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pectus puisqu'il veut diriger l'opinion publique, il n'entend pas la suivre; dans tous les cas, on jugera par ses fruits cet arbre planté dans les champs du journalisne. Disons toutefois que si quelqu'un des papas a été quelque peu mutin dans son jeune âge, il ne s'en suit pas que l'enfant doive nécessairement hériter des papas; tel s'est égaré dans l'Union qui peut se retrouver dans L'Opinion Publique, et c'est mieux. Celui là n'a qu'une tâche à remplir, c'est de faire mieux que les autres, au moins pour un temps. Dans tous les cas on promet de s'attacher aux principes plutôt qu'aux hommes. Grave promesse! Le journal, à mon avis, est un tribunal en dernier ressort, où les droits méconnus doivent être portés, car tout le monde y est justiciable, pour les choses bien entendu qui peuvent être discutées. Vous allez au tribunal de première instance ou vous ne pouvez y aller; mais enfin on vous accuse ou l'on vous fait souffrir. Tous vous condamnent, c'est d'usage immémorial. Et certes dans les sphères judiciaires comme dans l'atmosphère politique on vous fait souvent de bonnes fricassées de brebis innocentes ; mais c'est surtout dans le public qu'on en abuse; il en était ainsi du temps de papa Lafontaine. En appel, vous perdez ou vous ne pouvez y aller. Et pourtant vous avez des droits bien établis. Vous allez devant le public, vous plaidez votre cause, et pourvu que les colonnes d'un journal soient ouvertes aux deux adversaires, la vérité se fera jour et la victime sera vengée.

Vous avez forfait à l'honneur, vous n'êtes pas justiciable du tribunal civil, vous vous permettez tout jusqu'à ces limites là, et c'est parce que celui-là ne peut pas vous atteindre que vous êtes resté honnête homme jusque-là. Vous êtes l'arrière-petit-neveu d'un homme influent, me dites vous? Arrêtez, jeune impudent, je vous prend au collet, et je vous dis: "Monsieur, venez devant le public. Rédacteur, voilà ma plainte. Jeune homme, vous êtes accusé d'avoir péché, non contre les lois civiles; mais contre celles de l'honnête citoyen. Mais, monsieur, je m'appelle A.... je me nomme B.... Je suis le fils de mon père...... Allons, allons, défendez-vous, en garde. Je n'ai ni oreilles, ni yeux, ni entrailles. Si vous avez mal agi, tant pis, vous servirez d'exemple aux autres. Et il ne faut pas croire, parce que votre père est né avant vous, que votre impunité soit une invitation pour les autres à marcher sur vos traces. Quelle puissance aurait un tel tribunal ?

Cette conduite n'empêche pas d'être d'un parti politique; mais il exige d'être du parti de l'honnêteté. Le drapeau est là, regardez-le. Le porte drapeau a faibli sous le poids de son devoir, comme à l'armée, dénoncez-le, et s'il forfait à l'honneur, dégradez-le. Qu'est-ce qui a fait la force de cette institution qu'on appelle l'Eglise? Quand même son fondateur ne lui aurait pas promis de durer jusqu'à la fin des temps, elle aurait survécu à tous les événements. Pourquoi ? Parce qu'elle ne dévie pas des principes qui la constituent. Elle s'est avancée à travers les âges, rangeant les obstacles, renversant les sophismes, engloutissant même ses plus chers enfants; elle a condamné un Bossuet, elle a anéanti un Lamennais; son étendard, à l'ombre duquel ont combattu ces fiers grenadiers, est demeuré sans tache, et la chrétienté fidèle ira le planter pur sur le sommet des siècles.

Dix huit cents ans sont passés, et si l'on eut pu baser une institution humaine sur de tels fondements, elle y serait encore après dix huit siècles. Et j'ose le dire, regardez dans les débris des trônes, fouillez dans les cendres des empires, et vous y découvrirez qu'à une époque on a dévié de la voie de la vérité immuable; on a dérangé la boussole d'une barque gouvernementale; le pilote a changé sa route; infailliblement, si une main vigoureuse ne l'y a ramené, le vaisseau est allé se heurter contre les écueils. Il n'y a pas de merci dans les principes fondamentaux d'une société. En politique, il faut faire comme en religion, et ne pas craindre les égratignures passagères; ça se guérit. Et en dirigeant ses batteries sur un homme d'un parti, fut-il ministre, on ne change pas pour cela de parti. On dit tout simplement: Monsieur, faites attention, je vais vous dénoncer. Et s'il continue dans la même voie, on lui crie, assez fort pour que le public entende, ôtez-vous de là, monsieur, vous ne représentez pas mes principes.

