Page images
PDF
EPUB

Le site est magnifique et commande par sa position élevée, une vue superbe sur la cité et sur le fleuve. On nous dit que l'édifice aura la forme d'une croix grecque ses proportions gigantesques et le mérite de l'exécution en feront l'un des plus splendides embellissements de Montréal et le rendront digne d'être l'Eglise-mère d'un diocèse de 400,000 âmes.

La construction d'un temple de cette importance se fait dans l'espérance et à la condition implicite qu'il devra défier les ravages du temps par sa permanente solidité et par la force de sa structure. Mais, comme les plus belles choses de ce monde, ces lieux de la prière peuvent n'offrir qu'un monceau de ruines quand les flammes d'un incendie viennent lécher leurs arceaux, faire crouler leurs colonnes et lézarder leurs murailles bénies; en sorte que ces œuvres qu'on croyait séculaires disparaissent aussi vite que le navire emporté par une trombe. C'est le sort qui a été réservé à la première cathédrale de Montréal, dont les bases avaient été posées il y a 49 ans. Notre digne évêque était présent lorsque les travaux furent commencés, et c'est avec la modeste somme de deux écus français, que son prédécesseur entreprit l'exécution d'un aussi vaste projet. Si la vieillesse chenue lui laisse encore longtemps cette teinte de fraîcheur et de sérénité, on peut prédire qu'il verra ce grand édifice de Dieu heureusement parachevé.

Pendant qu'on pose les bases de la cathédrale, les fondements de l'Institut Canadien se font saper terriblement. Le vœu des catholiques sincères le voulait ainsi. Le jugement dans la cause Guibord vient de trébucher sur le piédestal que lui avait élevé son Honneur le juge Mondelet. Le scandale avait été public, il fallait que la leçon fut plus humiliante. Aussi les juges en révision ont-ils infirmé à l'unanimité, le premier jugement qui a été rendu dans cette cause tristement célèbre, et deux juges protestants ont condamné énergiquement les prétentions de ces catholiques rebelles qui veulent faire la loi à leur Eglise. C'était dur et c'était mérité. L'hon. juge Berthelot, dans un travail savamment élaboré, a mis en lumière cette importante question de la sépulture ecclésiastique, il l'a examinée sur toutes ses faces et en a tiré des conclusions solides, qui affirment la suprématie de l'Eglise en matières religieuses. C'est un triomphe de plus pour notre foi, triomphe d'autant plus éclatant qu'il vient d'étre unanimement proclamé par de hautes autorités judiciaires.

Le grand centre commercial du Canada, vient de donner un rendez-vous général aux arts, à l'industrie, à l'agriculture et au sport. Ce rôle là, lui convient à merveille. L'exposition provinciale a été imposante. Des milliers de spectateurs y ont afflué. Ils ont tout vu, tout examiné, tout admiré. C'était un tableau vivant, où le génie industriel du Canadien apparaissait dans toute sa mâle beauté, où l'on distinguait à travers les richesses des progrès modernes, le but éminemment pratique de l'utilité. C'était la manifestation de ce que peut faire le travail, accouplé avec les perfectionnements de la civilisation. C'était le concours généreux de plusieurs intelligences qui exposaient au pays les fruits de leur émulation pour en faire bénéficier toutes les classes de la société. Le génie du CanadienFrançais s'est montré ce qu'il devait être et n'a pas déparé le cadre général.

