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de son cœur! Que de fois j'ai été profondément touché, que de douces larmes j'ai répandues, en voyant l'action de la grâce surces infortunés orphelins du bonheur, qu'elle façonne pour la félicité ! Oui, le sauvage est un homme, un homme capable de faire dominer en lui l'homme spirituel; capable de sentir et de goûter les choses de Dieu. Si le caractère moral du sauvage qui se convertit au christianisme, si ce caractère ne vous prouve pas assez qu'il est homme, ô vous ! qui ne craignez pas de rejeter l'enseignement divin, contemplez le sauvage infidèle, et sa dégradation vous prouvera qu'il est de la même espèce que ceux qui le repoussent Homme, comme tous ceux qui ignorent Dieu ou le méconnaissent; comme tous ceux qui ne veulent pas de l'Evangile, ni de sa morale; homme, comme tous les esclaves des sens et de la nature, homme comme tous les orgueilleux, les homicides, les voleurs ! Oh! oui le "Peau-Rouge" infidèle prouve qu'il est homme comme la race blanche infidèle !

Les sauvages du "Département du Nord" avant même l'arrivée des missionnaires parmi eux, avaient tous quelques notions religieuses, voire même quelques traditions bibliques, faciles à distinguer, au milieu du grossier encadrement de folies et de superstitions qui les enveloppe. Tous les sauvages reconnaissent un être quelconque, supérieur aux autres, auquel ils donnent différents noms. Le culte de cet être était souvent nul et toujours bien mal défini; quelques-uns rendent le culte le plus éclatant au soleil ; d'autres, tout en reconnaissant "l'Esprit Bon," servent et honorent de préférence, le méchant. Presque tous croient à une espèce de polythéisme grossier, ils adressent leurs supplications à tous les êtres de la nature, à tous ceux surtout qui revêtent une forme singulière ou extraordinaire. D'infâmes et absurdes superstitions captivent les pauvres peuples, et sont souvent un obstacle à leur con version. Les jongleurs ou sorciers, qui sont d'ordinaire les médecins, s'attribuent une puissance et une force surnaturelle, qui leur permet d'exercer un grand ascendant sur leurs compatriotes, et comme ces personnages trouvent ainsi un moyen sûr de servir leurs sordides passions, ils sont intéressés à ne point abandonner leur art, et à combattre tout ce qui en diminuant leur influence, nuirait à leurs intérêts.

Quant à la valeur réelle de ces jongleries, il m'est bien difficile, non seulement de formuler, mais, même, de me former à moimême, une opinion certaine. Nul doute que, le plus souvent, ce n'est qu'une supercherie adroite, d'autres fois je croirais à une intervention diabolique. D'ordinaire, ces sorciers ou "hommes de médecine " sont de beaucoup les plus mauvais de la nation et l'esprit

méchant; si Dieu le lui permet, trouverait son compte à les assister. Je n'ai jamais pu être témoin de ces magies. Ma légitime curiosité, à cet égard, était excitée par la nature des faits racontés; et aussi, je dois l'avouer, par le caractère d'hommes sérieux et intelligents qui me disaient avoir été témoins oculaires de ses merveilles, Souvent, j'ai demandé à voir ces tours de force des sorciers, et les acteurs s'y sont refusés, assurant eux-mêmes qu'ils n'avaient plus aucune puissance en présence de "l'Homme de la Prière," ou même, auprès d'un objet pieux, comme le Livre des Saintes Ecritures, une croix, un chapelet, etc., etc.

De qui descendent les Sauvages? Je viens de le dire, ce sont des hommes, donc ils descendent d'Adam. J'ajouterai, Noé fut leur aïeul, Sem leur père, car la race rouge ou américaine se rattache à la race Mongole, dont elle diffère moins que les races issues des trois fils ne diffèrent entre elles. La question de la possibilité de peupler l'Amérique par des émigrations de l'Asie, ou même du Nord de l'Europe, n'est plus un problème. Tout le monde sait combien la chose est facile; même en supposant qu'à l'époque de ces pérégrinations, les voyageurs n'auraient pas eu d'autres facilités que celles qu'ils possèdent aujourd'hui. Cette dernière supposition n'est point probable. Pour ma part, je suis convaincu que les sauvages ont été plus civilisés qu'ils ne le sont maintenant; qu'ils se sont abaissés par l'oubli des traditions qui les ralliaient à Dieu, tout comme ils se relèveront en acceptant l'enseignement qui les rapproche de leur auteur et de leur fin. Puisse leur position servir de leçon à ceux qui voudraient atténuer, pour les détruire ensuite, les préceptes du Divin Réparateur !

Que deviendrait l'humanité si elle se faisait athée, si elle se faisait matérialiste? Elle deviendrait sauvage et sauvage de la pire espèce. Comme ils sont coupables, ceux qui s'efforcent de la conduire à ces monstruosités, par des voies directes, quoiqu'on les colore d'un nom moins odieux. Le pauvre sauvage n'a jamais été assez insensé pour prononcer la déchéance de l'Etre Suprême, il n'a jamais été assez méchant pour revendiquer l'égalité avec la brute, et, pourtant, il est descendu assez bas en ne conservant que les notions vagues et indéfinies qui l'ont arrêté sur le bord de ces deux abimes. Que deviendront les nations dont un certain nombre ne paraissent pas craindre de descendre dans ces horribles profondeurs?

