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dominerait, et cela ne saurait plaire, quoiqu'en dise Boileau. L'instant du refus, au contraire, offre deux caractères nobles, Manuel et le sergent qui tous deux intéressent, non pas au même degré, mais de la même manière et par le plus bel acte dont l'homme soit capable, résister au pouvoir. De pareils traits sont rares; il faut les recueillir et les représenter, les recommander au peuple. D'autre part, on peut dire aussi que Manuel, Foucault, ses gendarmes donneraient beau coup à penser : et le président derrière la toile; car il est des objets que l'art judicieux......... La constance de Manuel et la bassesse des autres formeraient un contraste; ceux-ci servant des maîtres et calculant d'avance le profit, la récompense toujours proportionnée à l'infamie de l'action; celui-là se proposant l'approbation publique et la gloire

à venir.

Les fournisseurs de l'armée sont tous bons gentilshommes et des premières familles. Il faut faire des preuves pour entrer dans la viande ou dans la partie des souliers. Les femmes y ont de gros intérêts; les maîtresses, les amants partagent; comtesses, du chesses, barons, marquis, on leur fait à tous bon marché des subsistances du soldat. La noblesse autrefois se ruinait à la guerre,

maintenant s'enrichit et spécule très bien sur la fidélité.

Les bateaux venus de Strasbourg à Bayonne par le roulage, coûteront de port cent vingt mille francs et seront trois mois en chemin. Construits en un mois à Bayonne, ils eussent coûté quarante mille francs. Les munitions qu'on expédie de Brest à Bayonne, par terre, iraient par mer sans aucuns frais. Mais il y a une compagnie des transports par terre, dans laquelle des gens de la cour sont intéressés, et l'on préfère ce moyen. Il faut relever d'anciennes familles qui relè→ veront la monarchie si elle culbute en Es pagne.

Les parvenus imitent les gens de bonne maison. Victor, sa femme, son fils, prennent argent de toutes mains. On parle de pots-de-vins de cinquante mille écus. Tout s'adjuge à huis-clos et sans publication. Ainsi se prépare une campagne à la manière de l'ancien régime. Cependant Marcellus danse avec miss Canning.

-La guerre va se faire enfin malgré tout le monde. Madame ne la veut pas. Madame du Cayla y paraît fort contraire. Mademoiselle ayant consulté sa poupée, se déclare pour la paix, ainsi que la nourrice et toutes les remueuses de Monseigneur le duc de Bor

deaux. Personne ne veut la guerre. Mais voici le temps de pâques, et tous le confesseur's refusent l'absolution si on ne fait la guerre; elle se fera donc.

Le duc de Guiche l'autre jour disait dans un salon, montrant le confesseur de Monsieur et d'autres prêtres : Ces cagots nous perdront.

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On me propose cent contre un que nos jésuites ne feront pas la conquête de l'Espagne, et je suis tenté de tenir. Sous Bonaparte, je proposai cent contre un qu'il ferait la cor quête de l'Espagne personne ne tint; jaurais perdu; peut-être cette fois gagnerai-je.

-Mille contes plaisants du héros pacifi cateur, pointes, calembourgs de toutes parts. Il crève les chevaux sur la route de Bayonne, fait, dit-on quatre lieues à l'heure, va plus vite que Bonaparte, mais n'arrive pas sitôt, parce que ses dévotions l'arrêtent en chemin. Il visite les églises et baise les reliques. Le peuple qui voit cela, en aime d'autant moins l'église et les reliques.

Il n'y a pas un paysan dans nos campagnes qui ne dise que Bonaparte vit, et qu'il reviendra. Tous ne le croient pas, mais le disent. C'est entre eux une espèce d'argot, de mot convenu pour narguer le gouvernement. Le peuple haït les Bourbons, parce

qu'ils l'ont trompé, qu'ils mangent un milliard et servent l'étranger, parce qu'ils sont toujours émigrés, parce qu'ils ne veulent pas

aimés.

être

Barnave disait à la reine : il faut vous faire aimer du peuple. Hélas ! je le voudrais, ditelle; mais comment? Madame, il vous est plus aisé qu'il ne l'était à moi. Comment faire? Madame, lui répondit Barnave, tout est dans un mot, bonne foi.

On va marcher, on avancera en Espagne; on renouvellera les bulletins de la grande armée avec les exploits de la garde; au lieu de Murat, ce sera La Roche-Jacquelin. Sans rencontrer personne, on gagnera des batailles, on forcera des villes; enfin on entrera triomphant dans Madrid, et là commence la guerre. Jamais ils ne feront la conquête de l'Espagne. M. Ls.

Je le crois; mais ce n'est pas l'Espagne, c'est la France qu'ils veulent conquérir. A chaque bulletin de Martainville, à chaqne victoire de messieurs les gardes-du-corps, on refera ici quelque pièce de l'ancien régime; et qu'importe aux jésuites que des armées périssent, pourvu qu'ils confessent le roi ?

-A la chambre des pairs, hier quelqu'un disait: Figurez-vous que nos gens en Espa gne seront des saints. Ils ne feront point de

sottises; on paiera tout, et le soldat ne mangera pas une poule qui ne soit achetée au marché. Ordre, discipline admirable; on mènera jusqu'à des filles, afin d'épargner les infantes. La conquête de la Péninsule va se faire sans fâcher personne, et notre armée sera comblée de bénédictions. Là-dessus M. Catelan a pris la parole et a dit : Je ne sais pas comment vous ferez lorsque vous serez en Espagne; mais en France votre conduite est assez mauvaise. Vous paierez là, dites-vous, et ici vous prenez. Voici une réquisition de quatre mille boeufs pour conduire de Toulouse à Pau votre artillerie, qui a ses che vaux; mais ils sont employés ailleurs. Ils mènent les équipages des ducs et des mar quis et des gardes-du-corps. Le canon reste là. Vous y attelez nos bœufs au moment des labours. Vous serez sages en Espagne, à la bonne heure, je le veux croire, et vous agirez avec ordre; mais je ne vois que confusion dans vos préparatifs.

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Guilleminot a fait un rapport dont la substance est que l'armée a besoin de se recruter d'une ou de deux conscriptions, pour être en état, non de marcher, car il n'y a nulle apparence, mais de garder seulement la frontière; que l'état major est bon et fera ce qu'on voudra: mais que les officiers de

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