Quiconque aurait désiré avoir une idée de la fureur du sport, telle qu'elle existe en Angleterre, n'aurait eu qu'à se transporter aux régattes qui ont eu lieu récemment à Lachine. Vous auriez vu à vol d'oiseau, sur le chemin qui conduit de Montréal à Lachine, un vaste cordon bien ficelé, bien noué, bien enchevêtré, s'avançant en roulant comme les orbes d'un serpent, sur neuf milles de longueur, et sous les nuages de poussière qui le couvrent, vous auriez vu une suite interminable de fiacres, de charrettes, d'omnibus et d'équipages étincellants, encombrés d'hommes et de femmes de toutes les conditions. Et puis, vous auriez vu 50,000 spectateurs sur les rivages du grand fleuve et sur le pont des vapeurs, suivre du regard avec un intérêt frémissant, deux yatchs sveltes comme une coquille. Huit rameurs donnant une impulsion vigoureuse aux rames font courir ces deux frêles embarcations sur l'eau avec une rapidité étonnante. Quand ils ont tournée la bouée, ils revien nent dans la direction du courant, et sous leurs efforts prodigieux. la barque ne glisse plus, elle semble voler. L'intérêt devient de plus en plus grand, c'est une anxiété générale. On pâlit, on s'étonne, ou réprime un mouvement de joie ou de trouble. Au roulement du tambour succède l'hymme des fanfares. C'est le moment décisif. Tout-à-coup, un cri se fait entendre: "Hourra pour le Tyne d'Angleterre." Puis arrive l'équipage de Paris du Nouveau-Brunswick, et sa défaite accueille les sympathies de tout le monde. Un frisson court par toute l'assemblée, les viva: font explosion, et puis c'est un brouhaha général. Les parieurs ont une contenance joyeuse ou sombre suivant l'importance de leur gain ou de leurs pertes. La grande nouvelle est immédiatement annoncée et

prônée par tous les télégraphes transatlantiques et continentaux, et des millions de piastres engagées dans les paris, changent de propriétaires au milieu des nuages produits par les vapeurs du Champagne et du Sauterne. L'excitation produite par ces tournois nautiques est telle, qu'on oublie entièrement les grands évènements Européens et qu'on promène de faubourgs en faubourgs, de rues en rues et de maisons en maisons, les portraits de ces vainqueurs qui ont acquis le titre de champions du monde. Qu'on dise après cela, que la vie humaine n'est pas une comédie !

.*.

Elle est enfin arrivée au Fort Garry cette fameuse force militaire qui a pour mission de maintenir l'ordre au Nord-Ouest. De suite, comme pour donner une amère dérision à son titre "d'expédition pacifique," les soldats d'Ontario se sont précipités dans l'Hôtel du gouvernement Provisoire en criant: "Où est Riel? où est O'Donaghue et Lépine? qu'on les pende !" Ils ont couru dans toutes les chambres en brandissant leurs fusils et en poussant des cris féroces. Voilà le premier acte de ces pacifiques expéditionnaires. Leur second acte a été de tirer à bout portant sur un missionnaire catholique. C'est par la haîne du nom français que les anglais d'Ontario ont été la cause première de la rébellion au Nord-Ouest; et c'est par la haine du nom français qu'ils commencent à établir un état permanent d'inimitié. C'est leur fanatisme religieux qui a fomenté tous les désordres et c'est leur fanatisme religieux qui commence à les faire revivre. Les vieilles querelles du Haut et du Bas-Canada se trouvent définitivement implantées sur le territoire de la Rivière-Rouge. Si la direction sage et éclairée du Lieutenant-Gouverneur Archibald ne met pas fin à ces violences et à ces scandales, on peut s'attendre à voir une nouvelle révolution s'effectuer. Elle serait terrible cette fois-là. Pour se battre avec avantage et en habiles stratégistes, il n'est pas nécessaire aux enfants des Bois Brûlés d'avoir été à l'école de St. Cyr. Ce serait une guerre d'embuscades, d'escamourches et de guérillas. Ils enverraient leurs familles sur les bords de quelque lac pour y vivre de pêche. Les produits de la chasse suffiraient amplement à leurs besoins. Ce serait une guerre d'extermination qui pourrait durer des années entières sans que leur caisse publique en fut affectée, tandis que notre budget de la guerre aurait mauvaise contenance devant la Chambre. La coupe des vengeances est bien prête de déborder. Encore quelques maladresses de ce genre, et l'on verra la valeur farouche dés métis se réveiller; l'immensité des prairies

sera leur domaine, leurs opérations militaires se déploieront à l'aise sur cette grande arêne, et les mesures de pacification si péniblement obtenues par nos Ministres seront balayées comme la poussière.

