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sible et impressionnent vivement. Il nous suffira de signaler cette touchante poésie: Le tombeau du marin, qui fera perler bien des pleurs.

L'auteur des Laurentiennes est avant tout un joyeux ecrivain, aimant à dérider le front soucieux de ses lecteurs. Le style étant l'homme, son aimable nature a dû se réfléter dans ce qu'il a produit. Aussi, admire-t-on dans ce recueil maintes chansonnettes fort allègres et réussies: c'est là où M. Sulte prime véritablement. C'est la fleur de son bouquet littéraire qu'il cultive le mieux à notre avis.

Les Laurentiennes ne sont pas sans doute parfaites; mais c'est un livre qui aura les suffrages du public après avoir obtenu les éloges de la presse.

Comme il a droit à une appréciation plus étendue, nous laisserons cette étude critique à la plume finement taillée de M. A. B. Routhier, qui nous a promis une causerie sur les Laurentiennes pour notre prochaine livraison.

En terminant, disons que l'éditeur de la Revue ne pouvait offrir un plus élégant cadeau aux abonnés, car il a su faire honneur à l'œuvre en y mettant un luxe typographique vraiment recherché.

JOSEPH TASSÉ.

Le dernier chant du Cygne sur le tumulus du gallicanisme.-Réponse à Mgr. Dupanloup, par Mgr. de Birtha. Montréal, des presses à vapeur de la Minerve.

Cette brochure remet dans un seul cadre le travail que le savant auteur a publié sous forme de chronique, dans quelques numéros de la Minerve, en réponse à Mgr. d'Orléans sur l'inopportunité de déclarer dogme l'infaillibilité du Pape.

Une lettre de Mgr. de Birtha à M. le Rédacteur, publiée en tête de cette brochure explique comment ce journal a été favorisé d'une communication qui ne lui était pas d'abord destinée.

La forme adoptée par l'éloquent prélat ne trouvera peut-être pas grâce devant ces esprits fortement charpentés qui ne tiennent un article pour valable que lorsqu'il est rembourré de textes et d'autorités, qu'il a la puissance de charger le cerveau comme un plat de résistance l'estomac d'un gourmet, de ces gens enfin qui n'admettent pas, parcequ'ils ont un appétit exceptionnel que des poitrines plus faibles ont besoin d'une nourriture plus légère.

Mais il est inutile d'insister sur un fait qui saute aux yeux de tous ceux qui connaissent le goût et la manière d'apprécier de la généralité des lecteurs auxquels cette chronique s'adresse.

Le but de Mgr. de Birtha n'était pas de faire de la littérature, mais de répondre immédiatement à la sortie de l'évêque d'Orléans à mesure qu'elle se produisait devant le public, et comme disent très-bien les éditeurs de cette brochure" de faire parvenir l'antidote en même temps que le breuvage malsain aux lecteurs."

Il était autorisé plus que qui que ce soit à traiter sur le ton qu'il l'a fait, le chef du gallicanisme.

La manière qu'il a adoptée lui a permis de faire ressortir d'avantage peutêtre la position fausse et malheureusement absurde où peut se trouver le plus grand talent lorsqu'il cesse pour un instant de suivre le sentier de la vérité.

Un laïque pouvait se trouver mal-à-l'aise à dénoncer l'opinion hérétodoxe d'un écrivain qui pour donner plus d'autorité à sa parole met en évidence sa dignité épiscopale et donne à son écrit un caractère officiel.

Mais ici la discussion s'engage sur un terrain d'égalité et c'est ce qui doit être apprécié pour juger du ton de cette brochure.

Mgr. Pinsonneault signale d'abord toutes les contradictions qui existent entre la parole et les écrits de l'éloquent auteur du manifeste sur cette question d'opportunité. Il fait voir la différence de sentiments qui agitent Mgr. Dupanloup, et ceux qu'entretiennent les évêques de tous les autres diocèses de France: chez le premier, inquiétude, alarme à l'occasion du Concile; chez les autres, joie, espérance et foi dans le prochain triomphe de l'Eglise.

Il fait voir l'esprit tranquille avec lequel Mgr. Dupanloup a laissé agir le libéralisme sur cette question. Ni le manifeste de Coblents, ni la réponse de M. de Montalembert, ni le livre de Mgr. Maret, ni le Correspondant, ni le Français ont été jugés inopportuns. Mais aussitôt que la voix des croyants à l'infaillibilité se fait entendre, pour répondre aux attaques du gallicanisme, de suite on cherche à les éteindre, et il n'y pas assez de foudres libérales pour condamner une entreprise aussi téméraire.

