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fortune, et surtout les sous-officiers semblent peu disposés à entrer en campagne, pensant que c'est contre eux que la guerre se fait. Guilleminot est rappelé pour avoir dit ces choses-là, et son aide-de-camp arrêté comme correspondant de Fabvier. Victor part pour l'armée.

A l'armée une cour (voir là-dessus Feuquières, Mémoires), c'est ce qui a perdu Bonaparte, tout Bonaparte qu'il était. La cour de son frère Joseph sauva Wellington plus d'une fois. Partout où il y a une cour, on ne songe qu'à faire sa cour. Le duc d'Angoulême a carte blanche pour les récompenses, et l'on sait déjà ceux qui se distingueront. Hohenlohe sera maréchal. C'est un Allemand qui à logé les princes dans l'émigration. Il commandera nos généraux, et pas un d'eux ne dira mot. La noblesse de tout temps obéit volontiers même à des bâtards étrangers, comme était le maréchal de Saxe. Les soldats, quant à eux, font peu de différence d'un Allemand à un émigré. Ils l'aimeront autant que Coigny ou Viomenil. Personne ne se plaindra. Jamais, en Angleterre, on ne souffrirait cela. Nous aurons tout l'ancien régime; on ne nous fera pas grâce d'un abus.

PROCLAMATION.

Soldats, vous allez rétablir en Espagne l'ancien régime et défaire la révolution. Les Espagnols ont fait chez eux la révolution; ils ont détruit l'ancien régime, et à cause de cela on vous envoie contre eux; et quand vous aurez rétabli l'ancien régime en ce payslà, on vous ramènera ici pour en faire autant. Or, l'ancien régime, savez-vous ce que c'est, mes amis? C'est, pour le peuple, des impôts; pour les soldats, c'est du pain noir et des coups de bâton; des coups de bâton et du pain noir, voilà l'ancien régime pour vous. Voilà ce que vous allez rétablir, là d'abord, et ensuite chez vous.

Les soldats espagnols ont fait en Espagne. la révolution. Ils étaient las de l'ancien régime et ne voulaient plus ni pain noir ni coups de bâton; ils voulaient autre chose, de l'avancement, des grades ; ils en ont maintenant, et deviennent officiers à leur tour, selon la loi. Sous l'ancien régime, les soldats ne peuvent jamais être officiers; sous la révolution, au contraire, les soldats deviennent officiers. Vous entendez; c'est là ce que les Espagnols on établi chez eux, et qu'on veut empêcher. On vous envoie exprès, de peur que la même chose ne s'établisse ici, et

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que vous ne soyez quelque jour officiers. Partez donc, battez-vous contre les Espagnols; allez, faites-vous estropier, afin de n'être pas officiers et d'avoir des coups de bâton.

Ce sont les étrangers qui vous y font aller. Car le roi ne voudrait pas. Mais ses alliés le forcent à vous envoyer là. Ses alliés, le roi de Prusse, l'empereur de Russie et l'empereur d'Autriche suivent l'ancien régime. Ils donnent aux soldats beaucoup de coups de bâton avec peu de pain noir, et s'en trouvent très bien, eux souverains. Une chose pourtant les inquiète. Le soldat français, disent-ils, depuis trente ans, ne reçoit point de coups de bâton, et voilà l'Espagnol qui les refuse aussi; pour peu que cela gagne, adieu la schlague chez nous, personne n'en voudra. Il y faut remédier, et plus tôt que plus tard. Ils ont donc résolu de rétablir partout le régime du bâton, mais pour les soldats seulement; c'est vous qu'ils chargent de cela. Soldats, volez à la victoire, et quand la bataille sera gagnée, vous savez ce qui vous attend; les nobles auront de l'avancement, vous aurez des coups de bâton. Entrez en Espagne, marchez tambour battant, mêche allumée, au nom des puissances étrangères vive la schlague; vive le bâton;

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point d'avancement pour les soldats, point de grades que pour les nobles.

Au retour de l'expédition, vous recevrez tout l'arriéré des coups de bâton qui vous sont dûs depuis 1789. Ensuite on aura soin de vous tenir au courant.

-La police va découvrir une grande cons piration, qui aura, dit-on, de grandes ramifications dans les provinces et dans l'armée. On nomme déjà des gens qui en seront certainement. Mais le travail n'est pas fait.

GAZETTE DU VILLAGE,

No 4.

Ce journaln'est ni littéraire, ni scientifique, mais rustique. A ce titre il doit intéresser tous ceux que la terre fait vivre, ceux qui mangent du pain, soit avec un peu d'ail, soit avec d'autres mets moins simples. Les rédacteurs sont gens connus, de meurant la plupart entre le pont Clouet et le chêne fendu, laboureurs, vignerons, bûcherons, scieurs de long et botteleurs de foin, dont les opinions, les principes n'ont jamais varié, incapables de feindre ou d'avoir d'auleur propre intérêt, qui, comme chacun sait, est celui de l'état ; tranquilles sur le reste, et croyant qu'eux repus, tout le monde a dîné. Paul-Louis, quelque peu clerc, écoute leurs récits, recueille leurs propos, sentences, dits notables, qu'il couche par écrit, et en fait ces articles, sans y mettre du sien, sans y rien sous-entendre. Il ne faut point chercher ici tant de finesse. Nous nommons par leur

tres vues que

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