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(3) Littéralement : « Comblé de caresses par sa maîtresse, » il lui dit: Je serois fort étonné si tu me chérissois aussi de

>> cœur. »

(4) Il auroit fallu dire : « Si après une grande sècheresse >> il vient à pleuvoir. » Le lecteur attentif aura déjà remarqué dans cette traduction beaucoup de négligences de style qu'on ne pardonneroit pas de nos jours.

(5) Au lieu de ces mots, et dès que celui-ci, etc., le texte dit, « Et s'il a eu un bon marché. » M. Barthelemy, qui a inséré quelques traits de ce caractère dans son chapitre xxvIII, rend celui-ci de la manière suivante : « Un de mes amis, après les plus tendres sollicitations, consent à me céder le >> meilleur de ses esclaves. Je m'en rapporte à son estimation; » savez-vous ce qu'il fait? il me le donne à un prix fort au>>> dessous de la mienne. Sans doute cet esclave a quelque » vice caché. Je ne sais quel poison secret se mêle toujours à >> mon bonheur. »

(6) Le grec porte : « Si tu ajoutes que mon bien est dimi>> nué de moitié, tu auras dit la vérité. »

(7) Voyez chapitre 1, note 3.

CHAPITRE XVIII.

DE LA DÉFIANCE.

L'ESPRIT de défiance nous fait croire que tout le monde est capable de nous tromper. Un homme défiant, par exemple, s'il envoie au marché l'un de ses domestiques pour y acheter des provisions, il le fait suivre par un autre, qui doit lui rapporter fidèlement combien elles ont coûté. Si quelquefois il porte de l'argent sur soi dans un voyage, il le cal cule à chaque stade (1) qu'il fait pour voir s'il a son compte. Une autre fois, étant couché avec sa femme, il lui demande si elle a remarqué que son coffre-fort fût bien fermé, si sa cassette est toujours scellée (2), et si on a eu soin de bien fermer la porte du vestibule; et, bien qu'elle assure que tout est en bon état, l'inquiétude le prend, il se lève du lit, va en chemise et les pieds nus, avec la lampe qui brûle dans sa chambre, visiter lui-même tous les endroits de sa maison ; et ce n'est qu'avec beaucoup de peine qu'il s'endort après cette recherche. Il mène avec lui des témoins quand il va demander ses arrérages (3), afin qu'il ne prenne pas un jour envie à ses débiteurs de lui dénier sa dette. Ce n'est pas chez le foulon qui passe pour le meilleur ouvrier qu'il

envoie teindre sa robe, mais chez celui qui consent de ne point la recevoir sans donner caution (4). Si quelqu'un se hasarde de lui emprunter quelques vases (5), il les lui refuse souvent; ou, s'il les accorde, [il ne les laisse pas enlever qu'ils ne soient pesés: il fait suivre celui qui les emporte, et envoie dès le lendemain prier qu'on les lui envoie ] (6). A-t-il un esclave qu'il affectionne et qui l'accompagne dans la ville (7), il le fait marcher devant lui, de peur que, s'il le perdoit de vue, il ne lui échappât et ne prit la fuite. A un homme qui, emportant de chez lui quelque chose que ce soit, lui diroit: Estimez cela, et mettez-le sur mon compte, il répondroit qu'il faut le laisser où on l'a pris, et qu'il a d'autres affaires que celle de courir après son argent (8).

NOTES.

(1) Six cents pas. (La Bruyère.) Le stade olympique avoit, selon M. Barthelemy, quatre-vingt-quatorze toises et demie. Le manuscrit du Vatican porte: « Et s'assied à chaque stade » pour le compter.

>>

(2) Les anciens employoient souvent la cire et le cachet en place des serrures et des clefs. Ils cachetoient même quelquefois les portes, et surtout celles du gynécée. (Voyez entre autres les Thesmoph. d'Aristoph., v. 422.)

(3) « Quand il demande les intérêts de son argent, afin que >> ses débiteurs ne puissent pas nier la dette. » Il fant supposer peut-être que c'est avec les mêmes témoins qui étoient présents lorsque l'argent a été remis.

(4) Le grec dit : « Mais chez celui qui a un bon répondant. »

(5) D'or ou d'argent. ( La Bruyère.)

(6) Ce qui se lit entre les deux [] n'est pas dans le grec, où le sens est interrompu; mais il est suppléé par quelques interprètes. ( La Bruyère.) C'est Casaubon qui avoit suppléé à cette phrase défectueuse, non-seulement par les mots que La Bruyère a désignés, mais encore par les quatre précédents. Voici comme le manuscrit du Vatican restitue ce passage, dans lequel on reconnoîtra avec plaisir un trait que Casaubon avoit deviné: « Il les refuse la plupart du temps; mais, >> s'ils sont demandés par un ami ou par un parent, il est tenté » de les essayer et de les peser, et exige presque une caution » avant de les prêter. » Il veut les essayer aux yeux de celui à qui il les confie, pour lui prouver que c'est de l'or ou de l'argent fin. Ce sens du verbe grec, restitué dans cette phrase par M. Coray, est justifié par l'explication que donne Hésychius du substantif qui en dérive.

(7) La Bruyère a ajouté les mots, « Qu'il affectionne,» M. Coray a joint ce trait au précédent, en l'appliquant à l'esclave qui porte les vases.

lui

(8) Dans les additions du manuscrit du Vatican, à cette phrase difficile et elliptique, il faut, je crois, mettre le dernier verbe à l'optatif attique de l'aoriste, et traduire : « Il ré» pond à ceux qui, ayant acheté quelque chose chez lui, >> disent de faire le compte et de mettre l'objet en note, parce » qu'ils n'ont pas en ce moment le temps de lui de envoyer l'argent: Oh! ne vous en mettez pas en peine; car, quand » même vous en auriez le temps, je ne vous en suivrois pas >> moins ; » c'est-à-dire, quand même vous me diriez que vous m'enverrez de l'argent sur-le-champ, je préférerois pourtant de vous accompagner chez vous ou chez votre banquier pour le toucher moi-même.

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CHAPITRE XIX.

D'UN VILAIN HOMME.

CE caractère suppose toujours dans un homme une extrême malpropreté, et une négligence pour sa personne qui passe dans l'excès, et qui blesse ceux qui s'en aperçoivent. Vous le verrez quelquefois tout couvert de lèpre, avec des ongles longs et malpropres, ne pas laisser de se mêler parmi le monde, et croire en être quitte pour dire que c'est une maladie de famille, et que son père et son aïeul y étaient sujets (1). Il a aux jambes des ulcères. On lui voit aux mains des poireaux et d'autres saletés, qu'il néglige de faire guérir; ou, s'il pense a y à y remédier, c'est lorsque le mal, aigri par le temps, est devenu incurable. Il est hérissé de poil sous les aisselles et par tout le corps, comme une bête fauve; il a les dents noires, rongées, et telles que son abord 'ne se peut souffrir. Ce n'est pas tout (2): il crache ou il se mouche en mangeant, il parle la bouche pleine (3), fait en buvant des choses contre la bienséance (4), ne se sert jamais au bain au bain que d'une huile qui sent mauvais (5), et ne paroît guère dans une assemblée publique qu'avec une vieille robe (6) et toute tachée.

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