Quand des hommes se sont-ils faits américains? La solution de cette question serait sans doute extrêmement intéressante, mais je crois bien que ce n'est pas ici qu'on la trouvera. Je pense même qu'on ne la trouvera jamais. Nos sauvages du "Département du Nord," sont tous sans chroniques, sans annales, sans monuments

écrits, sans monuments d'un ordre ou d'un genre quelconque. Tous ignorent, ou ignoraient à notre arrivée jusqu'à leur âge et celui de leurs enfants. Les traditions orales ne semblent bien définies que lorsqu'elles ne remontent pas plus loin qu'à l'aieul de celui qui les raconte, en sorte que l'on comprend facilement que les recherches archéologiques ne sont pas faciles. La science chronologique, souvent si difficile à établir parmi des peuples qui ont joui d'une certaine civilisation, est tout à fait nulle et impossible ici. Nous ne tenterons donc pas même le moindre essai à cet égard. MGR. TACHÉ.

JOURNAL DES

OPERATIONS DE L'ARMÉE AMERICAINE

LORS DE L'INVASION DU CANADA EN 1775-76,PAR
M. J. B. BADEAUX, NOTAIRE DE LA VILLE
DES TROIS-RIVIÈRES.

(Suite.)

Le 29, le commandant m'ayant demandé d'aller avec lui à St. Pierre le Becquet, pour l'interpréter dans l'élection des officiers de milice, j'y fus avec M. Bellefeuille fils; nous partîmes à 9 heures du matin. En passant à Champlain, ayant appris qu'on faisait l'enterrement de M. Morisseau, curé, le commandant arrêta à l'église pour voir la cérémonie, nous partimes et nous rendimes à St. Pierre à 1 heure après midi, étant arrivé, les habitants se trouvèrent partagés en deux parties, les uns voulaient que l'assemblée se fit au presbytère, suivant l'usage, les autres le voulaient dans une autre maison; après avoir examiné les raisons, M. le commandant ordonna que l'assemblée se tiendrait au presbytère suivant l'usage. Rendus au presbytère, plusieurs habitants dirent qu'ils ne voulaient point du capitaine qui avait été nommé il y a 3 jours; le commandant en demanda la cause, un nommé Etienne Chandonnet qui portait sans doute la parole dit au commandant: Monsieur la raison que nous avons de ne pas recevoir cet homme pour capitaine, c'est qu'il a le cœur anglais et qu'il a reçu des commissions du général Carleton, pendant que nous les avons refusées. Le commandant leur fit une réponse très-judicieuse; il leur dit que quoique cet homme eut accepté des commissions du général Carleton et qu'il ait servi le roi, cela n'est pas une raison suffisante, il peut

être aussi bon sujet pour le congrès qu'il a été fidèle au général Carleton mais pour lever toutes difficultés, je vais procéder à une nouvelle élection.

:

M. le commandant m'ordonna d'ouvrir l'élection, ce que je fis et reçus les voix malgré le bruit des habitants qui se querellaient pour que le premier capitaine ne le fut point, néanmoins, s'il avait eu encore une voix il l'aurait emporté, mais ce fut Augustin Brisson qui fut nommé capitaine, Joseph François Maillot, lieutenant, Augustin Frustrer, enseigne. Aussitôt après l'assemblée, nous repartîmes et nous arrivâmes en ville à 9 heures du soir, d'un grand froid.

Mars. Le premier jour de Mars M. Crevier Deschenau de St. François, me pria d'aller avec lui chez M. le commandant pour lui servir d'interprête, abjustifier contre les calomnies que Joseph Traversy capitaine de St. François avait fait contre lui: je fus avec lui et demandai à M. le commandant de la part de M. Crevier quels étaient les griefs qu'on lui imputait.

M. le commandant fut me chercher des certificats de plusieurs avocats de St. François, qu'il me donna à lire, les certificats portaient qu'ils avaient ouï dire que le sieur Crevier Deschenau avait dit qu'il voulait marcher jusqu'aux genoux dans le sang des Bastonnais canadiens et sauvages; après avoir fait la lecture de ces certificats, je remontrai respectueusement au commandant, qu'ils n'étaient pas suffisants, attendu que les personnes qui les avaient donnés, ne disaient pas qu'elles avaient entendu dire cela au sieur Crevier, mais seulement qu'elles avaient ouï dire, que par conséquent ce ne pouvaient être des preuves que très-équivoques qu'il fallait que Joseph Traversy et ses témoins comparussent en personne pour prouver leur avancé.

Le commandant me dit que ça était juste et me pria de faire un ordre en Français pour ordonner à Traversy de paraître demain à 11 heures avec ses témoins.

Ce même jour il est passé environ 30 Bastonnais qui vont à Québec avec environ 100 canadiens qui avaient déserté du camp cet automne qu'ils réunirent avec eux.

2. Le deux il est passé 50 Bastonnais qui vont au camp.

A deux heures de l'après-midi je fus chez le commandant pour l'affaire entre le sieur Crevier Deschenau et Traversy qui ne parut point, sa femme ayant envoyé Joseph Halard pour dire au commandant qu'il était allé à la chasse à l'orignal.

Le commandant fit une obligation de la somme de 1000 louis sterling, dans laquelle intervenait M. Laframboise comme caution pour répondre de la bonne conduite du sieur Deschenau, j'expli

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