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Les gens de lettres, en général, dans les emplois, perdent leur talent, et n'appren nent point les affaires. Bolinbroke se repentit d'avoir appelé près de lui Addisson et Steele.

Socrate, avant Boissy d'Anglas, refusa, au péril de sa vie, de mettre aux voix du peuple assemblé une proposition illégale. Ravez n'a point lu cela; car il eût fait de même dans l'affaire de Manuel. Il est vrai que Socrate, président les tribus n'avait ni traitement de ni gendarmerie à ses ordres. Manuel a été grand quatre jours; c'est beaucoup. Que faudrait-il qu'il fit à présent? Qu'il mourût, afin de ne point décheoir.

la

cour 2

- D'Arlincourt est venu à la cour, et a dit: Voilà mon Solitaire et mes autres romans, qui n'en doivent guères au Christianisme de Châteaubriand. Mon galimathias vaut le sien; faites-moi conseiller-d'état au moins. On ne l'a pas écouté. De rage, il quitte le parti, et se fait libéral. C'est le maréchal d'Hocquincourt, jésuite au janséniste, selon l'humeur de sa maîtresse, et l'accueil qu'il reçoit au Louvre.

Ravez maudit son sort, se donne à tous les diables. Il a fait ce qu'il a pu, dans l'affaire de Manuel, pour contenter le parti jésuite. Il n'a point réussi. Ceux qu'il sert lui reprochent de s'y être mal pris, disent que

c'est un sot, qu'il devait éviter l'esclandre, et qu'avec un peu de prévoyance, il eût empêché l'homme d'entrer, ou l'eût fait sortir sans vacarme. Fâcheuse condition que celle d'un valet! Sosie l'a dit; les maîtres ne sont jamais contents. Ravez veut trop bien faire. Hyde de Neuville va mieux, et l'entend à merveille. Je vois, je vois là-bas les ministres de mon roi. Il a son roi comme Pardessus : Mon roi m'a pardonné. Voilà le vrai dévouement. Le dévouement doit être toujours un peu idiot. Cela plaît bien plus à un maître, que ces gens qui tranchent du capable.

Serons-nous capucins, ne le seronsnous pas? Voilà aujourd'hui la question. Nous disions hier: Serons-nous les maîtres du monde?

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Ce matin, me promenant dans le PalaisRoyal, M..ll...rd passe, et me dit: Prends garde, Paul-Louis, prends-garde ; les cagots te feront assassiner. Quelle garde veux-tu, lui dis-je, que je prenne? Ils ont fait tuer des rois; ils ont manqué frère Paul, l'autre Paul, à Venise, Fra Paoolo Sarpi. Mais il l'échappa belle.

Fabvier me disait un jour : Vos phraseurs gâtent tout: voulant être applaudis its mettent leur esprit à la place du bon sens que le peuple entendrait. Le peuple n'entend

point la pompeuse éloquence, les longs rai→ sonnements. Il vous paraît, lui dis-je, aisé de faire un discours pour le peuple; vous croyez le bon sens une chose commune et facile à bien exprimer.

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-Le vicomte de Foucault nous parle de sa race. Ses ancêtres, dit-il, commandaient à la guerre. Il cite leurs batailles et leurs actions d'éclat. Mais la postérité d'Alphane et de Bayard, quand ce n'est qu'un gendarme aux ordres d'un préfet, ma foi, c'est peu chose. Le vicomte de Foucault ne gagné point de batailles; il empoigne les gens. Ces nobles ne pouvant être valets de cour, se font archers ou geôliers. Tous les gardes-ducorps veulent être gendarmes.

Les Mémoires de madame Campan méritent peu de confiance. Faits pour la cour de Bonaparte, qui avait besoin de leçons, ils ont été revus depuis par des personnes intéressées à les altérer. L'auteur voit tout dans l'étiquette, et attribue le renversement de la monarchie à l'oubli du cérémonial. Bien des gens sont de cet avis. Henri III fonda l'étiquette, et cependant fut assassiné. On négligea quelque chose apparemment ce jourlà. L'étiquette rend les rois esclaves de la

cour.

a

Dans ces mémoires il est dit qu'une fille de

garde-robe, sous madame campan femme de chambre, avait dix-huit mille francs de traitement; c'est trente-six mille aujourd'hui. Aussi tout le monde voulait être de la garderobe. Que de gens encore passent la vie à es→ pérer de tels emplois ! Montaigne quelque part se moque de ceux qui, de son temps s'adonnaient à l'agriculture, et à ce qu'il appelle ménage domestique. Allez, disait-il, chez les rois, si vous voulez vous enrichir. Et Démosthènes : Les rois, dit-il, font l'homme riche en un moment, et d'un seul mot; chez vous, Athéniens, cela ne se peut et il faut travailler ou hériter. Qu'on mette à Genève un roi avec un gros budget, chacun quittera l'horlogerie pour la garde-robe ; et, comme les valets du prince ont des valets, qui eux-mêmes en ont d'autres, un peuple se fait laquais. De là l'oisiveté, la bassesse, tous les vices, et une charmante société.

Madame Campan fait de la reine un modèle de toute vertu; mais elle en parlait autrement, et l'on voit dans O'Meara ce qu'elle en disait à Bonaparte; comme, par exemple, que la reine avait un homme dans son lit, la nuit du 5 au 6 octobre, et que cet homme, en se sauvant, perdit ses chausses qui furent trouvées par elle, madame Cam

pan.

Cette histoire est un peu suspecte. M. de la Fayette ne la croit point. Bonaparte a menti, ou madame Campan.

Elle écrit mal, et ne vaut pas madame de Motteville, qui était aussi femme de chambre. Madame du Hausset, autre femme de chambre, va paraître. On imprime ses Mémoires très curieux. Ce sont là les vrais historiens de la monarchie légitime.

Quelqu'un montre une lettre de M. Arguelles où sont ces propres mots : Votre roi nous menace; il veut nous envoyer un prince et cent mille hommes pour régler nos affaires selon le droit divin. Voici notre réponse : Qu'il exécute la Charte, ou nous lui enverrons Mina et dix mille hommes avec le drapeau tricolore; qu'il chasse ses émigrés et ses vils courtisans, parce que nous craignons la contagion morale.

Horace va faire un tableau de la scène de manuel. Mais quel moment choisira-t-il ? Celui où Foucault dit: Empoignez le député. — ou bien quand le sergent refuse? J'aimerais mieux ceci. Car, outre que le mot empoignez ne se peut peindre (grand dommage sans doute), il y aurait là deux ignobles personnages, Foucault et le président, qui à dire vrai n'y était pas, mais auquel on penserait toujours. Dans cette composition, l'odieux

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