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Carnarvon pour reconnaître le courage de nos volontaires lors de de l'invasion fénienne. Si cette motion a été rejetée par défaut de forme parlementaire, le noble Lord n'a pas manqué malgré cela d'en tirer le meilleur parti possible. Après avoir décerné de grands éloges à l'adresse de nos braves volontaires Canadiens, il signala les différents courants d'opinion, qui commencèrent à entraîner les esprits en Canada, après que les hordes féniennes eurent été ignominieusement repoussées. Il exposa avec franchise les causes de notre mécontentement et démontra que les attaques des féniens étaient dûs à la couronne d'Angleterre, et qu'il était souverainement injuste de faire de notre loyauté une cause de ruine. Puis, amenant sur le tapis une question plus brûlante, il lança une charge à fond de train contre le système colonial de Gladstone. Il fit valoir l'importance qu'il y a pour la vieille Albion de conserver ses immenses territoires situés au nord de l'Amérique. De là dépend le maintien de son prestige politique et l'accroissement continu de son immense puissance commerciale. Il blâma avec énergie l'abandon virtuel du Canada, le retrait des vaisseaux de pêcheries et aussi le retrait des troupes impériales.

Effectuer la rupture du lien colonial, " cela veut dire pour l'An"gleterre la perte des pêcheries, la perte de la grande marine com"merciale du Canada comprenant 40,000 marins, la perte de chaque fort sur ce continent, la perte d'un commerce qui peut deve "nir dix fois plus considérable que celui qui se fait actuellement, "et enfin la perte de sincères alliés et d'un grand Empire."

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Lord Carnarvon n'a pas craint d'affirmer que "aussi longtemps que le Canada sera uni à l'Angleterre et désirera continuer à แ l'être, l'Angleterre ne permettra jamais qu'un seul pouce du terri"toire Canadien soit cédé ou abandonné." Ces paroles de l'ancien ministre des Colonies sont fermes et annoncent de sa part l'ampleur des idées, l'intelligence de grandes choses et la sûreté du coup d'œil qui distinguent un véritable homme d'état. Elles sont d'autant plus importantes qu'il n'est pas tout-à-fait improbable qu'il puisse bientôt arriver au pouvoir.

Le ministère actuel a compris qu'il était inutile de résister d'avantage à la pression de l'opinion publique. Poussé jusque dans ses derniers retranchements, il fit crouler brusquement tout son échafaudage de réticences et de demi-mesures. Il lui plût de rassurer les esprits par la déclaration suivante de Lord Kimberley: "Quant à "la crainte qu'on éprouve en Canada concernant le prochain aban"don par le gouvernement de cette grande Colonie, il n'est pas "nécessaire de répéter encore la déclaration qu'aucun homme "d'Etat n'ait exprimé de telles opinions et je serais étonné d'en

"tendre quelqu'un affirmer que nous pouvons nous soustraire à "l'obligation de défendre le Canada au cas où il serait exposé au "danger d'une guerre étrangère. Cette obligation nous devons la "remplir et je suis certain que n'importe quel ministère s'en "acquittera."

Ainsi, il demeure établi encore une fois que le gouvernement Anglais se rend solidaire de notre honneur et de notre sécurité. La plupart des membres du ministère et de l'opposition ont fait chômer leur antagonisme mutuel, pour se rallier autour de la question coloniale et lui donner une solution heureuse en théorie. Sous le point de vue pratique, c'est à notre bonne volonté qu'est dévolu le principal rôle. Nous avons l'appui moral de l'Empire Britannique, mais son appui matériel nous déserte. Les garnisons militaires deviennent de plus en plus rares. Nos canons, qui dressaient leurs bouches béantes dans nos villes et sur les remparts de nos places fortes, sont emportés comme des colis de marchandises. On nous a sans doute fait l'honneur de croire que notre courage, notre patriotisme et notre loyauté y suppléeraient facilement. C'est là tout un problême.

EUSTACHE PRUd'homme.

BIBLIOGRAPHIE.

