Page images
PDF
EPUB

été général en chef et quand on est Président d'un peuple de trente-huit millions d'âmes, on peut fort bien n'être pas littérateur. L'amortissement de la dette nationale s'effectue rapidement et tellement bien que la réduction s'en chiffre mensuellement par millions. Les Etats disloqués par la guerre de la sécession reprennent une physionomie plus harmonique; et, si des esprits maladroits ne viennent réveiller les anciennes inimitiés, on peut comp ter sur les progrès de la reconstruction.

En somme, la position financière est relativement bonne et va s'améliorant constamment. La politique intérieure semble assez calme pour le présent; mais, pour l'avenir, rien ne nous assure que les intérêts hétérogènes qui travaillent sourdement les Etats confédérés n'amèneront pas un renversement d'équilibre.

Le roi de Prusse n'est pas le seul personnage qui ait des ambitions d'agrandissement territorial. Demandez au Président Grant ce qu'il pense de l'Ile St. Domingue et de quelques centaines de pieds de terrain au nord de Pembina. Demandez lui pourquoi il fait si souvent les yeux doux à Cuba, la perle des Antilles, et quelquefois au Mexique qu'il voudrait englober dans l'unité Américaine. Demandez lui pourquoi il trouve le Canada si revêche, malgre les fulminations qu'il lui adresse périodiquement. C'est qu'au ford, il n'est guidé que par des idées d'ambition et d'exclusivisme égoïste. L'occasion se présentait trop opportunément dans son Message pour qu'il n'y préconisât pas les principes de la doctrine Monroe.

Dans l'exposition de sa politique extérieure, il daigne jeter un regard sur nous, et, mieux que cela, c'est à nous qu'il a consacré le paragraphe le plus long de son Message. Aurions-nous par hasard grandi de trente coudées depuis l'existence de la confédération.

C'est sans doute un grand honneur qu'il nous a fait là. Mais il nous a fallu dissiper vite nos illusions quand on l'a entendu dans un langage acerbe et impératif nous rudoyer de la plus belle manière. Ce n'est pas ainsi que nous comprenons les maximes du bon voisinage.

Qu'avons-nous fait pour attirer sur nous une si lourde disgrâce dont l'abrogation du traité de Réciprocité n'était que le prélude? Nos voisins avaient prétendu nous ruiner en abrogeant ce traité et voilà qu'ils s'aperçoivent qu'ils sont les perdants à ce jeu de basse jalousie. Le projectile qu'ils ont lancé en plein air leur est retombé sur la tête. Qu'y faire? C'est leur œuvre, et qu'ils subissent les inconvénients de leurs imprudences.

Que penser du Président Grant lorsqu'il se pose en professeur de droit international en émettant ses idées au sujet de la libre navigation du Saint Laurent? Cette voie naturelle vers l'océan est

ouverte à tout vaisseau qui veut s'y aventurer. Mais cette voie a aussi ses obstacles naturels, les chutes et les rapides, avec lesquels il faut compter. Et vouloir s'approprier le droit de passage en franchise par nos canaux n'annoncerait rien moins que des prétentions absurdes.

Et puis comment apprécier sa politique de représailles, lorsqu'il propose de prohiber le transit par le territoire américain des marchandises à destination du Canada, et d'empêcher les vaisseaux de la Puissance d'entrer dans les eaux de la République? Cela suffit pour donner une idée passablement médiocre de son libéralisme et de sa hauteur d'intelligence.

Mais là n'est point le plus gros de la difficulté pour le moment. Les américains ont trouvé qu'il était malséant de notre part d'affirmer nos droits et de rejeter leurs prétentions sur la question des pêcheries. Il ne leur a pas suffi de poser des entraves au commerce, et ils ont voulu prendre sur nos ropres eaux leurs grands airs de souveraineté. Ce fait par trop audacieux est maintenant refréné grâce aux mesures prises par le parlement fédéral à sa dernière. session. De là les hauts cris qu'ils font entendre chaque fois que nous capturons leurs vaisseaux de pêcheries. Et par une fausse interprétation du traité de 1818, conclu entre l'Angleterre et les EtatsUnis, ils osent donner à leurs menaces certaines nuances de droits. Qui sait si l'Angleterre, en prévision des complications européennes, ne sacrifiera pas les intérêts de la confédération pour satisfaire leurs exigences?

