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TRAGÉDIE

DE RACINE.

Chez

A PARIS,

BELIN, Libraire, rue Saint-Jacques, près Saint-Yves,

BRUNET, Libraire, rue de Marivaux,

Place du Théatre Italien.

M. DCC. LXXXVII,

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1-30-1927

PRÉF A CE.

IL n'y a gueres de nom plus connu que celui de

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Mithridate. Sa vie et sa mort font une partie considérable de l'Histoire Romaine; et, sans compter les victoires qu'il a remportées on peut dire que ses seules défaites ont fait presque toute la gloire de trois des plus grands Capitai nes de la République : c'est à savoir, de Sylla, de Lucullus et de Pompée. Ainsi je ne pense pas qu'il soit besoin de citer ici mes Auteurs ; car, excepté quelques événemens que j'ai un peu rapprochés par le droit que donne la Poésie, tout le monde reconnoîtra aisément que j'ai suivi l'Histoire avec beaucoup de fidelité. En effet, il n'y a gueres d'actions éclatantes dans la vie de Mithridate qui n'aient trouvé place dans ma Tragédie. J'y ai inséré tout ce qui pouvoit mettre en jour les mœurs et les sentimens de ce Prince ; je veux dire, sa haine violente contre les Romains, son grand courage, sa finesse, sa dissie

mulation, et enfin cette jalousie qui lui étoit s naturelle, et qui a tant de fois coûté la vie à ses maîtresses. La seule chose qui pourroit n'être pas aussi connue que le reste, c'est le dessein que je lui fais prendre de passer dans l'Italie. Comme ce dessein m'a fourni une des scenes qui ont le plus réussi dans ma Tragédie, je crois que le plaisir du Lecteur pourra redoubler, quand il verra que presque tous les Historiens ont dit ce que je fais dire ici à Mithridate.

Florus, Plutarque et Dion Cassius nomment les pays par où il devoit passer. Appien d'Alexandrie entre plus dans le détail; et après avoir marqué les facilités et les secours que Mithridate espéroit trouver dans sa marche, il ajoute que ce projet fut le prétexte dont Pharnace se servit pour faire révolter toute l'armée, et que les soldats effrayés de l'entreprise de son pere, la re garderent comine le désespoir d'un Prince qui ne cherchoit qu'à périr avec éclat.

Ainsi elle fut en partie cause de sa mort, qui est l'action de ma Tragédie. J'ai encore lié ce dessein de plus près à mon sujet. Je m'en suis servi pour faire connoître à Mithridate les secrets

sentimens de ses deux fils. On ne peut prendre trop de précaution pour ne rien mettre sur le Théatre qui ne soit très-nécessaire; et les plus belles scenes sont en danger d'ennuyer du moment qu'on les peut séparer de l'action, et qu'elles l'interrompent, au lieu de la conduire vers sa fin.

Voici la réflexion que fait Dion Cassius sur ce dessein de Mithridate : « Cet homme étoit véri» tablement né pour entreprendre de grandes » choses. Comme il avoit souvent éprouvé la » bonne et la mauvaise fortune, il ne croyoit » rien au-dessus de ses espérances et de son au

dace, et mesuroit ses desseins bien plus à la » grandeur de son courage, qu'au mauvais état » de ses affaires, bien résolu, si son entreprise

ne réussisoit point, de faire une fin digne » d'un grand Roi, et de s'ensevelir lui-même » sous les ruines de son Empire, plutôt que de » vivre dans l'obscurité et dans la bassesse. >>

J'ai choisi Monime entre les femmes que Mithridate a aimées. Il paroît que c'est celle de toutes qui a été la plus vertueuse, et qu'il a aimée le plus tendrement. Plutarque semble avoir

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