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DISSERTATION SUR LE PAPE

(Suile et fin.)

XIX

B.-Nous avons établi ce qu'est le pouvoir du Pape, quelles sont ses attributions, quelle est sa sublime dignité. Maintenant il faut voir à l'œuvre cet homme, divin en quelque sorte par son autorité. Il y a plus de 18 siècles que la Papauté existe; elle a été exercée par 257 Pontifes. Qu'à-t-elle été en un si long espace de temps et agissant en un si grand nombre d'hommes ?

D'abord elle s'est constamment maintenue malgré les plus violentes attaques, bien souvent renouvelées. Le Christ a voulu que son représentant eut le même sort que lui, qu'il souffrit et triomphat. L'histoire du Souverain Pontife n'est qu'une suite de luttes, de persécutions subies, mais aussi une suite de victoires glorieuses. Le fait seul de la permanence de la Papauté, malgré tant de combats qu'elle a eu à livrer, constitue déjà, comme il a été dit, une preuve éclatante de son institution divine.

De plus, le Pape a toujours rempli son devoir essentiel, celui de maintenir intacte la vérité des enseignements divins. Cet autre fait rend évident que le Pape est la pierre inébranlable posée par la main du Christ comme fondement de l'Eglise.

Maintenant, comme il a déjà été observé, l'infaillibilité n'entraîne pas l'impeccabilité. Les Papes peuvent faire des fautes personnelles, ils n'ont pas échappé à ce triste apanage de la fragilité humaine. On conçoit toutefois que la Papauté doit présenter dans son his

toire, prise en général, un ensemble de vertus, un caractère de grandeur et une action bienfaisante sur la société, qui la distingue de tout autre pouvoir; et qui, malgré certaines ombres passagères, montre habituellement ses actes en rapport avec la dignité dont elle est revêtue. Le divin fondateur du christianisme a dit luimême que la doctrine se connaissait par les fruits de ceux qui la prêchent-a fructibus corum cognoscetis eos. L'autorité chargée d'enseigner aux hommes la doctrine divine ne devait pas être en opposition permanente avec sa propre prédication.

XX

C.-Jetons un coup d'œil sur l'histoire des Papes, et nous verrons par les merveilles qu'elle présente, ressortir le caractère divin de son institution.

Voyez-vous le premier des Papes? Ce mot Pape signifie Père.Pierre revêtu de la force divine donne l'existence à l'Eglise; sa parole engendre les premiers fidèles.-Lui, cet homme si grossier, si ignorant, cet homme qui, à la voix d'une servante, reniait son maître; le voici qui apparaît au milieu d'une multitude d'hommes venant de toute nation qui est sous le ciel. Il parle, et chacun des étrangers qui l'écoutent, l'entend parlant dans sa propre langue : il proclame la divinité de Celui que le peuple juif avait tout récemment crucifié avec tant d'ignominie, et à cette première parole, trois mille hommes se déclarent disciples du Christ, et sollicitent le baptême. Bientôt il voit un boiteux qui lui demande l'aumône, et il le guérit de son infirmité en lui disant: Au nom de Jésus, lève-toi et marche. Il poursuit ses prédications et ses miracles, et le nombre des adorateurs du Christ se multiplie merveilleusement.

On le voit présider à tout. Le premier, il convertit les Gentils. La conquête des âmes, dont il dirige le mouvement s'étend au delà de la Judée. Il fixe d'abord le siége de son empire à Antioche. Mais il sent en lui une ambition dont l'audace n'a été égalée par celle d'aucun conquérant.

Les diverses nations étaient alors soumises à un seul souverain. Rome était la capitale de l'empire du monde : une immense population s'y pressait dans une vaste étendue; toutes les ressources de la terre y étaient accumulées : les lettres et les sciences y brillaient du plus vif éclat; et toutes les magnificences de l'art s'y joignaient à un site d'une incomparable grandeur. En même temps là régnait le luxe le plus raffiné, une corruption de mœurs atteignant les dernières limites de l'infamie; chez le peuple, la plus déplorable

superstition dans les diverses formes de l'idolatrie, et chez les grands, un scepticisme qui avait mis toutes les idées religieuses et morales en dissolution: et tout cela était soumis au joug du plus affreux despotisme, exercé par ces monstres qui ont porté le nom de Tibère, de Caligula, de Néron.

Sous l'effet d'une inspiration divine, Pierre regarde la cité, maitresse du monde, et il dit: c'est-là que je vais établir le siége de l'Empire que je fonde, et c'est par moi que se réalisera le nom qu'elle se donne: j'en ferai réellement la Ville Éternelle.

XXI

A. Pour faire sentir l'action merveilleuse de la Providence dans l'établissemont du siége du Chef de l'Eglise à Rome, je rappellerai le dialogue que Mgr. Gerbet, d'après un Père de l'Eglise, suppose avoir eu lieu entre Saint Pierre et un habitant de la grande cité. "Voyez-vous le batelier du lac de Génésareth faisant son entrée dans la ville qu'il venait conquérir. Il est revêtu d'une robe et d'un manteau usé par le voyage; tout en lui annonce la pauvreté. Il se repose un moment au milieu de ses compagnons, tâchant d'obtenir des renseiguements qui lui sont nécessaires. Voilà qu'un de ces chercheurs de nouvelles, dont Rome était remplie, s'approche de cet inconnu dont la physionomie le frappe, et il l'interroge: - Etranger, pourrais-je savoir quelle affaire t'appelle à Rome : je suis peut-être en état de te rendre quelque service.

Je viens y annoncer le Dieu inconnu, et substituer son culte à celui des démons que vous adorez.

- Vraiment voilà quelque chose de très-nouveau; voyons, causons un peu d'où viens-tu? quel est ton pays?