On sait ce que valent les liens d'affection entre pays et même entre colonies. On peut baser les plus belles théories sur cette idée là, mais lorsque les intérêts sont en jeu, le sentimentalisme n'est qu'un nom sans aucune portée.

A la chambre provinciale d'Ontario, les séances de la session actuelle ont été inaugurées par le discours du trône du LieutenantGouverneur Howland. Pas n'est besoin de dire que la décision arbitrale au sujet de la répartition des dettes de la ci-devant Province du Canada a été approuvée par lui carrément et sans ambages. Il considère cette décision comme finale et croit que sur ce point, Ontario n'a qu'à se réjouir et à rendre des actions de grâces. Réjouissances hâtives, sans doute! Car ici les tempêtes que ce jugement a soulevées sont loin d'être apaisées. On a réclamé d'une marière plus énergique et plus menaçante que jamais; et la protestation solennelle qui a été expédiée au gouverneur général de

la Puissance annonce que la Province de Québec a pris une résolution mâle et inflexible.

C'est notre devoir de constater que les principaux membres réformistes de la législature d'Ontario ne voient pas du même œil que le gouverneur et ses ministres le mode inique avec lequel le partage de la dette publique a été effectué. M. Blake, chef de ce parti, n'a pas craint de déclarer hautement que l'action du gouver nement d'Ontario dans cette importante matière de finances avait été prématurée et que le retrait de l'arbitre de Québec, avant la décision arbitrale, enlevait beaucoup de "force morale" à ce jugement. M. Blake ne croit pas que sa province ait obtenu plus que de droit, mais il dit qu'elle doit être assez forte et assez généreuse pour réparer aucun tort qui aurait pu nous être causé. Si le cabinet de M. Sandfield McDonald avait des vues aussi élevées, il serait possible de s'entendre, mais il regarde cette décision ex parte comme irrévocablement rendue. On veut même se servir des paroles si équitables de M. Blake pour le démolir au point de vue politique, en le déclarant traitre aux intérêts de sa province. On ne peut que condamner de telles manœuvres de parti.

Les conditions financières d'Ontario sont des plus prospères. Les fonds du budget provincial seront employés à améliorer le système des écoles communes, à promouvoir l'éducation agricole, industrielle et commerciale, à donner une forte impulsion aux communications par voies ferrées et à attirer, comme par le passé, un courant d'immigration qui puisse lui conserver la prépondérance acquise. Tel est en résumé, à part l'expédition des bills pri vés, le programme des travaux de cette session.

Avec un pareil canevas et avec ses immenses ressources, la Province avait droit de formuler les plus belles espérances pour l'avenir. La richesse et le progrès matériel rendent les états florissants; mais cela ne suffit pas, il faut encore cet esprit de justice qui leur donne la force morale.

EUSTACHE PRUD'HOMME.

BIBLIOGRAPHIE.

Personal and Military History of Philip Kearny, by J. Watts de Peyster, New-York, Rice and Gage, publishers 1869.

516 pages,

Un livre nouveau m'arrive de New-York. C'est l'histoire de l'un des plus intrépides officiers des armées américaines qui a figuré notamment au Mexique et ensuite dans la guerre de sécession.

Imprimé avec soin, orné de gravures, relié superbement, ce livre attire tout d'abord l'attention. Quand on le lit, on suit avec intérêt les diverses phases de la carrière du héros dont il décrit les exploits. Je vais essayer d'en donner une idée aux lecteurs de la Revue:

Philip Kearny était un fils de ces anciennes familles américaines qui conservent encore la tradition des premiers temps de la colonie, et qui, de père en fils, remplissent dans leur pays des charges honorables et importantes. Il s'est montré digne de sa lignée, comme il est facile de s'en convaincre en voyant ses brillants états de services.

De 1837 à 1839, il fit ses premières campagnes, dans le Fur West, où son jugement prompt et calculé attira l'attention de plusieurs personnes notables. Puis il passa en France, y suivit le cours d'instruction de cavalerie de Saumur, se rendit en Algérie où il servit avec le grade de lieutenant contre les Kabyles, acquit une grande connaissance de la conduite de la cavalerie dans les guerres irrégulières des bois, des montagnes et des plaines, si nécessaire au Mexique, en Algérie et dans le Far West; de là, il revint dans son pays natal, fit partie de l'expédition de 1845 vers les Montagnes-Rocheuses, fut attaché, l'année suivante, à l'état-major du général Scott, dans la fameuse guerre qui aboutit à la prise de Mexico, se couvrit de gloire et revint dans sa famille avec un bras de moins mais ayant obtenu un grade élevé et, ce qui vaut encore mieux, l'estime de ses chefs et de l'armée. A cette époque le major Philip Kearny était une célébrité militaire et les Etats-Unis le considéraient comme une de leurs grandes ressources pour l'avenir, en cas d'une guerre quelconque.