En politique, un ministre ne représente plus les principes que l'on professe: On va devant le peuple qui l'a constitué et l'on rapporte ce qu'il a fait, et l'on dit, s'il est indigne du poste qu'on lui a confié, nommons-en un autre, non d'un autre parti, fut-il honnête dans sa vie privée, ce qu'il nous faut, c'est un honnête homme en politique, c'est qu'il professe les principes que je crois être seul vrais. Voilà ce que doit être un journal.

En attendant, constatons que la Chambre fédérale est convoquée pour le 15 février prochain, pour la dépêche des affaires; la Législature de la Nouvelle-Ecosse pour le 17, et celle du Nouveau-Brunswick pour le 10 du même mois. Ottawa devra s'occuper du NordOuest. M. McDougall, chargé d'établir un gouvernement provisoire dans le territoire nouvellement cédé par la Compagnie de la Baie d'Hudson à la Puissance du Canada, a été obligé de dire: "Ils sont trop verts." Il a laissé St. Paul, qui est à cinq cents milles de Pembina, le 18 décembre, et est arrivé tout essoufflé, à Ottawa, le 11 janvier de l'an de grâce 1870.

Il parait que c'est le temps pour les auteurs de fiascos politiques de rentrer dans leur foyer, puisque les journaux politiques d'Europe nous annoncent le retour presqu'à même date de Ledru Rollin et autres irréconciliables en France. C'est très-joli de dire que l'Angleterre a le droit d'imposer un gouvernement à une de ses colonies; mais c'est très-politique de ne pas exercer ses droits avec trop d'emphase. Si le gouvernement français, arrivant sur nos rives sauvages, n'avait eu que l'Evangile à la main, il n'y aurait pas eu tant besoin d'hommes de guerre. Si le Lieutenant-Gouverneur McDougall n'eut pas traité les Métis comme des castors qu'il voulait exploiter, il n'aurait peut-être pas trouvé autant de renards parmi eux. Que Votre Excellence ne se mette point en colère"; mais pourquoi, diable, avez-vous pris ces gens-là à brousse poil? C'était si facile de les flatter tout doucement. Est-ce que vous ne savez pas que l'affection est le meilleur soutien d'un gouvernement? Vous aviez toute l'histoire du Canada devant vous. D'ici à Pembina, vous auriez eu le temps de lire dix pages. Si vous ne compreniez pas le français, pourquoi ne pas faire traduire plutôt. Oh! Provencher, où étais-tu, quand le maître lança ses foudres?

Le Prince Arthur, lui, au moins, a été plus galant auprès des indigènes du Canada. Il est aussi anglais que n'importe qui. Mais, arrivé ici, le voilà Canadien, au point, paraît-il, qu'il bùche son bois comme n'importe quel Jean-Baptiste. Il aime l'air pur de notre pays celui-là ! C'est tout justement comme Sir George qui, lui, par goût pour les antithèses, se prend à rêver aux bords fumeux de la Tamise, où il paraît n'avoir pas de répugnance à aller remplacer Son Altesse, pour y implanter la race des Anglais parlant le français. Les journaux les plus sérieux ont mis à la suite du Prince un rapporteur spécial, et c'est sa courtoisie qui lui a valu ça. Arrive

t-il un ours que son entourage a épuisé, c'est le prince Arthur qui en est le victorieux. Une pauvre biche s'en va-t-elle se désaltérant dans le courant d'une onde pure, Son Altesse est là qui vous l'escamote sans autre forme de procès. Ah! la, la, quel grand chasseur devant le trône constitutionnel. Bref, on n'entend de lui que louanges; sa suite a été admirée, et c'est peut-être par prévision de leur retour en Angleterre, que le monde élégant a fait admettre, depuis le premier de janvier, une notable réduction sur le port des lettres passant entre le Canada et le Royaume-Uni.

Des malins vont jusqu'à dire que la bonne réception donnée au Prince par la Corporation de Montréal, a valu à celle-ci d'être déchargée de la salle d'exercice militaire. Quel poids de moins. Le comité y concerné n'a pu s'empêcher de crier: Houf!!! En effet, il y avait assez pour tout un gouvernement fedéral. C'est assez grand, dame. Tant que la pluie continuera comme ces jours derniers, ça ira, et le Dr. Smallwood nous prédit qu'il n'y aura plus de tempête de neige d'ici au printemps, probablement parce que tous les givres de la zône glaciale se sont arrêtés dans la chevelure de Provencher. C'est notre muraille de Chine à nous. C'est pour cela qu'il ne reviendra qu'avec le soleil du printemps. Par bonheur que notre pont de glace est pris ici depuis le 13 courant.