L'on trouve de bien belles pages dans cet écrit. Nous signalerons entr'autres celles où il cite pour les refuter l'avancé de l'apôtre Gallican par lequel il nie que l'Eglise ait jamais reconnu la vérité de l'infaillibilité du Pape, et attaque cette proposition comme dangereuse. Il fait avec une éloquence chaleureuse et une force d'argument irrésistible la preuve de cette archive et de la tradition constante de l'Eglise en cette matière depuis St. Pierre jusqu'à Pie IX, depuis St. Augustin jusqu'à St. Alphonse de Liguori. Son dévouement à la papauté, son amour et sa vénération pour l'Eglise lui inspirent encore de beaux mouvements lorsqu'il en vient à parler des dénonciations déplorables dont Mgr. d'Orléans, va chercher la source dans les faits les plus controversés de l'histoire, lorsque le mettant en face de l'accusation d'accusator fratrum dont son Avertissement" frappait Ls. Veuillot, il lui fait voir que lui, il a porté plus haut sa voix accusatrice. Non-seulement il a dénoncé ses frères dans l'épiscopat, mais encore le siége de St. Pierre dans la personne des Papes, en signalant ce qu'il appelle leurs faiblesses, leur ambition et leur despotisme.

Pour ceux qui suivent le développement de cette dernière lutte du Gallicanisme, transformé par les besoins du temps en libéralisme, et qui se livre aux abords du concile, sur les degrés même du Vatican, ils trouveront beaucoup d'intérêt à lire cette brochure; ils y verront bientôt de quel côté la Vérité fera tourner la victoire et souscriront de cœur à cette belle pensée par laquelle Mgr de Birtha termine une de ses chroniques.

"Oui, nous en avons la confiance, après le Concile qui parait tant effrayer "l'évêque d'Orléans, le Pape apparaîtra plus grand, plus glorieux que "jamais. La société humaine, ballottée par les vents de l'erreur et menacée "de succomber sous les coups du socialisme crie comme les apôtres præceptor perimus! et la papauté commandera à cette tempête suscitée par les "fils de Satan...... et fiet tranquillitas magna."

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ALPHONSE DESJARDINS.

LE CAPITAINE FRÉDÉRIC ROLETTE.

L'histoire, comme le passant, ne regarde souvent que ce qui éblouit, et ne tient pas toujours compte du mérite modeste. Occupée à rendre hommage à ceux qui sont restés puissants, c'est à peine si elle daigne adresser une louange à ces serviteurs obscurs qu'ombrage l'absence des richesses. Et pourtant, souvent la patrie leur doit plus qu'à tout autre. Dans un pays comme le nôtre, où l'on s'efforce, avec raison, de faire prévaloir l'aristocratie du mérite, il est utile de fouiller dans les recoins de l'histoire pour en faire jaillir, aux yeux du public, ces mérites inappréciés, pour voir si des actions, accomplies par des hommes de bien, n'ont pas été oubliées, et se hâter de leur payer un juste tribut. En acquittant une dette, nous travaillerons, nous en sommes sûr, à l'encouragement des âmes nobles; en signalant à l'admiration le vrai mérite, nous remplirons les lacunes de notre histoire et nous accomplirons le devoir de citoyen reconnaissant.

Nous désirons aujourd'hui faire connaître au public les actions d'un de ces hommes qui, bien qu'occupant une place secondaire, n'en a pas moins rempli son rôle avec honneur: nous voulons parler du Capitaine Frédéric Rolette, dont plusieurs rejetons existent encore dans des positions plus ou moins modestes. Tous se rendent par leur bonne conduite et leur honnêteté, dignes du nom qu'ils portent. Ils ont d'ailleurs formé des alliances avec plusieurs familles canadiennes distinguées, et, à ce double titre, nous croyons être accueilli avec bienveillance.

Frédéric Rolette, né à Québec, en 1783, était fils cadet de Joseph Rolette, ancien officier de milice de la ville et banlieue de Québec.

Dès son bas âge, il donna des marques d'énergie qui lui valurent plus tard ses titres à la gloire. Le théâtre où il se trouvait n'offrait aucune voie à sa légitime ambition; il partit donc fort jeune à bord d'un vaisseau de guerre et s'engagea dans la marine anglaise. Le champ d'honneur était vaste du temps de l'empire. Nous n'avons aucuns documents qui nous autorisent à dire qu'il se distingua; mais la conduite qu'il tint plus tard en Canada nous porte à croire qu'il fit partout son devoir, et le grade qu'on lui donna en arrivant, semble le prouver. D'ailleurs, dans ce mélange d'exploits merveilleux, où les grandes actions passaient pour ordinaires, il n'est pas étounant qu'on n'ait pas tenu compte de la conduite d'un simple soldat. Quoiqu'il en soit, il résolut, à son retour, de mettre au service de sa patrie les vertus militaires dont il était orné.