Le Haut-Canada n'a point la vertu de l'abnégation. Nous serions surpris de voir cette vertu-là y fleurir: tant l'égoïsme, l'amourpropre et l'intérêt ont conduit les destinées de cette Province. Depuis l'union des Canada jusqu'à nos jours son rôle n'a pas changé. Ce qu'elle désire et ce qu'elle veut, c'est de jeter sur le dos de ses voisins les plus lourdes charges, qui dérivent des obligations générales, tout en cherchant à accaparer les plus gros bénéfices possibles. L'esprit de renoncement est spontané, il ne s'impose pas et nous ne l'exigeons pas de notre Province-sceur. Mais nous avons le droit de lui demander d'être juste. A coup sûr il n'existe pas chez elle cet esprit de justice qui rend les peuples forts et établit l'harmonie dans les relations sociales. Elle a tellement bien cabalé, elle a tellement bien joué ses intrigues sous le rideau qu'on reconnaît son œuvre dans le jugement que vient de prononcer la commission arbitrale sur la dette des ci-devant Provinces du Haut et du Bas-Canada. L'impartialité des Juges Gray et MacPherson, arbitres d'Ontario et de la Puissance, a dû être singulièrement ébrèchée et mise en doute en présence de la fière résignation du Juge Day, arbitre pour la Province de Québec.

Si nous étions hommes à nous laisser larder impudemment, les Haut-Canadiens seraient certainement les hommes de la situation pour ravir et happer la proie. Cela s'accorde avec leurs principes avec leurs goûts, avec leur traditions. Il est dans nos habitudes de revendiquer énergiquement nos droits et de combattre pour eux. Notre vie nationale s'est développée par la lutte; c'est en luttant que nous nous sommes faits respecter et que nous avons affermi notre autorité. Aussi toute la presse canadienne-française a-t-elle désapprouvé avec force le jugement qui a été rendu dans cette épineuse question de l'arbitrage Provincial. A la netteté de cet éclatant désaveu devra se joindre l'action de nos hommes d'état, afin que la justice si longtemps entravée, insultée et méprisée obtienne un triomphe complet.

EUSTACHE PRUD'HOMME.

BIBLIOGRAPHIE.

Affaire Guibord.-Question de refus de sépulture.-Rapport de la cause avec le texte du Jugement de Son Honneur le Juge Mondelet.-Reproduction de la Minerve. Montréal, des presses à vapeur de la Minerve, 1870. Brochure grand in-8 de X159-17 pp. Prix 50cts.

Cour Supérieure, Montréal.-Plaidoiries des avocats in re Henriette Brown vs La Fabrique de Montréal.-Refus de sépulture, Montréal : typographie Louis Perrault & Cie., 1870. Brochure in-8.

Réflexions d'un Catholique à l'occasion de l'affaire Guibord, Montréal. Des presses à vapeur de la Minerve. Brochure grand in-8 de 16 pages.

Le vif intérêt porté par le public canadien aux péripéties du procès déjà célèbre dont on vient de lire le titre, a rendu nécessaire la publication des pièces qui composent le dossier de cette cause, avec les discours prononcés par les avocats des deux parties litigantes. Je vois dans une nécessité qui a été admise de part et d'autre, la preuve que les citoyens ne sont pas restés indifférents à une discussion dont le sujet était la liberté même de l'Eglise Catholique en Canada, et il faut se féliciter de cet intérêt porté par un très-grand nombre de personnes aux diverses phases d'une lutte qui n'a manqué de grandeur, ni dans son objet, ni dans la manière dont elle a été conduite. Un des Pères de l'Eglise a dit que Dieu n'a rien de plus cher en ce monde que la liberté de son Eglise: "Nihil magis diligit Deus in hoc mundo, quam libertatem Ecclesia;" car c'est dans sa liberté que résident sa vie, sa prospérité, son progrès et son bonheur. Le sentiment qui a animé le public canadien pendant les derniers mois, et qui l'a tenu si complètement attentif aux diverses phases du procès important qui n'est pas encore terminé, est done tout-à-fait digne de louange.

La brochure publiée par la Minerve s'ouvre par un joli travail de M. Oscar Dunn sur la question, lequel sert comme d'introduction. Cette étude, quoique courte, traite cependant d'une manière intéressante les deux points les plus saillants de la question que l'auteur divise de la manière suivante : "Nous rechercherons, dit-il, 1°, si les membres de l'Institut-Canadien ont encouru des censures canoniques qui les privent de certains bienfaits religieux et spécialement de la sépulture ecclésiastique, et 2o, si, dans notre état de société, cette privation entraine celle du droit civil que peut avoir un

« PreviousContinue »