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a vu le premier livre : c'est tout ce que l'on en sait. En 1583, on imprima à Lyon la version de Dalechamp, le premier travai! considérable qui se soit fait sur Athénée. Pour peu qu'on connaisse Dalechamp, comme interprête d'Athénée, on souscrira sans peine au jugement qu'en porte le C. Schweighouser, lorsqu'il dit qu'encore que ce traducteur ait manqué en mille endroits le vrai sens de son auteur, il ne laisse pas néanmoins de mériter beaucoup d'éloges, pour avoir surmonté le premier, dénué des secours que nous avons, de grandes difficultés, et montré presque partout une sagacité admirable. Casaubon ne lui a pas rendu assez de justice, et c'est de quoi le C. Schweighouser le reprend modérément. Enfin parut, en 1577, l'édition de Casaubon, la seule imprimée sous ses yeux, et l'original de celles dont on se sert aujourd'hui, qui fut suivie trois ans après de son grand commentaire. Il n'y a guère d'ouvrage plus connu, ni plus fréquemment cité parmi les savants, et on ne peut lire sans intérêt les détails que donne le C. Schweighouser sur cet admirable livre. Par exemple, ce qu'il nous apprend des manuscrits dont Casaubon s'est servi, et des variantes qu'il a eues au moyen de divers extraits, montre à merveille l'usage qu'en faisaient alors les savants, moins minutieux,

si l'on veut, mais aussi beaucoup moins exacts qu'on ne l'est aujourd'hui sur ce point.

Voilà en raccourci le tableau que trace M. Schweighouser du petit nombre d'éditions qui ont précédé la sienne. Il parle ensuite des secours qu'il a dû tirer des ouvrages de plusieurs savants, qui, sans avoir travaillé ex professo sur son auteur, en ont traité quelque partie dans des recueils de fragments, corrigé ou éclairci par occasion divers passages; car on sent que c'était un point des plus importants, et le premier devoir, sans contredit, d'un éditeur d'Athénée, de mettre sous les yeux des lecteurs tou tes les conjectures ou explications éparses dans une infinité de livres de critique ou de philologie qui ont paru depuis Casaubon, et il n'y en avait presque point qui n'offrît quelques observations à citer ou à réfuter. Ce seul travail, bien exécuté, était un grand service à rendre à la littérature antique. Le C. Schweighouser n'a rien négligé pour s'en acquitter autant que le lui ont permis les res sources qu'il avait à sa disposition; et, comme il n'a point cherché (ainsi qu'on le fait trop souvent) à éblouir ses lecteurs par des promesses fastueuses, ses lecteurs lui sauront gré d'avoir tenu plus qu'il n'avait promis.

Mais un mérite inappréciable de cette nou

velle édition, ce sera d'avoir été revue sur deux excellents manuscrits, dont l'un était presque oublié, l'autre paraît n'avoir été connu de personne jusqu'à présent. Le premier contient en entier l'abrégé d'Athénée, et l'on y retrouve non seulement les passages divers savants ont publiés séparément

qས་ comme manquant dans les imprimes, mais encore quelques autres entièrement inédits, Quoiqu'il ne soit pas plus ancien que le milieu du quatorzième siècle, selon la conjecture de M. Schweighouser, il ne laisse pas d'être d'une grande utilité, d'abord pour la correction de tous les endroits où l'abrégé nous tient lieu du texte perdu, et ensuite pour rétablir beaucoup de passages du texte même. Ce manuscrit est passé de la bibliothè

que de Sédan dans celle de Paris, d'où il a été envoyé à M. Schweighouser, par ordre du ministre de l'intérieur. Le second et le plus important est venu de Venise à Paris : on le croit du neuvième siècle, et par conséquent plus ancien qu'aucun des manuscrits connus du même auteur. Mais ce qui le rend plus précieux, c'est qu'il est évidemment l'original de tous ceux qui existent aujourd'hui. Aux preuves qu'on en apporte, il n'est pas permis d'en douter; et ces preuves sont les mêmes auxquelles on a reconnu également

pour original un manuscrit de Longin de lá même bibliothèque, c'est-à-dire, que toutes es lacunes qu'on trouve dans les exemplaires manuscrits ou imprimés, répondent exactement à des feuilles ou portions de feuilles qui manquent à celui.ci. Les avantages qui doivent résulter. no la nouralla

d'une A muuvene eartion, pareille découverte, se conçoivent aisément: on regrette seulement que l'éditeur n'ait pu avoir sous les yeux, dans le cours de son travail, ce manuscrit qui devait en être la base; car, quoique cette collation ait été confiée aux soins d'un jeune homme des plus instruits (1), et qui a donné des preuves de son habileté en ce genre, cependant on sait (et M. Schweighoeuser en fait l'aveu quelque part) que les yeux d'un éditeur découvrent en pareil cas mille choses qui échappent aux plus clairvoyants, et ce regret est d'autant plus grand, qu'on connaît M. Schweighouser pour un des hommes les plus capables de tirer des manuscrits tout le parti possible, lui qui n'en a presque point touché, où il n'ait fait des découvertes curieuses et utiles.

qu

Mais une réflexion qu'on ne peut s'empêcher de faire sur le sort de ce manuscrit, venu d'Italie en France depuis peu d'années,

(1) M. Schweighouser le fils.

c'est que la grande révolution qui a transporté chez nous tant de monuments des sciences et des arts, tourne promptement au profit des unes et des autres. Ces chefsd'oeuvre de la sculpture antique et du pin-' ceau moderne attiraient, de-là les monts, nos artistes obligés de les étudier à la hâte et de les quitter à regret. Désormais les modèles de l'art ne seront plus séparés de ceux qui les savent reproduire; et, dans Paris, Raphaël a maintenant plus d'élèves, Apollon plus d'adorateurs qu'à Rome même au temps des Césars et des Médicis. Mais ces premiers exemplaires des auteurs anciens, les seuls où l'on retrouve encore, après tant de siècles, les paroles même des maîtres de l'éloquence' et du goût, étaient perdus pour le public, partout ailleurs que dans le lieu où se réunis sent les lumières et tous les secours nécessaires pour en faire usage. Depuis la renaissance des lettres, le charmant recueil de l'Anthologie, et les débris de l'ancienne poésie conservée par Athénée, étaient dans les mains des savants et de tous les amateurs de la belle antiquité, mais défigurés par mille taches que la critique s'efforçait inutilement d'effacer, tandis que Saint-Marc et le Vatican renfers maient ces textes précieux dans l'état le pluapprochant de leur pureté primitive. On ne

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