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liberté? qui nous l'a donnée? est-ce le peuple, l'oligarchie ou un monarque? mon sentiment, puisqu'un seul homme nous a fait libres, c'est de nous tenir à un seul et de n'innover point aux coutumes de nos pères, sages et bonnes; car ainsi ne nous vaudrait rien. >>

Ces trois avis donc proposés, quatre des sept délibérants se déclarèrent pour le dernier. Alors Otanès qui avait conseillé l'Isonomie, voyant son avis rejeté, se prit à dire au milieu d'eux : « Hommes conjurés, il est sans doute qu'un de nous va devenir roi, soit par le sort, soit par le choix du peuple à qui on s'en remettra, soit de toute autre manière. Je n'entends point pour moi le disputer avec vous. Je ne veux gouverner ni être gouverné; mais je vous cède ici l'empire à une condition pourtant, qui est que nul de vous ne commandera jamais ni à moi, ni aux miens issus de moi à perpétuité. Comme il eut dit ces mots, les six lui oc troyèrent sa demande sur l'heure, moyennant quoi lui se retira du milieu d'eux, s'assit à part et ne concourut point avec eux. Aujourd'hui encore cette maison est la seule en Perse qui soit libre, et n'obéit qu'autant qu'elle veut, sauf les lois et coutumes qu'elle ne peut transgresser.

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Le demeurant des sept tint conseil sur la manière d'élire un roi la plus équitable, et d'abord fut délibéré qu'à Otanès et ceux de sa race (venant la royauté à écheoir à un d'eux sept) serait donné par distinction particulière chaque année un habillement à la médoise et tout ce qui se peut chez les Perses de plus honorable en présent. La cause pourquoi ils voulurent lui faire ces présents, c'est qu'il avait eu le premier dessein du complot et avait assemblé les autres. Tels furent les dons et honneurs décernés à Otanès seul. Pour eux en commun ils réglèrent que toujours qui voudrait des sept entrerait au palais royal sans être annoncé, fors que le roi fût à dormir avec une femme ; que le roi ne pourrait épouser femme qui ne fût de famille d'un des conjurés; et quant à l'élection, voici ce qu'ils résolurent; que celui dont le cheval au lever du soleil hennirait le premier sur l'esplanade, où ils iraient chevaucher le matin, celui-là serait roi. Or avait Darius, parmi ses domestiques, un palfrenier homme de sens, lequel s'appelait OEbarès. Finie la délibération, comme ils se furent séparés, Darius dit à cet homme : «OEbarès, pour élire un roi nous voulons faire ainsi. Nous monterons à cheval. Celui dont le cheval hennira le premier au lever

du soleil aura la royauté. C'est à toi maintenant si tu sais quelque secret, de le mettre en usage pour faire que ce prix tombe à nous et non pas à quelque autre en partage. » Le palfrenier répond : « S'il ne tient qu'à cela', maître, que tu sois roi, aie bonne espérance et t'en remets à moi. J'ai telle drogue au inoyen de laquelle nul autre que toi ne régnera. » Darius repart: S'il est ainsi que tu possèdes tel secret, c'est le temps ou jamais de l'employer. Car au point du jour se fait l'épreuve qui doit décider entre nous. »

Cela entendu, OEbarès s'y prit en cette façon. La nuit venue, il conduisit à l'esplanade une jument, celle qu'aimait davantage le cheval de Darius, l'ayant liée, en fit approcher le cheval de Darius, par plusieurs fois le fit aller et venir au long de cette cavale et même la toucher en passant, puis enfin lui permit de saillir la cavale. Or le jour commençant à poindre, voici venir les six ainsi qu'il était convenu, montés sur leurs chevaux, et eux traversant l'esplanade, comme ils furent vers cet endroit où la nuit passée la cavale avait été liée, là le cheval de Darius se mit à courir et hennir. En même temps on ouït tonner et se vit un éclair sans nuage, qui fut à Darius une sorte d'inaugu ration et comme une voix du ciel se déclarant

pour lui, Les autres aussitôt sautant à bas de leurs chevaux adorèrent Darius et l'appeèrent roi.

Aucuns ainsi content l'invention que trouva OEbarès, mais d'autres disent, et de fait la chose en deux façons se raconte par les Perses, qu'il tint sa main cachée sous ses bragues, l'ayant frottée d'abord aux parties de la cavale, jusqu'à ce que le matin les che vaux allant partir, il sortit cette main, la porta aux narines du cheval de Darius et la lui fit sentir, lequel aussitôt se prit à souffler et hennir.

Darius donc fils d'Hystaspès fut déclaré roi et tous les peuples de l'Asie hors les Arabes lui obéirent, soumis par Cyrus premièrement et par Cambyse après. Les Arabes oncques n'obéirent aux Perses comme esclaves, mais furent leurs hôtes depuis qu'ils eurent fait passer en Egypte Cambyse; jamais les Perses. n'eussent su, malgré les Arabes, avoir entrée en Egypte.

Ses premières femmes Darius les prit étant roi chez les Perses, deux filles de Cyrus, Atossa et Artystone, l'une Atossa mariée d'abord à Cambyse son frère, l'autre Artystone encore vierge. Il épousa aussi une fille de Smerdis fils de Cyrus, appelée Parmys, aussi eut la fille d'Otanès, celle-là qui recon

mut le mage, et tout fut plein de sa puissance. Il fit faire au commencement et dresser un type de pierre, où pour figure il y avait un homme à cheval, et y fit engraver des lettres qui disaient: Darius fils d'Hystaspès, par la vertu de son cheval (disant le nom) et d'OEbarès son palfrenier, obtint la royauté des Perses.

Cela fait il établit en Perse vingt gouvernements que là ils appellent Satrapies....

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