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propos des Samiens, parce que les trois plus grands ouvrages de la Grèce entière sont faits par eux. D'une montagne haute de cent cinquante orgyes, la fosse ou trouée, commençant d'en-bas avec double ouverture, sept stades sont la longueur de la fosse, hauteur huit pieds, largeur égale; par le milieu de celle-ci une autre fosse de bout en bout a de profondeur vingt cou dées, trois pieds de large, par où l'eau d'une grosse source est conduite jusqu'à la ville dans des tuyaux; 'de laquelle fosse ou trouée l'architecte était de Mégare, Eupalinus, fils de Naustrophus, et voilà un des trois ou vrages; le second, c'est une levée dans la mer autour du port, profondeur quelques vingt orgyes, longueur de la levée, plus de deux stades; le troisième qu'ils ont fait, est un temple le plus grand de tous les temples connus, dont fut le premier architecte Rhocus, fils de Philès, né du pays; pour cela j'ai voulu davantage m'étendre au sujet des Samiens,

Cependant que Cambyse séjournait en Egypte, faisant tels actes de démence, deux hommes se rebellent contre lui, tous deux mages et frères, dont l'un avait été par lui laissé gouverneur de sa maison. Il se souleva parce qu'il vit la mort de Smerdis tenue

secrète, que peu en étaient informés; la plupart même des Perses le croyaient encore en vie prenant son parti là-dessus, il attente à la royauté. Il avait un frère que j'ai dit s'être soulevé avec lui, tout-à-fait semblable de visage à Smerdis, fils de Cyrus, celui que Cambyse son frère avait fait mourir. Il ressemblait donc à Smerdis, et de plus avait nom comme lui Smerdis : cet homme, à la persuasion du mage Patizithès son frère, qui se faisait fort de lever toute difficulté, se laissa conduire et placer sur le siége royal, et cela fait Patizithès envoie des hérauts partout, et en Egypte aussi, mandant à l'armée d'obéir à Smerdis, fils de Cyrus, et non plus à Cambyse. Les autres hérauts proclamèrent cela où ils allèrent, et aussi fit celui qui alla en Egypte; il trouva Cambyse et l'armée à Ecbatane de Syrie, et debout au milieu, proclama ce qu'avait ordonné le mage. Cambyse entendant cela, et pensant être vrai le dire du héraut, et que Prexaspès l'avait trahi en ne tuant pas Smerdis quand il en avait l'ordre, regarda Prexaspès, au visage, et lui dit : « Ainsi as-tu fait, Prexaspès, le devoir que je t'imposai? » L'autre dit : « Maî tre, il n'est pas vrai, et ne peut être que Smerdis ton frère se révolte aujourd'hui,

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ni que jamais il ait querelle avec toi, grande ni petite; car moi-même ayant fait comme tu commandais, l'ai enseveli de mes propres 'mains si à présent les morts reviennent, attends-toi de voir revenir aussi le Mède Astyagès; mais il s'en va comme devant et selon l'ordre de nature, oncques de lui nulle nouveauté ne s'élèvera contre toi. Or, à cette heure, mon avis est qu'il convient appeler le héraut, afin de savoir par quel ordre il nous vient ici proclamer obéissance au roi Smerdis. »

Ainsi fut fait, la chose approuvée par Cambyse, le héraut mandé arriva, et venu Prexaspès l'interroge : « Homme qui te dis messager de Smerdis, fils de Cyrus, confesse ici la vérité et tu t'en iras sans nul mal; est-ce lui Smerdis, qui présent à tes yeux, t'a donné cet ordre, ou quelqu'un de ses serviteurs? » l'autre répond: « Je n'ai point vu, depuis que le roi Chambyse est parti pour l'Egypte, Smerdis fils de Cyrus; le inage que Cambyse a laissé pour gouverneur de sa maison, m'a dépêché ici, disant que c'était Smerdis fils de Cyrus, qui me commandait de parler à vous comme j'ai fait. Cambyse alors : « Prexaspès, en homme de bien tu as fait mon cominandement, et partant tu es sans reproche; mais qui

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donc est celui des Perses qui se rebelle contre moi, usurpant le nom de Smerdis?» lui à cela repart : « Je pense deviner, ô roi, ce qui se passe; les révoltés, ce sont 'les mages, celui que tu laissas gouverneur de ta maison et son frère Smerdis. »

Alors que Cambyse entendit le nom de Smerdis, lors le frappa la vérité, tant de ce discours que du songe où il avait cru recevoir nouvelles de Smerdis assis sur le siége royal, et qui de sa tête touchait le ciel. Connaissant donc que sans raison il avait fait mourir son frère, il pleura Smerdis, et le pleurant, se déconfortant du Imalheur de toute cette aventure, il saute sur son cheval en délibération de marcher promptement contre le mage à Suses; et comme il sauta sur le cheval, du fourreau de son sabre tombe le champignon, le sabre nud le blesse à la cuisse; ainsi atteint au même endroit où il avait blessé le dieu d'Egypte Apis, sentant sa plaie mortelle, s'enquit comment s'appelait la ville: on lui dit Ecbatane. Un oracle jadis lui était venu de Buto, qu'il finirait sa vie à Ecbatane, pourquoi il pensait devoir mourir vieux à Ecbatane en Médie, où étaient toutes ses affaires; mais alors on vit bien que l'oracle entendait Ecbatane de Syrie; et comme Cam

byse eut appris le nom de la ville où il était, l'aventure du mage et sa blessure l'ayant étonné vivement, sa raison s'en trouva remise, et comprenant la prédiction, il dit : « Ici s'en va mourir Cambyse fils de Cyrus. » Ce fut tout pour lors, mais au bout de quelque vingt jours, ayant mandé près de lui tous les plus apparents des Perses, il leur dit:

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« Force m'est à cette heure, ô Perses, de déclarer devant vous la chose que plus je voulois tenir cachée; car étant en Egypte, j'eus en songe une vision, cause de notre mal

heur; il me fut avis que je voyais un messager venu de chez moi, m'annoncer que Smerdis assis sur le siége royal, touchait de sa tête le ciel; pourquoi appréhendant que mon frère ne m'otât l'empire, je fis plus vite que sagement. Aussi ne peut l'humaine faiblesse détourner le mal à venir. Insensé lors, j'envoie à Suses Prexaspès tuer Smerdis, et après un si grand méfait, je vivais sans peur, ne pensant pas que jamais personne, lui mort, se pût soulever contre moi; mais ayant failli à comprendre ce qui m'était prédit, je fus mal à propos meurtrier de mon frère et n'en perds pas moins mon empire; car c'était le mage Smerdis que la divinité me montrait dans cette vision se devoir contre moi rebeller. La chose est faite toutefois, et comptez que vous n'avez

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