Le Canada au point de vue économique, par Louis Strauss, élève-consul de Sa Majesté le roi des Belges. Librairie Internationale, 15, Boulevard Montmartre, à Paris ; A. Lacroix, Verbackhoven et Cie., à Bruxelles, Livourne et Leipzig, 1867. 280 pages.

Il viendra un jour-et il est déjà presque venu-où nous ne pourrons plus reprocher à la France d'ignorer le Canada.

La navigation à vapeur, l'échange des journaux, la publication de quelques livres, les expositions internationales et l'établissement de la confédé ration canadienne ont surtout contribué, en ces dernières années, à tirer notre pays des limbes où il était plongé pour toute l'Europe, sans en excepter l'Angleterre.

de la France les que yeux La curiosité d'abord, l'intérêt ensuite font commencent à nous distinguer dans les brumes du lointain. Avant longtemps, il ne sera plus possible aux écrivains de Paris de nous donner la ville de Chicago pour capitale fédérale, et M. Emile Chevalier (que le Siècle proclame une autorité sur les matières américaines!) se verra forcé de découvrir d'autres plages pour en faire le théâtre des scènes absurdes qu'il compose sur notre compte.

Les Français, en général, très grands admirateurs de la république de Washington qu'ils ne connaissent point, se laissent raconter, par quiconque veut s'en donner la peine, qu'il existe sur les bords du Saint-Laurent et vers la baie d'Hudson des bourgades où les Anglais entretiennent des comptoirs de traite, et que cette contrée, quasi inhabitable, appelée Canada, est le lieu où vivent les métis français, derniers restes des anciens colons de la Nouvelle-France.

Je parle de ces cocasses récits parce que je les ai lus. Pour peu qu'un Français s'informe des affaires d'Amérique, il ne va pas loin avant d'apprendre que la République-Modèle embrasse l'Alpha et l'Oméga de la civilisation dans la partie nord de ce continent; le plus souvent il s'abstient d'en savoir davantage; le nom même du Canada ne lui rappelle à peu près aucun souvenir historique.

Il y a une dizaine d'années, l'hon. J. E. Turcotte étant à Paris entra en

conversation avec un industriel qui exprima son étonnement en lui entendant annoncer qu'il n'arrivait pas en ligne droite de la Normandie.

-Votre accent, lui dit-il, me persuade que vous êtes Français-maisde quel département, je ne sais.

-Je suis, répondit notre compatriote, d'un département que madame de Pompadour a biffé de la carte de France......

L'on peut ajouter que depuis un siècle la France s'est religieusement conformée à la promesse qu'elle avait faite de nous oublier.

Un changement s'opère actuellement dans les cercles éclairés et bientôt, espérons-le, nous aurons place au soleil des nations. Déjà plusieurs Français de talent dont la plume ou la parole font autorité se plaisent à s'occuper du Canada. Chaque mois nous apporte de nouvelles preuves de ce progrès. Le livre de M. Strauss ne pourra que contribuer à accélérer ce bon mouvement; il nous est précieux à nous Canadiens, car il est destiné à nous rendre des services.

Ses 280 pages ne renferment que des tableaux de chiffres, accompagnés des explications nécessaires à l'intelligence du tout. Les matériaux en ont été pris dans nos documents officiels et dans les meilleurs ouvrages des économistes canadiens, jusqu'à l'année 1867.

Sous une forme condensée, mais tout-à-fait claire, l'auteur y traite de géologie en décrivant les terrains variés qui recèlent les minéraux, dont il classifie quarante espèces. Les industries sont exposées dans une série de chapitres très-intéressants. Le mouvement commercial avec les pays étrangers y est aussi longuement développé. Enfin, des notions sur l'histoire, le climat, la géographie, la population, l'agriculture, la marine, les forêts, les budgets et le gouvernement du Canada complètent le faisceau de con naissances dont le lecteur peut se rendre maître en une heure, pour peu qu'il ait l'habitude de consulter ces sortes d'ouvrages.

Entre les mains des classes commerciales et industrielles de la France, ce livre devient un guide rapide et sûr pour former une idée assez complète des ressources naturelles du Canada. L'on y trouve, groupés dans le langage des chiffres, un grand nombre de renseignements si bien que le marchand français se dira: "Voici une vaste contrée nouvelle, arrosée dans sa longueur par un fleuve navigable sans interruption sur un parcours de sept cents lieues; on y rencontre abondamment des productions de première nécessité à des prix dont il est facile de se rendre compte si nous tentions la fortune de ce côté ? elle peut nous sourire là comme ailleurs....."

