On fait triftement grande chère, Sans dire et fans écouter rien, Tandis l'hébété vulgaire que Vous affiége, vous confidère, Et croit voir le fouverain bien. Le lendemain, quand l'hémisphère Eft brûlé des feux du foleil, On s'arrache aux bras du fommeil, Sans favoir ce que l'on va faire. De foi-même peu fatisfait, O temps, ô perte irréparable! Quel eft l'inftant où nous vivons! Quoi! la vie eft fi peu durable, Et les jours paraîtraient fi longs! Princeffe, au - deffus de votre âge, De deux cours auguste ornement, Vous employez utilement Ce temps qui fi rapidement Trompe la jeuneffe volage, Vous cultivez l'efprit charmant Que vous a donné la nature; Les réflexions, la lecture En font le folide aliment Et fon ufage eft fa parure, S'occuper, c'eft favoir jouir: L'ame eft un feu qu'il faut nourrir, XI V. IMPROMPTU Fait à un fouper dans une cour d'Allemagne. Il faut penfer, fans quoi l'homme devient, Malgré fon ame, un vrai cheval de fomme: Il faut avoir douce fociété De gens favans, inftruits fans fuffifance, Sans quoi les jours font plus longs qu'on ne penfe. Il faut avoir un ami qu'en tout temps Il faut, le foir, un fouper délectable, Où l'on foit libre, où l'on goûte à propos Les mets exquis, les bons vins, les bons mots; Et fans être ivre il faut fortir de table. Il faut, la nuit, tenir entre deux draps Mes chers amis, avouez que voilà Sans VARIANTE. (a) Il faut, la nuit, dire tout ce qu'on fent Au tendre objet que votre cœur adore ; Se réveiller pour en redire autant, Se rendormir pour y fonger encore. X V. AU ROI DE PRUSSE. La mère de la mort, la vieilleffe pefante, A de fon bras d'airain courbé mon faible corps; Je brave vos affauts, redoutable vieilleffe ; Je vis auprès d'un fage, et je ne vous crains pas : Il vous prêtera plus d'appas Que le plaifir trompeur n'en donne à la jeuneffe. Coulez, mes derniers jours, fans trouble, fans terreur; Ma raison qu'il éclaire en eft plus intrépide ; O philofophe roi, que ma carrière eft belle! J'irai de Sans Souci, par des chemins de fleurs, Aux champs élyfiens parler à Marc-Aurèle Du plus grand de fes fucceffeurs. A Sallufte jaloux je lirai votre histoire, A Lycurgue vos lois, à Virgile vos vers ; Je furprendrai les morts; ils ne pourront me croire : Nul d'eux n'a raffemblé tant de talens divers. Mais, lorfque j'aurai vu les ombres immortelles, N'allez pas après moi confirmer mes récits. Vivez, rendez heureux ceux qui vous font foumis, Et n'allez que fort tard auprès de vos modèles. X V I. A MADAME DENIS. Aux Délices, 1755. L'ART n'y fait rien: les beaux noms,lesbeaux lieux, Très-rarement nous donnent le bien-être. J'ai vu jadis l'abbesse de la Joie, Il n'en eft pas ainfi de mes retraites: |