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Aux remparts de Platée, aux murs de Salamine;
Que, fortant des débris qui couvrent sa ruine,
Athènes reffufcite à ta puiffante voix!

Rends-luifon nom, fes dieux, fes talens et fes lois. Les defcendans d'Hercule, et la race d'Homère, Sans cœur et fans efprit couchés dans la pouffière,

Miltiade et neuf autres chefs fes collégues, qui n'avaient que dix mille athéniens contre cent mille hommes de pied et dix mille cavaliers, commandés par les généraux du roi de Perfe Darius. Cet événement reffemble à la bataille de Poitiers; mais ce qui rend la victoire des Grecs plus étonnante, c'est qu'ils n'étaient point retranchés comme les Anglais l'étaient auprès de Poitiers, et qu'ils attaquèrent les ennemis. Au refte il n'est pas bien sûr que les Perfes fuffent au nombre de cent dix mille; il faut toujours rabattre de ces exagérations.

La bataille de Salamine eft un combat naval dans lequel Themistocle défit la flotte de Xerxès, après que ce monarque eut réduit en cendres la ville d'Athènes. Cette journée eit encore furprenante; les Athéniens, avant cette guerre, n'avaient jamais combattu fur mer.

C'est à peu-près ainfi que la petite flotte de l'impératrice Catherine II, fous le commandement du comte Alexis Orlof, a détruit entièrement la flotte ottomane le 6 juin 1770, Le nom d'Orlof n'est pas fi harmonieux que celui de Miltiade, mais doit aller de même à la postérité.

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La journée de Platée eft semblable à celle de Marathon. Ariftide et Paufanias, avec environ soixante mille grecs, défirent entièrement une armée de cinq cents mille Perfes, felon Diodore de Sicile; fuppofé qu'une armée de cinq cents mille hommes ait pu se mettre en ordre de bataille dans les défilés dont la Gréce eft coupée. Mardonius, chef de l'armée perfane, y fut tué; fuppofé qu'un perfe fe foit jamais appelé Mardonius, ce qui eft auffi ridicule que fi on l'avait appelé Villars ou Turenne..

Xerxès poffédait les mêmes pays que Moustapha. Le comte de Romanzow a battu le grand vifir turc, comme Paufanias et Aristide battirent celui de Xerxès; mais il n'a pas eu à faire à cinq cents mille turcs : nous fomines plus modeftes aujourd'hui.

A leurs divins aïeux craignant de reffembler,
Sont des fripons rampans qu'un aga fait trembler. (3)
Ainfi dans la cité d'Horace et de Scévole,

On voit des récollets aux murs du Capitole.
Ainfi cette Circé, qui favait dans fon temps
Difpofer de la lune et des quatre élémens,
Gourmandant la nature au gré de fon caprice,
Changeait en chiens barbets les compagnons d'Ulysse.
Tu changeras les Grecs en guerriers généreux ;
Ton efprit à la fin se répandra fur eux.

Ce n'eft point le climat qui fait ce que nous fommes.

Pierre était créateur, il a formé des hommes. Tu formes des héros..... Ce font les fouverains Qui font le caractère et les mœurs des humains. Un grand homme du temps a dit dans un beau livre : Quand Augufte buvait, la Pologne était ivre. (4) Ce grand homme a raison. Les exemples d'un roi Feraient oublier DIEU, la nature et la loi. Si le prince eft un fot, le peuple est fans génie.

(3)

Sont des fripons rampans, &c.

Ceci ne doit pas s'entendre de tous les Grecs, mais de ceux qui n'ont pas fecondé les Ruffes comme ils devaient. (4) Quand Augufte buvait, la Pologne était ivre.

Ce vers cité eft du roi de Pruffe: il eft dans une épître à fon frère.

Lorfqu'Augufte buvait, la Pologne était ivre ;
Lorfque le grand Louis brûlait d'un tendre amour,
Paris devint Cythère, et tout fuivit la cour:
Quand il le fit dévot, ardent à la prière,

Le lache courtifan marmota fon bréviaire.

