Page images
PDF
EPUB

vos poëtes favoris. Je voudrais bien citer l'un de ces vers, et ma mémoire le cherche en vain. N'importe, voici la fin du vers c'est le principal: Sic itur ad astra! Vous avez le vrai moyen de monter aux cieux?

Le 2 février 1868, Mgr. Charles LaRocque lui remettait le Pal lium, insigne et marque de la dignité archiepiscopale. Tout le monde a encore présent à l'esprit la belle démonstration de l'automne dernier lors de son départ pour le concile œcuménique. Les citoyens de Québec donnèrent une nouvelle preuve de leur foi, et un nouveau témoignage de leur amour et de leur vénération pour Mgr. l'Archevêque. A Rome pendant le Concile, on sait comment l'illustre prélat a été vénéré par tous ceux qui l'on connu et comment son mérite et sa science ont été appréciés: il était membre de la Congregation de la Discipline. Mais ce qu'on ne connaît peut-être pas assez, ce sont les souffrances qu'il a endurées et les travaux qu'il s'est imposés, bien qu'étant à l'agonie, comme il le disait souvent au vicaire Taschereau Un de ses grands chagrins fut de se voir forcé de laisser Rome sans pouvoir donner son vote sur le dogme si consolant de l'infaillibilité du vicaire de Jésus-Christ, après avoir eu la gloire de signer l'un des premiers, pour demander sa discussion dans le Concile du Vatican.

Nous ne dirons rien de son retour au milieu de nous: les rejouissances et l'allégresse de ce jour se confondent, pour ainsi dire, avec notre deuil et nos larmes.

Lorsqu'il avait conjure le Saint Père d'accepter sa résignation, et fait valoir son grand âge, ses infirmités et ses afflictions, le Pape lui avait répondu : " Moi aussi, je suis vieux; comme vous, j'ai des infirmités, et plus que vous je suis affligé, et cependant je mourrai sur le champ de bataille, les armes à la main mourrez donc aussi sur le champ de bataille." A cette réponse, des larmes abon dantes coulèrent de ses yeux; il écrivit promptement au Pape mar tyr, pour demander pardon et lui dire qu'il mourrait avec lui sur le champ de bataille. Nous savons comment il est mort les armes à la main pour ses chères ouailles. Bonus pastor animam suam dat pro ovobis suis. Il l'a donné et toute entière sa belle et longue vie.

Revenu de sa visite pastorale presque mourant, il s'occupa encore quelques semaines des affaires les plus importantes de son diocèse; mais bientôt les forces l'abandonnèrent tout à fait. Toutefois la présence de son cher clergé, réuni pour la retraite ecclésiastique ranima sa vie à demi-éteinte, et le jour anniversaire de son élévation au siège archiepiscopal, il put recevoir les hommages de ses prêtres.

Ah! quelle entrevue touchante, et en même temps quels adieux

[ocr errors]

nous

déchirants ! Il fit ses dernières recommandations à ses enfants-nous l'avions appelé notre père-à ses compagnons d'armes, l'avions appelé notre chef. Sa voix, qui n'avait plus rien de terrestre et qui semblait venir d'outre-tombe, nous électrisa; quelles larmes. coulèrent lorsqu'il prononça ces paroles: " Mon successeur possèdera plus de science, plus de qualités, plus de vertus que moi; mais, vous aimer davantage, c'est impossible."

Enfin, quelques semaines encore s'écoulèrent. Les souffrances redoublèrent; mais la résignation et la vertu ne firent qu'augmenter jusqu'à cette heure fatale où, le 13 octobre, à cinq heures et vingt-deux minutes, entouré des membre de sa famille, d'un grand nombre de prêtres de la ville, ayant à son chevet Mgr. l'évêque de Rimouski, au milieu des sanglots et des cris de douleur, il rendit sa grande, noble et belle âme au Prince des Pasteurs, qui lui donna, sans doute, la gloire qui ne se flétrit point: Cum apparuerit Princeps Pastorum, percipietis immarcessibilem gloriæ coronam (I. S. Pierre, V. 4.)

Nous laissons à son panégyriste le soin de louer plus en détail ses vertus. Seulement, nous dirons que tout ce que Dien a mis de dévouement, d'affection et de charité dans le cœur de l'homme s'est réuni dans le cœur de Mgr. Baillargeon pour y former un trésor de bonté, d'affection et de miséricordieuse tendresse. Il avait dû méditer souvent ce mot de Saint Augustin: Debemus amando corrigere ; nous devons corriger avec amour.