J'appartiens à une race d'hommes que vous méprisez et détestez je suis Juif.

Mais tu es peut être un grand personnage dans ta nation? -Regarde ces pauvres mariniers qui se tiennent-là près de nous sur le bord du Tibre-je suis de leur métier; je n'ai ni or ni argent. - Mais tu as fréquenté peut-être les écoles des philosophes et des rhéteurs. Tu comptes sur ton éloquence.

--

Je suis un homme sans lettres.

Il faut donc que le culte de ce Dieu inconnu dont tu parles soit bien attrayant par lui-même, pour pouvoir se passer ainsi de toute recommandation.

Le Dieu que je prêche est mort sur une croix entre deux voleurs.

Et que viens-tu nous annoncer de la part d'un Dieu si étrange?

Le renoncement à tous les vices auxquels cette ville a élévé des temples, et la pratique des vertus qui vous sont inconnues, l'humilité, la chasteté, le pardon des injures.

- Et tu prétends établir cette doctrine à Rome ?

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-Supposant qu'elle puisse s'établir quelque part crois-tu que cette doctrine régnera longtemps?

Dans tous les siècles.

Mais qui va te seconder dans cette entreprise? Je n'imagine pas que tu comptes sur les Césars, les riches, les philosophes.

Les riches, je viens leur dire de se détacher de leurs richesses; les philosophes, je viens soumettre leur raison à la foi, aux plus incompréhensibles mystères; les Césars, je viens les destituer du souverain pontificat.

- Mais ne vois-tu pas que la puissance des empereurs va se déchaîner contre toi ?

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Je m'y attends, mais je braverai leur colère.

C'est donc la mort que tu viens chercher ici, tu seras crucifié comme le Dieu que tu annonces.

-

- Oui, mais je revivraî à jamais dans mes successeurs. L'étranger s'éloigna en disant: Pauvre fou. Et maintenant le monde répète la parole sacrée : La folie qui vient de Dieu l'emporte sur la sagesse des hommes.

XXII

C.-Pierre s'établit à Rome. C'est à lui qu'on peut appliquer avec vérité ce qu'a dit le poète d'un conquérant:

Jamais d'aucun mortel le pied qu'un souffle efface

N'imprégna sur la terre une aussi forte trace

Et ce pied s'est arrêté-là.

La trace de ce pied, comme elle est fortement gravée dans la ville éternelle! Rome, c'est la ville de Pierre. Là règne encore la dynastie qu'il a fondée avec un éclat plus grand que jamais. Là est son tombeau, qui est le monument le plus splendide, le plus grandiose du monde entier. C'est autour de ses restes sacrés que se tient la plus auguste assemblée qu'ait jamais vue la terre, et qui vient de rendre un hommage si solennel à son autorité. Avec quelle gloire il s'est survécu sur la terre, et quelle puissance suprême il exerce! Son nom reçoit les plus éclatants hommages; sa puissance auprès de Dieu est invoquée par les supplications universelles de la société

catholique partout on vénère les clefs, insigne du pouvoir qui lui a été donné d'ouvrir le ciel, où n'entrent que ceux qui ont été soumis à son empire. Je le demande : la gloire de Pierre dans le monde est-elle en rapport avec la dignité dont le Christ l'a revêtue?

XXIII

C.-Pierre est mort, mais il se survit dans les Evêques de Rome, qui le remplacent en se succédant les uns aux autres. Pendant deux siècles et demi, les Papes portent l'héroïsme de leur foi et de leur confiance en l'énergie divine de leur autorité jusqu'à mourir pour l'attester. Les trente-deux premiers Papes ont subi le martyre. Dans les jours rapides qu'ils exercèrent leur pouvoir, ils vivaient sous terre, renfermés dans ces souterrains de Rome, monuments si fameux sous le nom de catacombes, de la force d'âme sublime de la société chrétienne primitive. C'est-là qu'ils célébraient les Saints Mystères, qu'ils dirigeaient les fidèles, qu'ils usaient de leur autorité sur l'Eglise entière. Les preuves de l'action universelle des Evêques de Rome de cette époque se trouvent dans des faits nombreux. De l'Orient à l'Occident, des Gaules, de l'Asie et l'Afrique, on recourait aux successeurs de Pierre, et au moment d'aller expirer sur les buchers ou dans les amphithéâtres, ceux-ci portaient des condamnations qui allaient au loin éteindre une hérésie naissante, ou des décrets qui fondaient la discipline générale de l'Eglise. Le caractère divin de la Papauté n'apparaît-il pas pendant ces trois premiers siècles dans la sainteté des Pontifes, dans la force qui en a fait des martyrs, et dans ce pouvoir exercé au milieu de tant d'obstacles qui devaient en empêcher l'action?

Enfin, l'Eglise recouvre sa liberté. Saint Sylvestre amène Constantin, déjà préparé par une vision fameuse, à la profession de la foi catholique; c'est sous son influence que cet Empereur a fait à l'atroce législation payenne des modifications admirables, tout imprégnées de l'esprit du christianisme, et qu'il a fondé ces magnifiques basiliques qui font l'ornement de Rome.

Voyez-vous maintenant quel zèle éclairé les Papes font paraître contre les hérésies qui attaquent la pureté de la foi et causent tant de troubles violents dans la société ? Saint Sylvestre convoque le concile de Nicée qui, en condamnant l'erreur d'Arius, maintient le dogme fondamental du christianisme, la divinité de Jésus-Christ. Saint Damase proscrit l'hérésie de Macédonius qui niait que le St. Esprit fut une personne divine. Saint Innocent I, anathématise la doctrine de Pélage qui s'élevait contre le péché originel et la néces

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