Qu'un

Qu'un vieux fultan s'endorme avec l'ignominie Dans les bras de l'orgueil et d'un repos fatal, Ses bachas affoupis le ferviront fort mal.

Mais CATHERINE veille au milieu des conquêtes; Tous fes jours font marqués de combats et de fêtes; Elle donne le bal, elle dicte des lois,

De fes braves foldats dirige les exploits,

Par les mains des beaux arts enrichit son empire, Travaille jour et nuit et daigne encor m'écrire; Tandis que Moustapha, caché dans fon palais, Bâille, n'a rien à faire, et ne m'écrit jamais.

frappée ;

Si quelque chiaoux lui dit que fa hauteffe A perdu cent vaiffeaux dans les mers de la Grèce, Que fon vifir battu s'enfuit très - à propos, Qu'on lui prend la Dacie, et Nimphée et Colchos, Colchos où Mithridate expira fous Pompée, (5) De tous ces vains propos fon ame eft peu Jamais de Mithridate il n'entendit parler. Il prend fa pipe, il fume; et, pour se consoler, Il va dans fon harem, où languit fa maîtresse, Fatiguer fes appas de fa molle faibleffe. Son vieil eunuque noir, témoin de fon tranfport, Lui dit qu'il eft Hercule; il le croit et s'endort.

(5) Colchos on Mithridate expira fous Pompie.

Pompée défit Mithridate fur la route de l'Ibérie à la Colchide mais Mithridate le donna la mort à Panticapée.

Epitres.

Y

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O fageffe des Dieux ! je te crois très-profonde;
Mais à quels plats tyrans as- tu livré le monde !
Achève, CATHERINE, et rends tes ennemis,
Le grand turc et les fots éclairés et foumis.

EPITRE

XCIX.

AU ROI DE SUEDE,

GUSTA V E III.

1771.

GUSTAVE, jeune roi, digne de ton grand nom,

Je n'ai donc pu goûter le plaifir et la gloire

De voir dans mes déferts, en mon humble maifon,
Le fils de ce héros que célébra l'hiftoire !

J'aurais cru reffembler à ce vieux Philémon
Qui recevait les Dieux dans fon pauvre ermitage.
Je les aurais connus à leur noble langage,

A leurs mœurs, à leurs traits, fur-tout à leur bonté ; (1)
Ils n'auraient point rougi de ma fimplicité ;
Et Guftave fur-tout, pour le prix de mon zèle ;
N'aurait jamais changé mon logis en chapelle.
Je ferais peu content que le pouvoir divin
En un dortoir béni transformât mon jardin,
De ma falle à manger fît une facriftie.

La grand'meffe pour moi n'a que peu d'harmonie.

(1) Le prince fon frère était avec lui.

En vain mes chers vaffaux me croiraient honoré,
Si le feigneur du lieu devenait leur curé.
J'ai le cœur très-profane, et je fais me connaître;
Je ne me flatte pas de me voir jamais prêtre.
Si Philémon le fut pour un mauvais fouper,
L'éclat de ce haut rang ne faurait me frapper.

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de DIEU.

Legrand roi des Bretons, qu'à St Pierre on condamne,
Eft le premier prélat de l'Eglife anglicane.
Sur les bords du Volga Catherine tient lieu
D'un grave patriarche, ou, fi l'on veut,
De cette ambition je n'ai point l'ame éprife,
Et je fuis tout au plus ferviteur de l'Eglife..
J'aurais mis mon bonheur, à te faire ma cour,
A contempler de près tout l'efprit de ta mère
Qui forma tes beaux ans dans le grand art de plaire,
A revoir Sans -fouci, ce fortuné féjour
Où règnent la victoire et la philofophie,
Où l'on voit le pouvoir avec la modeftie.
Jeune héros du Nord, entouré de héros,
A ces nobles plaifirs je ne puis plus prétendre:
Il ne m'eft pas permis de te voir, de t'entendre.
Je reste en ma chaumière, attendant qu'Athropos
Tranche le fil ufé de ma vie inutile;

Et je crie aux deftins, du fond de mon afile:
Deftins, qui faites tout, et qui trompez nos vœux,
Ne trompez pas les miens; rendez GUSTAVE heureux. "

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