De tout temps on avait compris que le Haut-Canada, avec une frontière d'au-delà de 1,300 milles, exigeait une bonne marine en cas d'hostilité avec nos voisins. L'attention des gouverneurs français même, avait souvent été attirée vers ce point; la guerre de l'indépendance américaine démontra plus que jamais qu'il était de la plus grande importance d'obtenir la suprématie sur les lacs; aussi s'occupa-t-on de prévenir les américains qui, eux aussi, n'avaient pas jugé à propos de rester en arrière sous ce rapport.

En conséquence, le gouvernement avait créé une marine provinciale pour croiser sur les lacs et veiller aux frontières. Ce fut dans cette marine que Frédéric Rolette entra. Par commission du 4 octobre 1808, il fut nommé second lieutenant dans l'armement naval de Sa Majesté.

La paix ne procura aucune occasion à Rolette de se distinguer; cependant, ses qualités furent appréciées par les autorités militaires et comme en prévision d'une guerre prochaine, on avait besoin. d'officiers recommandables, on jeta les yeux sur lui, en le promuant, le 25 avril 1812, au grade de premier lieutenant et en lui confiant le commandement du brigantin Le Hunter, qui devait croiser sur les lacs Erié et Ontario, avec le Queen Charlotte, commandé par le capitaine Hall et le Lady Prevost, commandé par le lieutenant Barwis.

Les difficultés qui existaient entre les Etats Américains et l'Angleterre, au sujet du droit de visite, introduit dans le Code maritime de celle-ci, comme complément de l'état de blocus, dans lequel elle avait mis les côtes d'une partie du continent Européen, venaient de se résoudre. Les nuages épais qu'avait accumulés à l'horizon le souffle de la discorde, menaçaient de se décharger ; l'équilibre établi entre les puissances venait de se briser; les

parties en contestation étaient descendues, en se bousculant, de l'arène diplomatique sur le champ de bataille, et un petit peuple allait se mesurer avec une armée plus nombreuse que toute sa population. Le Congrès de l'Union avait ordonné la levée de 175,000 hommes. Pour couvrir une frontière de 1,700 milles en longueur, le Canada n'avait que 4,500 hommes de troupes régulières de toutes armes. Dans le Haut-Canada, il n'y avait que 1,450 soldats. Malgré la résolution de l'Angleterre de se tenir sur la défensive et de ne marcher en avant que quand cela serait nécessaire au succès du plan qu'elle avait adopté, elle ne pouvait compter, pour opposer une barrière sur cette immense frontière coloniale, que sur le courage des colons eux-mêmes. Ceux-ci n'étaient qu'une poignée d'hommes; mais ces hommes étaient animés par l'amour de leurs lois et de leur religion; ces hommes formaient un peuple menacé par un orage plus grand encore, parce qu'il était continuel et qu'il grondait sourdement dans les bas fonds de l'intrigue et dans les bureaux d'une oligarchie qui avait juré sa perte.

L'occasion était belle pour prouver à l'Angleterre que le devoir seul peut constituer la loyauté et que si nous n'avons pu aimer ses agents préjugés, parce qu'ils n'avaient pas pris les moyens d'être aimés, nous tenions à ses institutions qui nous étaient d'autant plus chères que nous les avions conquises. Elle comprit alors, comme elle le comprit toujours au moment du danger, qu'elle avait intérêt à nous ménager et qu'elle pouvait le faire en étant juste envers nous.

La foudre éclata le 18 juin 1812. Partout retentit le bruit des armes. Le cri lancé du capitole se répéta à travers nos grandes forêts et il fut entendu des enfants du pays. On fit appel aux Canadiens, et ceux qui avaient été les plus opprimés, en défendant leur loyauté sous l'administration précédente, furent les plus ardents à arborer le drapeau de la défense. Les milices s'organisèrent et les fils de la France, sous Sir George Prevost, d'heureuse mémoire, volèrent aux frontières avec l'ardeur qui les a toujours distingués, pour sauver à l'Angleterre une de ses plus belles colonies.

Le brave général Brock, lieutenant gouverneur du Haut-Canada, pourvut personnellement à la protection de Niagara et du Détroit. Il confia au major général Shaw, la frontière Est dont Kingston était le centre.

Le général américain Hull, gouverneur du Michigan, parti de l'Ohio avec 2,500 hommes envahit le Canada le 12 juillet. Il traversa la rivière du Détroit et alla camper à Sandwich, dans le Haut Canada, avec l'intention de s'emparer du fort Malden ou

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