Ces Américains font les choses en grand: un convoi déraille, dix milles se précipitent au bas d'un pont; un incendie se déclare, des pâtés d'édifices y passent; un commerçant fait faillite, il enfonce ses créanciers de cinq cent milles piastres; on joue aux soldats pendant quatre ans, et un Yankee, mais un pur sang, me disait, "c'est égal, nous pourrons nous vanter que nous avons fait tuer plus de monde que n'importe quelle nation." Comment la trouvez-vous celle-là? C'est entendu, ces gens-là visent à l'effet.

Comme ce brigand de Caldwell; c'est paraît-il un voleur à millions. Et encore est-ce un de leurs petits criminels. C'est pas difficile de s'enrichir dans ce pays-là. On a beau dire que la farine du diable s'en retourne en son, je crois qu'il y aurait en cette affaire encore assez de son pour en valoir la peine. Les avocats de la défense ont pu s'en trouver satisfaits.

Mais là n'est pas le pire, c'est que ce gibier est échappé et on jette la faute sur nos juges. Je suis loin de vouloir flatter le pouvoir où j'aurai à réclamer des droits pour mes clients, et si j'ai une

remarque à faire, c'est que dans les tribunaux du pays on ne se donne pas toujours la peine d'interpréter un texte de loi; mais on juge d'après les précédents. Je cite la loi, si un excentrique a jugé tout le contraire, flan, on me jette ma loi par le nez; tout est dit. J'ai entendu citer des précédents en Cour, où si j'eusse été sur le Banc, j'aurais tout simplement dit à l'avocat qui les exposait : Mais ne me croyez-vous pas aussi éclairé que celui dont vous rapportez le jugement? Ou bien encore des auteurs; ah! ça par exemple, il n'est pas rare d'entendre argumenter des causes où l'on se rue les in-folio, les in-quarto et les in-octavo en guise d'arguments. Je vous le demande, si ce n'est pas avouer que l'on n'a pas voulu étudier les principes du droit ou qu'on n'a pas pu les approfondir. Car enfin ceux qui ont écrit sur le droit sont comme le commun des mortels. Mais le plus grand tort, à mon avis, n'est pas, comme quelques journaux l'ont insinué, à nos juges; mais bien à nos lois. Quel dédale, mon Dieu! Une loi en suspend une autre; celle-ci reprend force, laissant subsister ce qu'il n'y a pas de contraire dans celle qui l'a suspendue, etc. etc. Et la rédaction, donc ! On y cherche à tout énumérer, de sorte que si par malheur le législateur oublie quelques détails, chose qu'il ne manque jamais de faire, les avocats de dire qu'ils n'ont pas été prévus. Et que diable voulez-vous que fasse un juge lorsqu'il appert par le texte même que le Législateur n'a eu en vue que les cas qu'il s'est évertué à énumérer.

Tout de même, le gaillard a été plus chanceux que le défunt Guibord. Il passe comme un feu follet par dix portes consécutives, à travers cent hommes de police qui se le demandent les uns aux autres, pendant que le rusé file son nœud vers la capitale Torontonienne où il est repris. L'autre lui, n'a pas même eu l'avantage de se faufiler dans le plus petit coin du cimetière. Desroches était là qui lui a crié On ne passe pas ! Et malgré tout le zèle de ses confrères de l'Institut, sa position ne s'améliore guère, au moins pour ce qui est de faire agréer son billet de logement. Pourtant, il a bien eu ses avocats, lui aussi. Mais le malheur est que ces messieurs paraissent connaître un peu moins le dédale du droit canonique que les avocats de Caldwell ne connaissaient le dédale du Palais de Justice. Les théologiens de l'Institut prononcent que malgré l'Eglise, Guibord était encore dans l'Eglise. Pourtant, il parait que ce n'était pas le cas, puisque l'autorité en ayant fermé les portes, le pauvre homme s'est si bien trouvé en dehors qu'on est à prendre les moyens de l'y faire rentrer.

Pour parler sérieusement. le pouvoir ecclésiastique, qui connait les limites assignées, dit au pouvoir civil: si nous voulions priver

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