La voie s'ouvre de cette manière, car ce n'est pas par les sentiments que nous nous ferons connaître à la France, c'est par l'intérêt pécuniaire, c'est surtout par le commerce. Conséquemment, les relevés de statistiques canadiennes qui, lors des expositions européennes, ont déjà frappé plusieurs hommes importants, produiront des résultats directs en suscitant l'esprit d'entreprise des particuliers aptes à en tirer profit.

L'école économiste qui tend aujourd'hui à pousser le commerce français sur divers points du globe, pour agrandir et consolider l'influence de ses capitaux, appuierait immanquablement toute tentative dirigée dans cette vue sur le Canada. Nouant par ce moyen des relations solides avec un puissant empire dont nos vaisseaux connaissent encore si peu la route, nous ne pourrions, de notre côté, en obtenir que des bénéfices.

Depuis une dizaine d'années un changement s'est manifesté et tout nous invite à croire que plus nous irons, plus nous augmenterons nos rapports

avec la France. Ne serait-il pas singulier que l'Histoire que l'on imprimera en France, dans un demi siècle, ou plus tard, dirait: "Le Canada, découvert en 1534 par Jacques Cartier, fondé par Champlain, et perdu par le roi Louis XV en 1763, fut découvert de nouveau par M. de Belvèze en 1855, et depuis cette époque il n'a cessé d'accroître ses relations commerciales avec nous."

Pour contribuer au succès de cette renaissance, il faut que nos marchands se procurent les ouvrages qui font connaître notre pays. C'est avant tout, le devoir des Canadiens de ne pas négliger l'aide que nous offrent des publicistes obligeants. La Presse peut nous faire immensément de bien en Europe; encourageons les journaux et les auteurs des livres qui nous sont favorables. C'est à nous qu'il appartient d'être les moins indifférents on présence des efforts que font les amis du Canada en France.

Le Canada de M. Strauss mérite d'être accueilli avec empressement et les journalistes de ce pays devraient recommander à chacun de le lire. Pourquoi nos libraires ne l'auraient-ils pas sur leurs tablettes dès leur prochaine importation?

BENJAMIN SULTE.

Eléments de Botanique et de Physiologie végétale, par l'Abbé O. Brunet.

Ce petit traité qui, dans sa brièveté, réunit des mérites de plus d'un genre, est appelé à étendre et populariser une étude aussi agréable qu'utile. L'auteur a su, dans un petit volume plein de clarté et précision, mettre cette science à la portée de tous les esprits. Les définitions qui forment naturellement une grande partie de l'ouvrage, sont d'une exactitude et d'une simplicité qui ne laissent rien à désirer: chaque mot y est pesé et mesuré de manière à ne rien omettre, à ne rien changer. Après l'étude des tissus (Histologie) et des organes des végétaux (orgunographie) le savant professeur y présente, avec beaucoup de netteté, une petite étude physiologique, propre à initier le premier venu aux différentes fonctions du végé tal, nitrition, fructification, puis il procède aux classifications de Linnée et de Jussieu et celle plus facile de Lamark. Il termine par l'énumération et la classification des plantes les plus communes de la "Flore canadienne." On sent, en parcourant cet ouvrage, qu'un talent sérieux, uni à une grande expérience de professorat a présidé au plan général comme aux détails de ce manuel. Le pays entier est endetté à M. l'Abbé Brunet, pour un travail, dans lequel la jeunesse puisera les solides notions d'une science, qui fait de la création un livre ouvert, où chacun peut s'instruire et admirer.

DR. L. J. P. DESROSIERS.

Thoughts on Defence, from a Canadian point of view. By a Canadian. John Lovell, éditeur, Montréal, 1870. 55 pages.

Dans le cours du mois de mai dernier, au moment où les bandes de maraudeurs féniens traversaient nos frontières, la brochure dont nous citons le titre parut à Montréal.

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