaux qui lui eussent été nécessaires, s'étant trouvé engagé à cette entreprise par une suite de circonstances, au refus d'un homme de lettres qui ne veut pas être nommé, et qui avait auparavant promis de s'en charger. Des secours importants, sur lesquels il avait compté, lui ont manqué au moment même d'en faire usage. Par exemple, le célèbre Brunck devait l'aider de ses lumières et de sa bibliothèque. Mais ayant renoncé tout à coup aux lettres qu'il a cultivées avec tant de succès, et résolu même de se défaire des livres qui lui restaient, il n'a pu contribuer en rien à cette édition, si ce n'est par quelques notes écrites, il y a long-temps, sur les marges de deux

exemplaires, l'un desquels contenait ses proprés conjectures, en assez grand nombre mais faites, à ce qu'il paraît, dans le courant de la lecture, et sans aucune méditation; sur l'autre étaient les variantes d'un des manuscrits de Paris. Tout cela a été communiqué à M. Schweighouser, qui en a enrichi ses notes. Deux savants des plus distingués, les CC. Dutheil et Coray, lui ont envoyé leurs observations insérées dans son commentaire. Les notes du premier, malheureusement peu nombreuses, répondent aux preuves qu'on a déjà de son érudition. Celles du second se rencontrent plus fréquemment, et paraissent toujours dignes de cette rare sagacité que les savants lui connaissent.

Venons à l'ouvrage même et à l'examen de son exécution. Il est imprimé par la Société typographique de Deux-Ponts, établie maintenant à Strasbourg, et l'on peut dire que cette célèbre imprimerie n'a point encore produit d'ouvrage aussi important ni aussi bien exécuté. Le texte et la version latine se trouvent sur la même page, accompagnés des variantes les plus considérables, forme qui ne plaît pas, comme on sait, à tous les savants, mais qui a pour elle l'usage et le suffrage d'un homme dont l'autorité est d'un grand poids en ces matières, c'est cette même

forme que M. Vyttembach a adoptée pour son Plutarque, après en avoir montré les avantages dans sa Bibliothèque critique. Le volume qui paraît d'Athénée contient les trois premiers livres du texte, partie de l'abréviateur, partie d'Athénée lui-même. Les commentaires, sur les deux premiers livres seulement, forment un volume séparé. Des chiffres placés aux marges indiquent les pages et les chapitres de l'édition de Casaubon; et l'on n'a rien négligé de tout ce qui pouvait être commode aux lecteurs dans l'usage de cette édition, tellement qu'il est plus facile d'y retrouver les citations de celle de Casaubon, que dans Casaubon même.

La version latine était un article des plus importants, devant être comme une espèce de commentaire perpétuel, et épargner en même temps beaucoup de commentaires.

Aussi voit-on que M. Schweighouser s'y est appliqué singulièrement. Il l'a refaite en entier, et, comme il écrit en latin avec beaucoup de facilité, il a des ressources toutes particulières pour rendre le texte avec précision, et faire entrer ses lecteurs dans le sens intime de l'auteur. Il n'y a que ceux qui connaissent le prix et la difficulté d'un pareil travail qui puissent lui en savoir le gré qu'il mérite. Les vers de Grotius lui ont servi pour

ses fragments des différents poètes. Mais on sent qu'il lui a fallu les retoucher en beaucoup d'endroits, où les changements faits au texte produisaient un nouveau sens. Ces changements cont fué mant

cques et considérables. Cela ne pouvait être autrement; car, outre une infinité de passages qu'on a corrigés, à l'aide des conjectures et des manuscrits, les grammairiens anciens (Suidas surtout qui ne s'est pas servi, comme Eustache, de l'abrégé seulement, mais du texte même) ont fourni à M. Schweighouser de quoi sunpléer, en plusieurs endroits.

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noms des auteurs ou les titres des ouvrages omis par l'abréviateur. Il a tiré du même Suidas des phrases entières dont on ne trouve aucune trace dans l'abrégé, et les a insérées dans le texte. S'il était en droit de le faire, c'est de quoi les savants jugeront; mais sûrement il l'a fait avec la critique judicieuse et le discernement qu'on devait attendre d'un homme comme lui, exercé à découvrir et à remplir heureusement les lacunes dans les an

ciens textes.

Il n'adopte ordinairement, qu'avec beau coup de circonspection, les conjectures de Casaubon et des autres critiques, quelque probables qu'elles paraissent, faissant dans le texte la leçon que donnent les manuscrits

toutes les fois qu'on peut en tirer un sena supportable, du moins dans tout ce qui est écrit en prose; car, dans les vers, il se montre bien moins difficile; et pour rétablir le mètre. on le trouvera peut-être, en quelques endroits, trop prompt à recevoir les conj tures de plusieurs savants, dont les assertions, sur cette matière, ne sont pas toujours démontrées. D'ailleurs, on sait, en général, ́ que ceux qui citent des vers dans un ouvrage en prose, les tronquent et les altèrent souvent, faute de memoire, ou à dessein. C'est ce que Casaubon lui-même a reconnu dans Athene (age 13, E, et ailleurs). Brunck, sur Aristophane (fig., page 232 ) a fait la même remarque; et c'est cette remarque qui doit nous tenir en garde contre l'audace des critiques, qui tous ont eu ceite manie de refaire, sur un mètre quelconque les fragments des anciens poètes cités par les grammairiens, à quoi il réussissent toujours, n'étant embarrassés de rien, et ayant même trouvé moyen de mettre en beaux vers la prose de divers auteurs qu'ils ont pris pour des poètes. C'est ainsi qu'un fragment de l'historien Menandre se lit en vers de six pieds, de la façon d'un savant (Schurfleiz sur Lon gin), qui a cru que ce Ménandre était le poète comique. Turnèbe (voyez Casaubon sur Athé

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