La paix l'ayant rendu à lui-même, nous le retrouvons à Paris en 18591860, rendant des services à la cause des Etats Unis du Nord; puis comme

volontaire il se bat à Solferino, est décoré de la Légion d'honneur, accourt immédiatement après cela à l'appel de son pays, exerce des commandements de plus en plus considérables pendant la guerre de sécession et meurt majorgénéral, entouré de l'estime de tous ceux qui, de loin ou de près, ont pu l'apprécier.

Une aussi belle vie méritait la reconnaissance de l'histoire. Un parent de Kearny, le major-général Watts de Peyster, écrivain distingué et membre de plusieurs sociétés savantes, a recueilli les documents qui se rattachent à la carrière du héros. C'est ce livre qui m'occupe aujourd'hui.

Avec le temps, le jour se fera tout à fait sur les personnages qui ont figuré dans la lutte mémorable de la sécession. Le monde s'est étonné en voyant que les Américains ont pu trouver au besoin parmi eux nombre d'officiers à qui le métier des armes semblait chose facile et déjà connue, mais en étudiant de plus près ce point si important, l'on verra que la plupart des chefs de leurs armées étaient, comme Kearny, de véritables hommes de guerre, formés à bonne école et restés dans l'ombre, faute d'une occasion pre à révéler leurs talents. L'habitude, assez sage d'ailleurs, que nous avous aptée de ne pas croire ce que disent les gazettes nous a empêché d'apprécier à leur valeur les célébrités de l'armée américaine, mais en changeant de genre de lecture, c'est à-dire en consultant les livres qui ont été écrits là dessus, il n'est pas possible de ne pas changer aussi d'opinion et de ne pas accorder notre admiration aux chefs dont la renommée est désormais liée aux noms des grandes batailles de la guerre contre le Sud. Kearny était regardé par ses compagnons d'armes comme le Murat amé ricain. Sa bravoure atteignait les limites du possible, et l'on cite de iui des charges de cavalerie qui ressemblent absolument aux élans téméraires du fougueux roi de Naples. C'est ainsi qu'il arriva un jour, suivi de quelques cavaliers jusqu'aux portes de Mexico, où il se trouva entouré par les fuyards de l'armée ennemie, combattant toujours, recevant des coups de tous les côtés, les rendant avec usure et poussant son cheval jusque dans la place. Il perdit un bras en ce lieu, mais le premier il avait pénétré sabre en main dans la ville assiégée et cela suffisait à son ambition de soldat.

BENJAMIN SUlte.

Etudes biographiques: M. Pabbé Raimbault, archi-prêtre, curé de Nicolet, etc., M. l'abbé Leprohon, archi-prêtre, directeur du Séminaire de Nicolet, etc. Québec, Augustin Côté et Cie, Imprimeurs-Editeurs.

Les lettres canadiennes s'enrichissent tous les jours de quelques précieuses et importantes productions. Il y a quelques mois la presse signalait à l'attention publique un roman plein de verve et d'originalité, dû à la plûme d'un jeune écrivain de talent et d'avenir, M. Marmette. Hier encore, un autre livre rempli de causeries amusantes, d'histoires et de travaux remarquables par le fond et la forme, venait offrir, aux amis de la littérature, une nouvelle occasion d'encourager le talent et de récompenser le travail d'un écrivain déjà bien connu et apprécié du public, M. le Dr. LaRue.

Aujourd'hui une œuvre nouvelle vient encore de s'ajouter à notre précieuse collection d'ouvrages historiques. Les deux études biographiques de M. l'abbé Raimbault et de M. l'abbé Leprohon, publiées chez Côté et Cie, seront lues avec plaisir, nous n'en doutons pas, par tous les amis de l'édu cation, spécialement par ceux qui forment partie de la grande famille des

« PreviousContinue »