Nous pouvons donc assurer que les paroles qui se lisent sur le tombeau d'un évêque dans l'église de Sainte Marie-des-Anges, à Rome, et qui se trouvent placées en tête de cette notice biographique conviennent admirablement à l'illustre et saint prélat.

Virtute vixit, memoria vivit, gloria vivet. Il a vécu dans la vertu, il vit dans la mémoire des hommes, il vivra ou plutôt il vit dans la gloire. Amen.

BENJ. PAQUET, PTRE.

NOVEMBRE

Sonne lyre fidèle, à mon âme isolée,
Chante le deuil de nos climats.

L'insecte vigilant, au corsage d'azur,
Ne glane plus le grain qui tombe de la gerbe.
Le papillon se cache aux parois du vieux mur,
Et le grillon plaintif ne chante plus dans l'herbe.

Le vent du soir, chargé d'arôme et de chansons,
Ne vous apporte plus de voix éoliennes;
Dans les bosquets déserts, sous les sombres buissons,
L'oiseau ne chante plus ses douces tyroliennes.

L'aurore ne luit plus sur la tour du beffroi:
Le soleil jette à peine un regard à la terre.
La bise, qui gémit, remplit l'âme d'effroi :
Le jour est monotone et froid comme une bière.

Comme au soleil levant s'enfuit la brume d'or,
Comme au souffle du soir vole une feuille d'arbre,
L'été vers le passé vient de prendre l'essor,

Et Novembre est venu jeter son froid de marbre !...

Novembre, c'est l'époque où tout semble souffrant,
C'est l'époque morose où les feuilles flétries
Roulent leurs tourbillons sur le gazon mourant,
C'est un ciel noir qui porte aux sombres rêveries.

L'airain du haut clocher, gémissant, attristé,
Semble, dans ses sanglots, pleurer sur la nature!...
Les ruisseaux, dont le chant nous charmait en été,
N'ont au font du val qu'un farouche murmure!

Quand sous l'aile du soir le jour s'en va mourant,
Craintifs, nous écoutons les flots de la rivière,
Dont la clameur se plaint comme un pauvre mourant
Qui murmure tout haut une lente prière !

F. X. GARNEAU.

Au bord de la forêt, sous les chauves rameaux,
Dans les nuages noirs bordant l'horizon sombre,
Sur les coteaux brumeux, au milieu des roseaux,

On croit entendre, au soir, des voix pleurer dans l'ombre !

Hélas! plus de ces soirs, de ces matins dorés !
Plus de ces jours de rose où tout est fête et joie!
Plus de ces doux concerts sur les flots azurés!

Dans l'air plus de parfums, de chants, d'ailes de soie !

Sous le chène assemblés plus de gais moissonneurs !
Aux bois plus de refrains, plus de suaves trilles !
Aux bocages le soir plus de joyeux danseurs,
Plus d'essaims enjoués de brunes jeunes filles !...

Comme un baiser du flot sur les pieds du talus,
Comme dans un beau songe au gracieux fantôme,
Tout s'est évanoui.... Ce temps n'existe plus....
Ainsi comme l'éclair, passent les jours de l'homme !

Pleins de mille projets, de songes décevants,
Ainsi nous allons tous où chaque objet retombe!...
Oui rapides mon Dieu ! comme les flots mouvants,
A pas précipités nous marchons vers la tombe!

Comme au soleil levant s'enfuit la brume d'or,
Comme au souffle du soir vole une feuille d'arbre,
L'été vers le passé vient de prendre l'essor,

Et novembre est venu jeter son froid de marbre !

St. François, Beauce, 6 Novembre 1870.

WILLIAM CHAPMAN

NUIT D'AUTOMNE.

La pâle nuit d'automne
De ténèbres couronne
Le front gris du manoir;
Morne et silencieuse,
L'ombre s'assied, rêveuse,
Sous le vieux sapin noir.

Au firmament ses voiles
Sont persemés d'étoiles
Dont le regard changeant
Sur la nappe des ondes
Répand en gerbes blondes
Ses palettes d'argent.

Dans le ciel en silence
La lune se balance
Ainsi qu'un ballon d'or,
Et sa lumière pâle,
D'une teinte d'opale,
Baigne le flot qui dort.

Au bois rien ne roucoule
Que le russeau qui coule
En perles de saphir;
Et nul cygne sauvage
N'ouvre sur le rivage
Sa blanche aile au zéphir,

Une ondoyante voile,

Comme aux cieux une étoile,
Brille au loin sur les eaux,

Et la chouette grise

De son vol pesant frise

La pointe des roseaux.

« PreviousContinue »